Deux individus fichés « S » suspectés de préparer un attentat « imminent » sur le territoire ont été interpellés mardi 18 avril dans le IIIe arrondissement de Marseille par les hommes de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et du Raid. Un évènement à fort retentissement dans la dernière ligne droite d'un scrutin déterminant pour le pays et d'une campagne électorale déjà placée sous haute surveillance.
Ce matin, si certains médias mettent en parallèle les frappes opérées en Syrie et en Irak contre « Daech » et le lourd bilan payé par la population française ces deux dernières années en matière de terrorisme (238 morts), pour l'essayiste et géopolitologue Frédéric Encel, professeur de relations internationales à la PSB Paris School of Business et maître de conférences à Sciences Po Paris, les djihadistes visent avant tout la France pour ce qu'elle représente et non pour ses interventions extérieures.
« Ces gens-là détestent l'idée de nation, détestent évidemment la République française qui intègre, qui assimile, qui accueille depuis des décennies de nombreuses personnes notamment d'origine musulmane — y compris des femmes —. Et nous sommes des démocrates. Ils ont absolument horreur de ça et c'est la raison pour laquelle ils nous frappent et certainement pas parce que nous intervenons ici et là dans le monde. »
On remarquera que cette ligne semble partagée par les autorités. Côté Renseignement, on reste évasif concernant la cible des terroristes présumés, évoquant là aussi que c'est le processus électoral qui était visé plus qu'un candidat en particulier. Cependant, dans la presse, c'est le nom de François Fillon qui revient le plus. En cause, le candidat Républicains avait été le premier averti et placé sous la protection permanente de six officiers de sécurité, en fin de semaine, alors qu'il était en déplacement dans la région. En cause certainement, une vidéo interceptée par les services britanniques où la photo de François Fillon — en Une du Monde — apparaît.
Cependant, certains éléments semblent entrer en contradiction avec cette thèse. Dans l'arsenal saisi par la police judiciaire figurent des charges de TATP (acronyme de triperoxyde de triacétone). Un explosif artisanal puissant « prisé des djihadistes » pour sa facilité de production. Surnommé la « veuve de Satan », il est connu pour être particulièrement instable. Instable et facile à produire, deux éléments qui laissent à penser que l'attentat était prévu à Marseille ou ses environs. Le Figaro évoquait ce matin cette hypothèse, révélant par ailleurs que sur les trois kilos de cet explosif retrouvés dans l'appartement des deux terroristes présumés, « une partie était prête à l'emploi ». On notera que le TATP a déjà été utilisé lors des attentats de Paris le 13 novembre 2015 et de Bruxelles le 22 mars 2016.
Concernant le profil des deux suspects, Mahiedine Merabet et Clément Baur, fichés « S » et jusque-là condamnés respectivement douze et deux fois pour des faits de droit commun. Selon la famille de Mahiedine (29 ans), il se serait radicalisé au contact de Clément (23 ans), lors d'un séjour à la maison d'arrêt de Lille-Séquédin. Les deux individus auraient par la suite vécu en colocation à Roubaix. Une ville du nord déjà marqué par le djihadisme international, lorsqu'au milieu des années 90, un groupe de combattants proche d'Al-Qaida, revenu de Bosnie, avait entrepris de financer la mouvance en s'adonnant à des braquages.
Pour en revenir à Marseille, Clément se serait — selon François Molins — converti à l'islam et radicalisé à l'âge de 14 ans au contact de la communauté tchétchène de Nice. D'ailleurs, il utilisait l'alias d'un djihadiste tchétchène de la filière de Verviers. Clément aurait également montré une volonté de s'envoler pour la Syrie dès mars 2015, à sa sortie de prison.
Traque qui ne s'est pas limitée au seul territoire français, en effet le parquet Fédéral belge a dans un communiqué en date du 19 avril signalé la coopération des services antiterroristes de Lièges avec leurs homologues français ces derniers jours. Clément avait en effet séjourné dans la capitale économique wallonne, où il n'avait pas manqué d'attirer la curiosité des autorités locales.
Un bel exemple d'échange d'informations entre services, trop rare hélas à l'heure où les terroristes circulent librement dans l'espace Schengen.