Retrouver la liberté: Julian Assange a-t-il des chances?

© REUTERS / Toby MelvilleA supporter holds up a poster of WikiLeaks founder Julian Assange outside the Ecuadorian embassy in central London, Britain February 5, 2016.
A supporter holds up a poster of WikiLeaks founder Julian Assange outside the Ecuadorian embassy in central London, Britain February 5, 2016. - Sputnik Afrique
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Le 19 juin 2012, le rédacteur en chef du site WikiLeaks Julian Assange demandait l'asile politique à la mission diplomatique de l’Équateur à Londres: depuis cinq ans, il n'a plus quitté l'ambassade.

L'Australien Julian Assange craint d'être extradé aux États-Unis, qui veulent le poursuivre pour avoir publié des millions de documents confidentiels sur l'activité des institutions américaines. Washington n'a pourtant pas de fondements juridiques pour intenter un procès contre lui. Sera-t-il un jour en mesure de sortir de l'ambassade d'Équateur? Selon la chaîne RT.

Du point de vue du gouvernement américain, la publication d'informations confidentielles par le site de Julian Assange est une atteinte à la sécurité nationale. Cependant, une grande partie de la communauté occidentale, y compris américaine, soutient l'Australien.

Cela fait cinq ans qu'Assange vit dans deux pièces de l'ambassade d'Équateur. La mission diplomatique de cette république d'Amérique latine est implantée dans une maison résidentielle de superficie réduite à proximité de Hyde Park.

Le rédacteur en chef de WikiLeaks n'ose pas quitter les murs de l'ambassade car il sera très probablement appréhendé par la police.

Depuis le 19 juin 2012, les forces de l'ordre britanniques sont postées devant la mission diplomatique. La surveillance d'Assange coûte au royaume 11.000 livres par jour (soit plus de 4 millions de livres par an).

L'Australien se trouve en isolement total et n'a même la possibilité de s'acheter de la nourriture. Tous ses comptes sont bloqués, et les promenades à l'air frais se limitent à de rares apparitions sur le balcon du rez-de-chaussée. Le régime de vie d'Assange ressemble davantage à une assignation à domicile.

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L'une des meilleures qualités de l'homme est sa capacité à s'adapter à tout. Cependant, cette même qualité peut être la pire. On peut dire que je me suis résigné à ce système. Voilà à quoi ressemble mon monde aujourd'hui. Je ne me souviens pas de la dernière fois que j'ai vu le soleil, a déclaré Assange dans une interview à RT en novembre.

Le risque d'une extradition

Formellement, Assange n'est pas poursuivi pour la publication de dossiers confidentiels mais pour un prétendu viol qu'il aurait commis en Suède. Stockholm exigeait l'extradition du lanceur d'alerte mais la cour londonienne rejette constamment ses demandes. Au final, le 19 mai 2017, le Parquet suédois a classé le dossier Julian Assange.

Ce dernier estime que cette affaire a été fabriquée. Selon lui, le véritable objectif de la justice occidentale consiste à le persécuter politiquement et à lutter contre l'activité de WikiLeaks qui n'enfreint pourtant la législation d'aucun pays occidental. Le journaliste est convaincu que les USA supervisent ce processus.

Mais le classement de l'affaire pénale de viol n'a pas marqué un tournant pour Assange: à tout moment, la Suède peut changer d'avis et relancer l'enquête car c'est seulement en 2020 qu'il y aura prescription.

Assange pourrait également être condamné par les autorités britanniques qui l'accusent d'avoir violé les conditions de sa libération sous caution. En effet, le 14 décembre 2010, le fondateur de WikiLeaks est sorti en liberté en versant une caution de 240.000 livres, avec assignation à résidence, qu'il a enfreinte un an et demi plus tard en demandant un asile politique.

Assange craint d'être extradé aux USA après son interpellation. Officiellement, les USA n'ont engagé aucune poursuite contre lui mais le 20 mai 2017 l'avocat d'Assange, Baltasar Garzon a annoncé que depuis 2010 les USA menaient une enquête secrète sur son client et sur WikiLeaks.

En 2015, Assange a demandé à l'Onu de définir son statut juridique. En février 2016, les experts de la commission de l'Onu ont publié un rapport qualifiant les poursuites contre l'Australien «d'illégales» et soulignant son droit à obtenir des dédommagements de Londres et de Stockholm.

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Le ministère britannique des Affaires étrangères a refusé de reconnaître les conclusions des spécialistes de l'Onu. «Cela ne change rien. Nous rejetons complètement l'affirmation selon laquelle Julian Assange est victime d'une privation illégale de liberté, a déclaré le ministère, suivi par celui des Affaires étrangères suédois.

Dans le cadre légal

L'activité de WikiLeaks et d'Assange n'enfreint la législation d'aucun pays démocratique au monde, note Alexeï Ispolinov, responsable de la chaire de droit international à la faculté juridique de l'université d'État Lomonossov de Moscou (MGU). Selon lui, la persécution de l'Australien est un exemple d'atteinte à la liberté d'expression.

«Les fonctions de WikiLeaks se limitent à la publication de fuites d'informations confidentielles. Cela ne peut pas être considéré comme un crime car l'administration du site ne pratique pas le piratage. Ce sont des sources qui leur fournissent des documents et Assange, comme tout journaliste, a parfaitement le droit de ne pas dévoiler leurs noms», explique Alexeï Ispolinov.

L'expert suppose que les États-Unis ne cherchent pas publiquement un prétexte pour poursuivre Assange afin d'éviter d'immenses pertes en matière d'image. Si les autorités américaines avaient ouvert une enquête, l'affaire deviendrait immédiatement très politisée aux yeux de la société.

«Tout le monde comprendrait que les Américains, qui disent militer pour la démocratie et la liberté d'expression, veulent simplement emprisonner le fondateur de WikiLeaks. C'est là que l'étrange histoire du viol est apparue. Comme si Washington disait ne pas s'opposer à l'activité professionnelle d'Assange mais que ce dernier devait simplement répondre pour ce prétendu acte criminel», a conclu l'expert.

La vérité, rien que la vérité

Le projet WikiLeaks a été créé en 2006. En 11 ans d'existence, le site a publié plus de 10 millions de documents, dont 800.000 concernent la Russie, mais leur principale partie est consacrée à l'activité des institutions américaines.

Grâce à WikiLeaks le monde a appris les crimes de guerre des USA en Afghanistan et au Moyen-Orient. Deux vidéos d'une opération aérienne de l'aviation américaine à Bagdad, publiées le 4 avril 2010, avaient fait énormément de bruit dans les médias.

Sur ces images, les pilotes d'hélicoptère ouvraient le feu sans avoir d'informations fiables sur la présence de civils dans la zone attaquée. D'après la conversation des pilotes avec les fantassins, les militaires ne cherchent même pas à jauger le risque de pertes civiles.

L'analyse de publications ultérieures de Wikileaks a aussi permis à certains experts d'affirmer que les gouvernements de l'Arabie saoudite et du Qatar étaient des sponsors du terrorisme.

Les monarchies du Golfe sont les principaux investisseurs de la fondation Clinton. Dans leur intérêt, l'ex-candidate à la présidence Hillary Clinton, secrétaire d'État à l'époque (2009-2013), a insisté sur l'intervention en Libye qui a conduit à l'accroissement de la base de ressources du djihadisme mondial. Assange affirme que le président américain Barack Obama était initialement opposé au renversement de Mouammar Kadhafi par la force militaire, mais que Clinton a réussi à lui faire changer d'avis.

WikiLeaks poursuit son activité de lanceur d'alerte. Des activistes de plusieurs pays européens s'occupent de la publication des informations. WikiLeaks garantit l'anonymat à ses sources.

Coincé à l'ambassade

Assange remercie le gouvernement socialiste de l'Équateur pour l'asile qui lui a été accordé. Le président de ce pays, Rafael Correa, estime que les autorités «ne font que remplir leur devoir».

«Ici, au cœur de Londres, nous assistons à un sérieux conflit. D'une part l'Équateur avec 16 millions d'habitants, de l'autre le Royaume-Uni et les Américains. C'était une démarche audacieuse pour l'Équateur, une affaire de principe», a déclaré Assange dans une interview à RT.

Plusieurs films et d'innombrables documentaires ont été consacrés à Assange. Dans L'Histoire de Julian Assange (2012) on affirme que pendant son adolescence l'Australien aurait organisé des attaques cybernétiques contre le Pentagone et les structures de force des USA. Dans le milieu des hackers il est connu sous le pseudonyme Mendax. Sachant que le prototype d'Assange, contrairement à ses confrères, se distinguait par la fermeté de ses principes et ne volait pas de documents confidentiels. Cependant, l'attitude de Mendax envers la «profession» a sérieusement changé en 1991 quand il a vu à la télévision un reportage sur une frappe «erronée» contre un abri de Bagdad dans le cadre de l'opération Tempête du désert.

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Dans le film, on voit le hacker de 20 ans entrer sur le site du Pentagone avec le mot de passe d'un général et découvrir les informations sur les centaines de civils morts en Irak. Le jeune homme a alors compris que Washington taisait des informations sur des crimes de guerre et que les USA détruisaient intentionnellement l'infrastructure civile du pays.

Alexeï Ispolinov pense que dans son activité, Assange ne poursuit aucun but mercantile: «Assange pourrait facilement faire chanter les USA et conclure un accord avec eux. Mais nous assistons à l'inverse. Nous avons affaire à un passionné qui croit en l'importance de sa cause pour la société».

«Il paie le prix fort pour ce défi lancé à Washington. Assange a passé cinq en isolement et il est peu probable qu'il quitte l'ambassade dans un avenir prévisible. Le statu quo sera probablement maintenu dans son affaire. Il a coupé la route à bien du monde et, selon de nombreux gouvernements, il doit être sanctionné», conclut l'expert.

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Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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