La cellule néonazie de l'armée allemande qui ternit l'image de Merkel

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Le scandale qui a éclaté en Allemagne après la révélation de l'existence d'une cellule néonazie créée par des officiers au sein de l'armée prend de l'ampleur. Pire: ses membres préparaient un attentat pour renforcer les sentiments xénophobes au sein de la société.

Après l'apparition de ces informations dans la presse, la ministre de la Défense Ursula von der Leyen s'est empressée de prendre ses distances en rejetant la responsabilité sur le commandement militaire, soutenue en ce sens par la chancelière Angela Merkel. De leur côté, l'opposition et les militaires jugent une telle attitude inadmissible car la ministre est responsable de tout ce qui se passe dans la Bundeswehr. L'affaire arrive à moment très inopportun pour Angela Merkel: les législatives de l'automne approchent et ces accusations visant les autorités, qui seraient passées à côté du renforcement des sentiments d'extrême-droite dans l'armée, pourraient coûter cher au parti au pouvoir. Selon Lenta.ru.

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« Je me sens coupable de ne pas m'être penchée plus tôt de très près sur le problème de l'extrémisme au sein des forces armées allemandes. Aujourd'hui je comprends que c'était une erreur », a déploré la ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen, quelques jours après la découverte d'une cellule néonazie au sein de la Bundeswehr.

Fin avril avait été annoncée l'arrestation du lieutenant Franco A., 28 ans, qui menait une double vie: il servait dans une unité d'élite allemande tout en se faisant passer pour un réfugié syrien en préparant un attentat, pour le commettre sous sa fausse identité de migrant — pour des motifs xénophobes d'après l'enquête.

« Ce n'est pas de ma faute »

Franco A. n'était pas un loup solitaire. Parmi ses éventuels complices, on mentionne son compagnon d'armes Maximilian T., 29 ans, et un étudiant de 24 ans dont on ne révèle pas le nom. Le commandement connaissait les opinions extrémistes de Franco A. depuis 2014 et dans son travail de diplôme de l'école militaire, selon Ursula von der Leyen, « il avait produit des raisonnements clairement nazis ». Les opinions radicales du jeune officier ne sont pas passées inaperçues au sein du commandement mais il a été décidé de ne pas ébruiter l'affaire. Le service militaire de contre-espionnage MAD n'a donc pas été averti.

A cause de ce scandale la ministre a annulé sa visite aux États-Unis des 3 et 4 mai, pendant laquelle elle devait rencontrer à New York et à Washington ses collègues de l'Onu et le chef du Pentagone James Mattis, pour se rendre dans la garnison d'Illkirch où le lieutenant a été arrêté.

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La manœuvre suivante de la ministre a été très inattendue: elle a publié sur le site du ministère une lettre ouverte adressée aux militaires dans laquelle elle accusait les néonazis au sein de l'armée, et rappelait également au commandement militaire les autres vices de l'armée, notamment les cas de bizutage dévoilés récemment. « Le nombre d'incidents est trop nombreux, trop nombreuses sont les erreurs commises par les hauts gradés lors de la prise de décisions en réaction à ces fautes graves », écrit-elle.

La Bundeswehr a très mal reçu les propos de von der Leyen, notant que la ministre tentait de se distancer de ceux dont elle est responsable pour reporter la faute sur eux. Le chef du syndicat de l'armée allemande, André Wüstner, a déclaré que l'armée était « consternée » par les « généralisations » de la ministre de la Défense. « Personne n'arrive à comprendre comment la ministre peut prendre ses distances et, en regardant d'en haut, comme d'une tribune, condamner son équipe », s'est indigné Wüstner en exigeant de la ministre qu'elle cite des preuves des erreurs du commandement.

Le délégué du Bundestag aux affaires des forces armées Hans-Peter Bartels est du même avis: « La Bundeswehr a beaucoup de problèmes. Mais si Mme von der Leyen parle de celui de la gestion de l'armée, il faut rappeler que cette gestion commence tout en haut ».

Le Parti social-démocrate ( SPD ) s'est rangé du côté de l'armée en critiquant durement la ministre et en l'appelant à présenter des excuses aux militaires. Le vice-président du SPD, Ralf Stegner, a déclaré que depuis 2013 la ministre avait eu suffisamment de temps pour régler tous les défauts de l'armée. « Je pense qu'on ne peut pas reporter la responsabilité sur le commandement ou sur le commandant de la base. Seule la ministre assume la responsabilité de ces dérives », a constaté le chef du SPD Martin Schulz.

La chancelière à la rescousse

La coalition CDU-CSU s'est abstenue de tout commentaire concernant ce scandale, à l'exception d'Angela Merkel qui a pris la défense de sa ministre en assurant que le gouvernement soutenait totalement von der Leyen. Depuis quatre ans que cette dernière occupe ce poste, la chancelière a dû plusieurs fois défendre son amie que la presse allemande a surnommée « princesse héritière » pour ses ambitions politiques et sa proximité avec Angela Merkel. La nomination en 2013 au poste de ministre de la Défense d'une femme, mère de sept enfants, a suscité la controverse. Par la suite la Bundeswehr a été critiquée à plusieurs reprises pour son incapacité, ce dont était accusée la ministre. Un autre scandale a éclaté en 2016 autour de la thèse de von der Leyen consacrée à l'accouchement et à la gynécologie. Bien que l'université de médecine de Hanovre ait confirmé son droit de recevoir un degré universitaire, cela a laissé un arrière-goût amer.

Les personnalités publiques ne sont pas restées silencieuses non plus au sujet de la cellule néonazie. Michael Wolfson, ancien professeur d'histoire à l'université de la Bundeswehr à Munich, a expliqué qu'après l'annulation du service militaire obligatoire en 2011 « les gens normaux ont cessé de s'engager » dans l'armée, « c'est pourquoi elle est devenue attrayante pour les nationalistes et les extrémistes ». « Pour ceux qui sont enclins à la violence, l'armée est un polygone parfait », a-t-il déclaré, indiquant qu'ils y recevaient un accès libre et aux armes et y apprenaient les techniques de combat.

Les vieux démons de la Bundeswehr

La Bundeswehr lutte contre son image de repaire pour l'extrême-droite et les adeptes de l'idéologie nazie depuis sa fondation en 1955, ce que l'on peut comprendre quand on sait que 300 anciens officiers de la SS avaient alors reçu le droit de servir dans la nouvelle armée allemande.

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La Deutsche Welle rappelle également qu'entre 1956 et 1962, quand le ministère de la Défense était dirigé par Franz Josef Strauss, certaines casernes avaient été baptisées en hommage aux célèbres généraux de la Wehrmacht et que les participants à l'attentat contre Hitler le 20 juillet 1944 étaient qualifiés de « traîtres ». A partir des années 1970, les écoles militaires ont cherché à dénazifier l'armée mais il n'a pas été possible d'éradiquer l'héritage du IIIe Reich définitivement.

Ces dernières années, l'armée s'est souvent vu reprocher une attitude trop souple envers les radicaux. Il s'est avéré récemment qu'en 2000, André E., nouvelle recrue de la garnison de Gotha en Thuringe, avait déclaré à son chef qu'il soutenait les idées du national-socialisme. Le jeune homme s'était fait tatouer sur le corps l'appellation de l'organisation nazie Sang et honneur — symbole de l'admiration pour les troupes SS. Malgré cela, il a été admis à suivre une formation dans l'armée. Actuellement, André E. fait partie des accusés dans l'affaire du groupe Clandestinité nationale-socialiste dont les membres sont accusés de plusieurs meurtres et explosions.

D'après la presse allemande, la Bundeswehr a beaucoup de mal à se débarrasser des individus soupçonnés d'opinions d'extrême-droite. Pour exclure un citoyen allemand de l'armée, la présence d'opinions extrémistes doit en effet être attestée par un expert et validée lors d'un procès.

Les élections en ligne de mire

Actuellement, le service militaire de contre-espionnage enquête sur 280 cas suspects associés aux opinions d'extrême-droite et sur la présence de réseaux extrémistes dans l'armée. Des vérifications d'envergure ont été organisées après la découverte de symboles de la Wehrmacht dans une caserne de Donaueschingen, dans le Bade-Wurtemberg.

A quatre mois des législatives, ce scandale dans la Bundeswehr menace non seulement la ministre de la Défense mais également toute l'alliance CDU-CSU. Les partis d'opposition durcissent la critique de l'activité de von der Leyen et exigent sa démission. Selon un sondage réalisé par YouGov, la plupart des Allemands sont convaincus que von der Leyen est personnellement responsable de ce qui s'est passé: 45 % estiment que l'extrémisme est l'un des principaux problèmes des forces armées allemandes; cependant seulement 24 % des personnes interrogées se sont prononcées pour la démission de la ministre et 68 % sont complètement opposés à cette décision.

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Le parti de Merkel reste pour l'instant en tête dans les sondages. A l'élection régionale du 14 mai en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, la CDU a obtenu 33 % des voix, devançant de plus d'un pour cent les sociaux-démocrates. Cependant, on ignore comment évoluera la situation dans les prochains mois.

En 2016, Focus prédisait « à long terme » un transfert du pouvoir de Merkel à Ursula von der Leyen. L'histoire allemande a déjà connu ce scénario: Helmut Schmidt était passé au ministère de la Défense avant de devenir chancelier. Mais il est plus probable que la carrière de von der Leyen suive la voie de ses prédécesseurs comme Rudolf Scharping, Gerhard Stoltenberg, Franz Josef Jung et Karl-Theodor zu Guttenberg, qui ont tous dû démissionner à cause d'un scandale.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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