Chantal Delsol : «l’enfant est un hominidé, nous en faisons un humanisé»

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Chantal Delsol - Sputnik Afrique
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Comment concilier la singularité de chaque enfant et la transmission ? La philosophe Chantal Delsol, membre de l'Institut, se penche sur ce défi qui se pose à tous les parents et aux éducateurs.

L'éducation est l'obsession des philosophes. Et elle est le quotidien des parents. Elle stimule la réflexion des uns et elle épuise les forces des autres, dirait-on… mais il semblerait qu'elle contribue au bonheur des deux.

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L'enfance est en effet merveilleuse, en ce qu'elle est révélatrice. Mais révélatrice de quoi? Peut-on percevoir un je ne sais quoi de la nature humaine? Ou de notre culture? Ou simplement des défauts et des qualités des parents? Et puis tout se joue dès les 10, 7, 5 ou 2 ans diraient certains. Mais encore reste-t-il à savoir ce qui se joue. Et puis inutile de préciser que l'enfance est, de surcroît, un enjeu politique. Nous projetons sur les enfants nos désirs de sociétés à venir.

Alors pour juger cela, nous accueillons en studio une philosophe, membre de l'Institut, Chantal Delsol, qui vient de publier l'essai Un personnage d'aventure, petite philosophie de l'enfance, aux éditions du Cerf. Chantal Delsol publié précédemment des ouvrages sur le populisme, et sur la modernité tardive. Ce nouvel essai sur l'enfance pourra donc suprendre, mais entre pourtant pleinement dans son œuvre.

Extraits:

L'amour, vertu unificatrice

« L'enfant est dans une situation de détresse. C'est l'amour des éducateurs qui ordonnent un monde, qui fait sortir l'enfant d'un chaos, l'enfant au départ est un chaos d'émotions, quelque chose qui n'a pas de signification. Les éducateurs apportent cette signification, c'est l'amour qui le fait ».

De l'hominidé à l'humanisé

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« On ne peut pas suivre l'opinion de Rousseau et de quelques autres, selon laquelle l'enfant arrive avec son potentiel et c'est la société ou la famille qui le défait. C'est tout à fait le contraire. Il arrive sans rien, il est nu. Si on ne lui apprend pas à parler dans une langue particulière, il n'apprendra jamais à parler. C'est une idée folle de penser que l'enfant arrive avec tout et que c'est nous qui le défaisons. L'enfant est un hominidé, nous en faisons un humanisé. Il n'y a pas d'humanisé à la naissance. »

Une transmission qui nous est propre?

« Il faut poser d'abord l'autonomie et la responsabilité. Quand on parle de la transmission, c'est ce qui nous différencie de toutes les autres cultures: le judéo-christianisme, et la civilisation laïque qui poursuit celui-ci en oubliant la transcendance mais reprenant les mêmes principes. Avec l'apparition du monothéisme et d'un Dieu personne, qui parle à l'homme, nous avons l'idée d'un être humain qui est une personne, libre et responsable de soi, qui peut sortir de sa communauté. Le fait même qu'un dieu transcendant existe et parle à l'homme, permet à l'homme de sortir de sa communauté. C'est le fait de rencontrer une transcendance: « tu quitteras ton père et ta mère ». On ne peut quitter sa communauté d'appartenance que pour rejoindre un lieu transcendant. Cela nous fait sortir de nous-mêmes. Il y a des velléités de sortir du holisme dans d'autres communautés. Confucius réclame la conscience personnelle. C'est humain. Mais cela n'est vraiment développé que dans la culture judéo-chrétienne. »

Se connaître soi-même?

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« On a intitulé l'éducation comme Volo utsis: je veux que tu sois. Si vous décidez de vivre avec un conjoint, le principe même de l'amour est: que tu sois tel qu'en toi-même. Au fond, le mouvement de l'amour, avec un enfant, c'est cela aussi. Bien sûr, on lui apprend à se connaître lui-même. Je suis très marqué par des choses que vous ne connaissez plus ou pratiquement plus: où véritablement les parents pèsent de tout leur poids. (…) Moi-même j'ai eu du mal. Je déteste le football. Je me suis toujours dit que si jamais j'ai un enfant qui veut devenir champion de football, je regarderais ça tous les soirs. Il faut vouloir le faire exister lui. »

Sortir de l'enfance

« On sort de l'enfance quand on souffre je crois… L'adulte biologique n'est pas le même que l'adulte psychologique ou spirituel. Quand la souffrance vous arrive en plein visage, c'est ça la réalité, l'humain est une créature tragique. La vraie réalité de la vie, c'est ce qui ne convient pas. »

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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