Les grands électeurs peuvent-ils priver Trump de la présidence?

© REUTERS / Brian SnydeDonald Trump
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Si les grands électeurs décidaient soudainement de changer d’avis et votaient pour Hillary Clinton le 19 décembre, celle-ci elle deviendrait la présidente des États-Unis. Cette situation n’est pas contraire à la constitution américaine. Mais un tel scénario est-il vraiment possible?

La pétition sur le site change.org exhortant les membres du collège électoral des États-Unis à voter pour la candidate du Parti démocrate Hillary Clinton et de lui donner les clés de la Maison Blanche a déjà recueilli plus de quatre millions de signatures.

Outre les accusations scandaleuses, les initiateurs de la pétition rappellent un fait qui, selon eux, est décisif : c'est bien Hillary Clinton qui a été plébiscitée aux nombres de votes, tandis que Trump n'a remporté que la majorité des votes de grands électeurs.

« Cela est symptomatique de la façon dont une partie de la population remet de plus en plus en cause le résultat des élections démocratiques. Il y a eu exactement les mêmes opérations avec le Brexit », commente Pascal Gauchon, directeur de la revue Conflits, pour Sputnik.

Mais alors, le tour est-il joué ou doit-on s'attendre à un retournement de situation?

Pour répondre à cette question il faut d'abord comprendre comment le système électoral américain fonctionne.

Quelle est la procédure officielle pour nommer le vainqueur de l'élection présidentielle aux États-Unis ?

Aux États-Unis, l'élection présidentielle est un scrutin universel indirect qui se déroule en deux étapes. Tout d'abord, un vote populaire national élit les grands électeurs, au nombre de 538. Ceux-ci composent le collège électoral qui choisira le président du pays.

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Le vainqueur est celui qui obtient la majorité des votes absolue, soit au minimum 270 votes. Le nombre de représentants de chaque État au collège électoral est égal au nombre de législateurs représentant leurs États au Congrès. Ce chiffre est à peu près proportionnel à la population de l'État (trois électeurs pour le Wyoming et pour le District de Columbia, 55 pour la Californie, État le plus peuplé du pays).

Lorsque les citoyens américains se rendent aux urnes pour « élire » le président, ils votent en fait pour une liste donnée d'électeurs. Le candidat qui remporte le plus de voix dans un État remporte l'intégralité des grands électeurs de cet État, sauf à de rares exceptions.

Quarante-et-un jours après l'élection populaire, les grands électeurs se réunissent dans leurs États respectifs pour élire le président et le vice-président. Le candidat qui remporte le plus de votes dans l'État est censé obtenir tous les votes électoraux de l'État.

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Parce que les candidats peuvent gagner certains États avec un avantage considérable et d'autres avec un écart minimal, il est possible qu'un candidat ou une candidate remporte la majorité du collège électoral même s'il ou elle a perdu le vote populaire national.

Une telle situation ne s'est produite qu'à trois reprises dans l'histoire des États-Unis, la dernière remontant à l'élection présidentielle de 2000 quand George W. Bush a perdu le vote populaire d'environ 540 000 voix contre Al Gore, mais a remporté la majorité des grands électeurs, 271 votes contre 266.

On observe cette année une situation similaire. Hillary Clinton a obtenu 775 000 voix de plus que son adversaire, mais a cédé le statut de président élu à Donald Trump, qui a remporté la majorité des grands électeurs.

Mais alors, pourquoi le collège électoral existe-il ?

Le journal USA Today donne la raison de l'existence de ce collège électoral, qui est historique: la plupart des fondateurs de la nation américaine avaient peur de la démocratie et voulaient une couche supplémentaire entre l'élection directe et le président.

Aujourd'hui, le collège sert plutôt à égaliser l'influence des différents États du pays de telle sorte que les États peu peuplés (comme le Wyoming) puissent avoir le même poids électoral que les États très peuplés (comme la Californie).

Qui sont les grands électeurs infidèles ?

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Dans la pratique moderne, la réunion du collège électoral 41 jours après l'élection présidentielle est une formalité. Il n'y a pas de disposition constitutionnelle ou de loi fédérale qui oblige les grands électeurs à voter selon les résultats du vote populaire dans leurs États. Ils ont donc le droit de changer d'avis. Cependant, les États peuvent obliger des grands électeurs à soutenir le candidat à la présidentielle représentant le parti de sa convention nationale.

Certains États prévoient même des amendes allant de 500 à 1 000 dollars (de 466 euros 933 euros) à ceux qui ne votent pas pour le candidat qui a remporté l'élection dans l'État au cours du vote populaire. De tels contrevenants s'appellent des « électeurs infidèles ».

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Selon FairVote, une organisation non partisane de réforme électorale, dans toute l'histoire des États-Unis 157 « électeurs infidèles » ont été enregistrés, dont 71 ont dû revoir leur choix parce que le candidat était décédé avant la réunion du collège électoral. 

Au total, selon les données de l'organisation, « 82 votes électoraux ont été changés à l'initiative personnelle de l'électeur ». Aucun n'a affecté le résultat d'une élection présidentielle.

Donc, en théorie, si un certain nombre de grands électeurs décident de voter pour Hillary Clinton à la place de Donald Trump, l'ex-secrétaire d'État serait élue présidente des États-Unis.

Un tel scénario peut-il se réaliser ?

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Selon Laurence Tribe, professeur de droit constitutionnel à la Faculté de droit de l'Université Harvard (Harvard Law School), un tel scénario est hautement improbable dans la pratique, en premier lieu parce le président Obama et Mme Clinton elle-même ont exclu cette éventualité.

Barack Obama a déclaré lors d'une conférence de presse le 14 novembre : « Regardez, les gens ont parlé. Donald Trump sera le prochain président, le 45e président des États-Unis. »

Mme Clinton lui a emboîté le pas : « Donald Trump va être notre président », ajoutant que les Américains « respectent et chérissent » la « primauté du droit ».

Il y a un autre obstacle pratique important au scénario souhaité par les pétitionnaires. Les grands électeurs sont choisis par les partis politiques des États. Ils sont généralement fortement impliqués dans la campagne du candidat de leur parti ou participent activement aux affaires du parti.

« Les grands électeurs ont été choisis par le candidat, ce serait prendre le risque de briser leur carrière politique », a commenté M. Gauchon.

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