Michael Flynn, l’homme de la sécurité nationale au sein de l’équipe Trump

© AP Photo / John LocherMichael Flynn, l’homme de la sécurité nationale au sein de l’équipe Trump
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Le président élu des Etats-Unis, M. Donald Trump, a décidé de nommer le Général Michael Flynn conseiller à la Sécurité Nationale . La personne de ce dernier attise les interrogations d’une partie de la presse française et étrangère. Il est ainsi traité dans un grand journal du soir de « revanchard » .

Pourtant, Michael Flynn mérite que l'on regarde son parcours de plus près. Il n'est pas le premier venu. Ancien directeur de la Defence Intelligence Agency de 2012 à 2014, il est incontestablement l'un des esprits les plus vifs et les plus remarquables de l'armée américaine. Souvent présenté comme tenté par l'extrême-droite, en raison de ses violentes attaques contre Hillary Clinton, le personnage se révèle beaucoup plus complexe, et inclassable. Issu d'une famille de tradition démocrate, il fut l'homme qui réécrivit les procédures d'interrogation à la suite du scandale de la prison d'Abu Graib en Irak. Ses opinions politiques, et en particulier sa volonté affichée d'aboutir à un accord avec la Russie, le classent comme un réaliste dans un environnement où dominent les idées néoconservatrices.

Un intellectuel militaire ?

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Michael Flynn fait partie de cette génération de militaires américains qui a fait ses expériences personnelles et militaires dans la lutte contre le terrorisme. Sa famille politique d'origine, on l'a dit, est le parti Démocrate. Il convent de le relever car, à la différence de bien des officiers supérieurs de l'armée américaine, il ne vient pas d'un milieu Républicain. Il n'est pas non plus, à l'origine, un militaire de carrière. Il n'est pas passé par l'académie militaire de West Point, mais par le système de formation des officiers de réserves, le ROTC, qu'il a intégré alors qu'il était étudiant. Cela ne l'a pas empêché de faire une carrière exceptionnellement brillante.

Flynn a commencé dans les forces parachutistes et a fait une partie de sa carrière dans les forces spéciales, au Joint Special Operations Command, le JSOC Il fut l'une des chevilles ouvrières de la transformation de ce commandement en l'une des plus efficaces machines de guerre des Etats-Unis. Il a travaillé sous les ordres du Général Stanley McChrystal dont le rôle fut décisif pour faire évoluer l'armée américaine en fonction des nouveaux défis posés par la mouvance terroriste. Michael Flynn s'est donc battu en Afghanistan et en Irak, dans des guerres qui ont été largement impopulaires aux Etats-Unis. Il fut à l'origine des percées en matière de renseignement qui aboutirent à la mort de Abu Musab Zarqawi le responsable d'Al Qaeda en Irak. Il a pu mesurer les effets délétères des tortures qui étaient couramment pratiquées dans cette prison. Michael Flynn a aussi participé à la remise en ordre du renseignement américain en Afghanistan, sous la direction du général Stanley McChrystal.

Une carrière exemplaire

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Dans ses différentes fonctions, il a acquis la réputation d'un opérateur particulièrement intelligent qui a compris, bien avant les autres, que le renseignement important n'est pas en priorité celui dit « militaire », sur lequel la DIA et le JSOC avaient tendance à se focaliser, mais un renseignement de nature bien plus politique. Or, le renseignement américain traversait une crise profonde, issue de la politique de George « W » Bush, qui avait décidé de démembrer le renseignement afin de faire prévaloir ses vues sur l'intervention en Irak. Cela avait conduit à des pertes de compétences importantes, tant à la CIA qu'à la DIA, pertes qui ne sont pas étrangères aux problèmes rencontrés par les Etats-Unis en Irak en 2004-2005. La nomination de Michael Flynn, avec d'autres, fait partie de la reconstruction du renseignement à laquelle les Etats-Unis sont alors contraints.

L'amiral Mike Roger, qui était en 2014 le directeur de la NSA, l'a appelé le meilleur officier de renseignement de ces vingt dernières années. Derrière l'hyperbole, il y a incontestablement une réalité. Et l'image que l'on peut avoir de Michael Flynn est effectivement celle d'un officier exceptionnellement doué.

Un opposant à la politique de Barack Obama ?

Quand Stanley McChrystal, son chef, fut forcé de démissionner pour des raisons d'incompatibilité politique avec Barack Obama, cela laissa un goût amer à Michael Flynn. Cela fut le début d'un conflit qui devait le conduire à s'opposer non seulement au Président Obama mais encore à choisir de s'engager contre Hillary Clinton en soutenant Donald Trump. Il faut ici souligner qu'il a publiquement accusé Hillary Clinton non seulement d'irresponsabilité dans la gestion de ses communications, mais encore d'avoir, par négligence ou à dessein, mis en danger la vie de l'ambassadeur américain en Libye lors du drame de Benghazi.

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Michael Flynn fut cependant nommé à la tête de la DIA en 2012, au début du second mandat du Président Obama. Cette nomination était la reconnaissance de ces compétences exceptionnelles, et il est rarissime qu'elle couronne quelqu'un qui n'est pas passé par les grandes universités militaires. Les Etats-Unis avaient fini par localiser et neutraliser Ben Laden. Obama escomptait alors que Flynn défendrait le discours officiel de l'administration selon lequel la phase la plus aigüe du danger était passée. Il n'en fut rien. A partir des informations en sa possession, Michael Flynn n'eut de cesse de tenter de mettre en garde l'administration Obama contre sa tendance de minorer le danger terroriste. Les conflits que cela provoqua allèrent grandissant. Il faut aussi signaler les conflits au sein de la DIA induits par le « style » de commandement de Michael Flynn. Ces conflits aboutirent à son départ en 2014.

Flynn, victime expiatoire de l'idéologie de la Maison Blanche ?

Dans une administration décidée à considérer — à tort ou à raison — la question du terrorisme comme réglée, la position de Flynn devenait insupportable. Le fait, aussi, que Flynn ne se soit jamais embarrassé avec les syllogismes du « politiquement correct », qu'il ait toujours appelé un chat un chat, n'ont pu qu'élargir le fossé entre les « politiques » de l'administration et les opérationnels. L'amertume renouvelée que Flynn a pu concevoir à la suite de ces événements, expliquent le basculement vers les républicains, et son soutien, dès l'automne 2015, à Donald Trump.
La relation que Flynn entretient avec l'idéologie néoconservatrice a certainement évolué au cours de sa carrière. Il est clair qu'il y a eu une conversion au « réalisme » politique, conversion qui le pousse à vouloir faire de la Russie un allié, même conjoncturel, dans la lutte contre le terrorisme.

Flynn a aussi construit une véritable pensée quant à la nature du terrorisme, et il fait le lien entre des situations conjoncturelles — comme celles qui peuvent exister en Libye, en Syrie et en Irak — et une idéologie structurée. Cette idéologie, à laquelle il fut confronté en Irak et en Afghanistan, lui semble structurer l'ensemble de la nébuleuse terroriste, dont il perçoit à travers le monde l'extension, en dépit de défaites locales.
Très clairement, sa nomination comme conseiller à la Sécurité Nationale sera ressentie par une partie de l'armée comme de nature à venger ce qu'elle ressent comme les affronts dans le limogeage de certains généraux, Petraeus et McChrystal en particulier. Son « réalisme », s'il se confirme, sera un changement bienvenu par rapport à la dimension très doctrinaire actuelle de la politique étrangère américaine.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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