Exploit: l’ADN de bactéries utilisé comme une clé USB pour enregistrer une vidéo

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Les biologistes de Harvard ont transformé l’ADN d’un simple bacille intestinal en support numérique «réenregistrable» sur lequel ils ont enregistré l’une des premières vidéos de l’histoire de l’humanité, réalisée en 1878, indique un article paru dans le magazine Nature.

«Nous avons montré que deux protéines du système CRISPR, Cas1 et Cas2, que nous avons spécialement modifiées à ces fins, pouvaient être utilisées pour obtenir des informations de l'extérieur, les cataloguer et enregistrer dans le génome. Pour l'instant ces informations sont fournies aux microbes par les chercheurs, mais à terme les bactéries pourront enregistrer leurs propres «impressions» dans cette mémoire moléculaire», a déclaré George Church, généticien de Harvard (USA).

La mémoire des ancêtres

Les molécules d'ADN représentent un dispositif fiable pour stocker des informations, bien protégé contre les erreurs de lecture et d'enregistrement. Les scientifiques tentent de les adapter à au stockage d'informations aléatoires depuis 1988, quand des bio-informaticiens américains ont réussi pour la première fois à enregistrer 7,9 kb d'information dans une molécule d'ADN et à la lire.

Par exemple, il y a cinq ans, les biologistes de Harvard ont réussi pour la première fois à «imprimer» un livre sur des molécules d'ADN et l'ont lu à l'aide d'un simple séquenceur de génome, et il y a un an les chercheurs de l'université de Washington ont appris à enregistrer des images dans les fils du code génétique et à les lire en atteignant une haute densité d'enregistrement d'information.

Toutes ces approches, explique George Church, ont un défaut commun: elles utilisent des molécules «nues» d'ADN qui conservent leur stabilité de «lisibilité» uniquement dans les tubes à essai et en laboratoire. De plus, elles sont pratiquement toutes «à usage unique» — on peut les enregistrer et les lire une seule fois, ce qui ne permet pas d'utiliser de tels systèmes de «mémoire génétique» comme une substitution à part entière aux disques durs actuels, aux clés USB et à d'autres supports d'information.

C'est pourquoi l'équipe de George Church a opté pour une approche très différente de la mise au point d'un système d'enregistrement et de lecture d'information génétique, de facto en utilisant sa version pratiquement prête que la nature a créé pendant 400 derniers millions d'années.

Cet «antivirus» bactérien, le système CRISPR/Cas, aide les microbes à reconnaître l'ADN des virus dans son génome, à les supprimer ou à s'autodétruire en cas de détection d'une infection.

Les miracles de la bibliothèque

Sa partie centrale est une sorte de «bibliothèque» de bribes de code viral qui sont enregistrées dans une partie spécifique de l'ADN d'un microbe à l'aide des protéines Cas1 et Cas2, puis elles ont utilisées pour reconnaître les pathogènes. Ces protéines et la «bibliothèque», suppose George Church, peuvent être également reconverties pour travailler avec des informations numériques.

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Cette tâche est d'autant plus simple que les bactéries stockent les bribes d'ADN viral sous la forme de chaînes de 33 lettres séparées par des répétitions spéciales, ce qui facilite considérablement l'enregistrement et le décodage de l'information. En outre, chaque «lettre» d'ADN peut coder à la fois quatre valeurs, voire 21 valeurs, en les lisant par trois, ce qui augmente la densité d'enregistrement de l'information.

En s'appuyant sur ces idées, George Church et son équipe ont créé un logiciel spécial qui convertit les images ou les cadres de vidéos en groupes de «lettres»-nucléotides et assemble de brèves séquences d'ADN que le système CRISPR/Cas peut intégrer dans le génome d'un microbe tout en les enregistrant automatiquement dans le bon ordre.

Les biologistes ont testé le fonctionnement de ce logiciel avec la photo en noir-et-blanc d'une main de 56x56 pixels et sur une courte vidéo d'un cheval galopant de 36x26 pixels réalisée en 1878 par Eadweard Muybridge, le pionnier de la photo et de la vidéo.

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En les enregistrant dans la mémoire-ADN d'un bacille intestinal, les biologistes ont laissé les microbes «se reposer» et ont tenté de lier l'information en décryptant les génomes de quelques cellules séparées. Aussi bien la photo que la vidéo ont été reconstituées avec une précision de plus de 90%, ce qui a confirmé qu'il était effectivement possible de stocker l'information dans la bibliothèque CRISPR/Cas.

Actuellement, George Church et ses collègues travaillent à l'optimisation des méthodes d'écriture de l'information et songent à la création de systèmes d'enregistrement «automatique», dans cette mémoire, des événements qui se passent à l'intérieur du microbe ou de toute autre cellule. Les chercheurs concluent que cela pourrait accélérer rapidement l'étude de la manière dont les cellules souches d'un embryon se transforment en différents tissus du cerveau ou d'autres organes complexes.

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