Macron peut-il sortir la Libye du chaos?

© REUTERS / Philippe WojazerEmmanuel Macron
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Une rencontre des chefs rivaux libyens s’est tenue mardi près de Paris sous l’égide du Président Emmanuel Macron. Pour Myriam Benraad, spécialiste du monde arabe interrogée par Sputnik, il ne faut pas attendre grand-chose de cette initiative de M.Macron qui cherche avant tout à «imprimer sa marque diplomatique».

Le Président français Emmanuel Macron a organisé une rencontre des deux chefs rivaux libyens, le chef du gouvernement de Tripoli Fayez al-Sarraj et l'homme fort de l'est Khalifa Haftar, plutôt pour refaire le jeu diplomatique de la France que pour régler la situation dans un pays en proie au chaos, a déclaré à Sputnik Myriam Benraad, spécialiste du monde arabe, et maître de conférences en sciences politiques à l'Université de Limerick, en Irlande.

«Il ne faut pas attendre grand-chose de cette rencontre. Il y aurait déjà eu un accord pour organiser des élections de 2018 pour parvenir à une unité nationale. La France a un passé sulfureux avec la Libye. Malgré l'appui de l'Onu, il semble peu probable qu'elle parvienne à infléchir les dynamiques en interne. Je ne pense pas que la France puisse être un acteur de poids», a indiqué Mme Benraad.

L'initiative orchestrée davantage par Jean-Yves Le Drian que par Emmanuel Macron a été lancée sans concertation préalable avec d'autres pays européens comme l'Italie, qui a été tenue en marge bien qu'elle soit en première ligne face la crise libyenne. Pour Myriam Benraad, c'est parce que cette initiative est avant tout personnelle pour Emmanuel Macron qui cherche à imprimer sa marque diplomatique.

«Il tente de remettre en selle la France alors qu'elle a été largement discréditée sur la question libyenne depuis la présidence de Nicolas Sarkozy et ne pas laisser la Libye devenir une "Syrie bis", un pays où les négociations se font au niveau des deux grands: la Russie et les États-Unis […]. C'est une posture», a ajouté Mme Benraad.

La tâche de la France s'annonce d'autant plus difficile qu'elle occupe une position ambivalente à l'égard de la Libye, tout comme la plupart des pays occidentaux, d'après la spécialiste.

«La France soutient officiellement le gouvernement de Fayez Al-Sarraj mais déploie des forces spéciales en soutien à l'armée du général Haftar», a rappelé Myriam Benraad.

Cette position ambivalente s'explique par le fait que le gouvernement de Fayez Al-Sarraj «n'est pas représentatif de la population libyenne, ni fort du point de vue des logiques internes et en dépit du soutien des Occidentaux». Or les Libyens sont las du chaos qui règne dans leur pays et aspirent au rétablissement de l'ordre et de l'autorité.

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Selon la politologue, une figure comme Haftar, tout comme Abdel Fattah al-Sissi en Égypte, «est perçue, qu'on le veuille ou non, par une partie de la population, comme l'homme de la situation au moment où il y a une vraie lassitude par rapport au chaos et que le pays semble dans une impasse».

«Ces mêmes Occidentaux, qui se rendent bien compte qu'il va falloir revenir à plus de réalisme, qu'un homme fort est en train d'émerger, qui est Haftar. Il cherche à diversifier ses soutiens alors qu'il est déjà soutenu par l'Égypte, le Russie, par les Émirats arabes unis. C'est le seul pour le moment qui a réussi à remettre de l'ordre en Cyrénaïque et a infligé des défaites aux factions djihadistes qui sévissent dans le pays», a noté Mme Benraad.

Face à la France qui n'a pas encore été claire sur les parties qu'elle soutenait, des pays comme la Russie et l'Égypte ne soutiennent pas le candidat de l'Onu, mais le candidat dans lequel ils voient un gage de stabilité.

«La Russie, comme l'Égypte et comme les Émirats arabes unis, considère qu'il y a une possibilité via le camp du général Haftar de revenir à une forme de stabilité en Libye […]. La position russe est une position finalement beaucoup plus pragmatique que la position des Occidentaux qui ont des aspirations qui ne correspondent pas aux réalités», a conclu Myriam Benraad.

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Les deux principaux rivaux dans la crise libyenne, le chef du gouvernement de Tripoli Fayez al-Sarraj et l'homme fort de l'est Khalifa Haftar, se sont retrouvé mardi au château de La Celle-Saint-Cloud (Yvelines), près de Paris. L'Élysée a annoncé après la rencontre que les deux responsables libyens s'étaient entendus sur l'organisation d'élections présidentielle et législatives dans leur pays au printemps 2018.

Six ans après l'intervention internationale qui s'est terminée par le renversement et la mort du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est plongée dans le chaos, livrée aux milices formées d'ex-rebelles. Deux autorités se disputent actuellement le pouvoir en Libye. Le Gouvernement d'union nationale, dirigé par Fayez Sarraj, siège à Tripoli. Le parlement de Tobrouk, dans l'est du pays, dirigé par Aguila Salah Issa est soutenu par l'armée du maréchal Khalifa Haftar.

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