Golfin : «l’opposition entre mondialistes et souverainistes est dialectiquement stérile»

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Malgré l’élection d’Emmanuel Macron, le souverainisme n’est pas mort. Mais quel est-il réellement ? Comment pourrait-il évoluer ? Entretien avec Guilhem Golfin, critique bienveillant du souverainisme.

Plusieurs mouvements contemporains, qu'ils soient plutôt de droite avec le Front National, ou encore de gauche, avec un Jean-Luc Mélenchon ayant renoué avec la France du non, du non à la Constitution européenne, ont exprimé une tendance lourde de la politique contemporaine, qui fait écho au Brexit ou à l'élection de Donald Trump. Le souverainisme, malgré les défaites électorales, a fait parler de lui et le fera encore pour de nombreuses années… Et leur échec actuel pourrait nous inciter à approfondir le concept même de souveraineté.

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Marine Le Pen, candidate aux législatives à Hénin-Beaumont
Les échecs politiques des mouvements souverainistes, après tout, ne sont-ils pas aussi l'expression de théories erronées ? Comment reconquérir cette souveraineté, au pire perdue, au mieux érodée ? Mais surtout et plus encore, cela serait-il suffisant ? Le souverainisme est-il suffisant ?

Pour tenter d'en savoir davantage, nous avons reçu Guilhem Golfin, cofondateur du Collège Saint Germain, et auteur d'un essai important, Souveraineté et désordre politique, publié aux éditions du Cerf.

Dans cet essai critique, Golfin renvoie dos à dos de nombreux protagonistes de la politique contemporaine. « Les souverainistes vivent dans une large mesure sur des mythes politiques », écrit-il, désireux de déconstruire ces mythes. Le duel entre mondialisme et souverainisme serait en effet une « opposition dialectiquement stérile ».

Ecoutez l'émission :

Extraits:

Au-delà de la souveraineté, le Bien

« Cette opposition est en partie factice — en partie seulement : souverainistes comme supranationalistes partagent en fait une vision commune de la politique. Tous les deux définissent la politique à partir de la souveraineté. Les souverainistes pour la réaffirmer, ou la reconquérir, et les supranationalistes pour la dépasser. Certes, les regards sont opposés sur le caractère positif ou négatif de la souveraineté [mais] ce sont des contraires qui sont en fait du même genre. Ils jouent dans le même cadre théorique (…) qui prend racine au XVIè siècle, à un moment où les oppositions violentes entre catholiques et protestants ont ruiné une certaine conception commune du bien, et conduisant à redéfinir le politique indépendamment de celui-ci. Ce bien était le bien politique, immanent, mais se transcendait dans le bien souverain ultime qui était Dieu. On assiste donc à une conception différente de la conception Greco-romaine, poursuivie au Moyen-Age, où on définit le politique indépendamment de sa finalité : le bien commun ou le bien politique. »

L'obéissance plutôt que le Bien

« La meilleure façon de caractériser l'individualisme c'est de dire qu'il est la négation de tout bien commun. C'est là qu'intervient la souveraineté. S'il y a autant de biens que d'individus, il est évident qu'on va avoir du mal à atteindre une certaine unité. Il n'y a donc plus d'unité par la finalité, nous allons la chercher par le pouvoir. On a donc une conception du politique antérieure qui va imprégner des doctrines très différentes — aussi bien chez Hobbes que chez Bossuet ou Fénelon — qui ne vont concevoir le lien politique comme ne reposant que sur la seule obéissance au pouvoir et non sur une finalité commune, un bien commun. »

Souveraineté et volontarisme

«  [La souveraineté est impuissant à créer du juste] car le principe de souveraineté est la traduction politique de ce trait fondamental de la culture européenne : une volonté déconnectée d'un ordre des choses et du bien. Une pure volonté, un pur vouloir qui vaut pour lui-même. Concrètement, qui assoit un ordre juridique purement positif, sans ancrage dans une loi naturelle. Précisément, l'idée qu'il y a un juste et un injuste dans la nature : l'impératif de ne pas tuer ou de ne pas porter de faux témoignage par exemple, qui correspondent à un accomplissement de la nature humaine. »

Un retour de l'ordre moral?

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Vers la fin des partis politiques français?
« En soi, l'expression ordre moral n'est absolument pas choquante. Vaut-il mieux l'ordre ou le désordre ? A priori, il vaut mieux l'ordre, si le désordre conduit à la violence, au-delà de cette expression polémique. Donc oui, un retour à un certain ordre moral et non une morale rigoriste, déconnectée des tendances inhérentes à la nature humaine.  »

Identité et souveraineté

« L'identité, laquelle ? Notre pays a traversé quelques soubresauts. L'histoire de France est une et sur un plan historique, il faut considérer l'ensemble. Mais sur un plan moral, n'y a-t-il pas un tri à faire ? Cela mérite au moins discussion. A nouveau, quelle va être la voie de sortie, si ce n'est une certaine entente sur ce qu'on estime être bon, beau et juste ? L'identité, oui mais pas sur une définition seulement affective, qui n'aurait pas un fondement sur un certain ordre des vertus.  »

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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