Le fossé se creuse entre Ankara et Washington

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La Turquie et les États-Unis font partie d’un bloc militaire commun, mais dans lequel les USA s’estiment être le chef absolu. Aussi, quand Ankara assume de plus en plus sa souveraineté, les divergences se concrétisent rapidement: Syrie, Qatar, sanctions antirusses, les pommes de discorde s’accumulent.

Officiellement, les États-Unis et la Turquie demeurent alliés dans le cadre de l'OTAN. Pourtant, la Turquie confirme une fois de plus qu'elle est à ce jour probablement le seul pays membre de l'alliance nord-atlantique à mener une politique globalement indépendante. Du moins certainement plus que tous les pays Ouest et Est-européens.

Quelques rappels s'imposent: tout d'abord, la Turquie a été le seul pays membre de l'OTAN à ne pas s'être joint aux sanctions contre la Russie voulues par Washington et largement suivies par les capitales de l'Europe bruxelloise. Un manque de «solidarité» clairement mal vu par le bloc occidental. Et malgré une crise majeure dans ses relations avec Moscou, qui a duré de novembre 2015 à juin 2016, Ankara a fait le premier pas vers la réconciliation et un retour à son partenariat stratégique avec la Russie. Mais ce n'est pas tout. Parallèlement au renforcement de ses liens avec la Russie, la Turquie a connu une vive détérioration de ses relations avec plusieurs pays de l'UE, notamment l'Allemagne.

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Mieux encore, la Russie et la Turquie, en coordination avec l'Iran, ont joué un rôle clé dans le cessez-le-feu observé en Syrie depuis fin décembre 2016 et qui reste globalement respecté à ce jour. D'ailleurs, plusieurs groupes armés soutenus par la Turquie continuent à se joindre audit cessez-le-feu, ce qui permet à l'armée gouvernementale syrienne de poursuivre son offensive dans le désert de Syrie en vue d'anéantir une bonne fois pour toutes la secte Daech sur le sol syrien.

Par ailleurs et selon les informations toutes récentes émanant de hauts responsables syriens, plusieurs groupes dits de «l'opposition» syrienne, soutenue par la Turquie, se disent prêts à combattre l'autre secte takfiriste —Al-Qaida- en coordination avec Damas et Moscou. En d'autres termes, ils ont compris qu'ils ne pourront pas réaliser leur projet initial, à savoir faire tomber Bachar al-Assad et que la meilleure solution pour eux est donc d'initier un réel dialogue avec le pouvoir légitime syrien afin de pouvoir prétendre à son amnistie.

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Revenons aux tensions de plus en plus évidentes de la Turquie avec les pays occidentaux. Elles ne se limitent désormais plus aux seuls pays ouest-européens et aux échanges de critiques virulentes, entorses aux droits de l'homme contre ingérence dans la politique intérieure turque. C'est désormais avec Washington que les relations se dégradent franchement. En effet, et depuis l'important soutien annoncé par les États-Unis aux groupes kurdes notamment les FDS opérant en Syrie, Ankara ne cache pas son inquiétude, voire son énervement. En effet et tout récemment, l'agence Anadolu —l'une des deux principales agences de presses turques- a publié les informations sur la localisation des forces spéciales américaines et françaises en Syrie. Washington s'est dit inquiet sur ces fuites qui selon lui «peuvent menacer les forces américaines». Fait qui confirme les désaccords de plus en plus évidents entre les deux pays, membres-clés de l'OTAN.

Sur le Qatar aussi, les positions semblent diverger. Si Washington semble privilégier son allié saoudien, Ankara (et Téhéran…) a pris fait et cause pour Doha dans la crise qui oppose cette dernière à plusieurs pays arabes, principalement l'Arabie Saoudite. Au point d'augmenter considérablement le contingent militaire turc présent au Qatar, le faisant passer de 150 à près de 3.000 soldats aux toutes dernières nouvelles.

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Cela ne signifie pas pour autant que la Turquie quittera le navire de l'OTAN du jour au lendemain. Le pouvoir turc joue sur les contradictions entre ses partenaires pour servir ses intérêts nationaux. Une chose est sûre: vu le nombre de projets en cours et à venir avec la Russie, dans le domaine économico-commercial et même militaire, Ankara ne semble plus vouloir de tensions avec Moscou. Si au départ de la crise syrienne, la Turquie voulait absolument la chute du gouvernement syrien, depuis la normalisation des relations russo-turques et le retour au partenariat stratégique entre les deux pays, Ankara a beaucoup modéré sa position envers Damas, tout en coordonnant de plus en plus ses intérêts avec la Russie et l'Iran. Fait d'ailleurs reconnu avec inquiétude par plusieurs médias centraux.

Par ailleurs, la Turquie ne se fait pratiquement plus d'illusions quant à un éventuel avenir au sein de l'Union européenne, dans lequel d'ailleurs elle aurait certainement plus à perdre qu'à gagner. Enfin, ses relations avec «l'allié» étasunien deviennent de plus en plus compliquées. Reste évidemment la carte eurasiatique, de plus en plus soutenue par les citoyens de Turquie. Au pouvoir turc de bien l'utiliser. Pour quel résultat? Seul le temps nous le dira.

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