L’État français a-t-il les moyens de faire payer Google?

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Bercy souhaite faire appel du verdict du tribunal administratif concernant le redressement fiscal de Google. Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, reste néanmoins ouvert à une transaction, car mieux vaut «un bon accord à un mauvais procès». La France a-t-elle des chances de récupérer son pactole fiscal?

Google n'aura pas s'acquitter des 1,1 milliard d'euros de redressement fiscal réclamés par Bercy. Tel était le verdict choquant pour beaucoup que rendait le tribunal administratif de Paris le 12 juillet dernier.

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En effet, malgré son importante activité en France, le tribunal administratif a estimé que sa filiale irlandaise, Google Ireland Limited (GIL), responsable de ses opérations européennes, n'avait pas d'établissement stable en France. Une notion qui s'avère indispensable pour le calcul de l'impôt sur les sociétés. Dans cette période de coupes budgétaires où chaque euro compte, Bercy souhaite donc ardemment récupérer cette importante manne financière. Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, revient dans un entretien aux Échos sur les raisons qui pousse l'État à faire appel de cette décision, mais se dit prêt surtout à conclure un accord transactionnel avec la firme américaine. Selon le ministre, mieux vaut «un bon accord, à un mauvais procès». Mais sur quelles bases un tel accord pourrait-il être passé avec le géant de l'internet?

Ce qui est certain, c'est qu'en l'état actuel du droit, les magistrats qui ont acquitté Google ont respecté la loi, notamment sur la notion «d'établissement stable». Google a su exploiter les failles juridiques françaises. Pour Maître Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris, il faut faire évoluer la législation, car celle-ci n'est plus adaptée à ce type de multinationale.

«On a aujourd'hui, une notion d'entreprise 2.0, qui n'a pas vraiment été prise en compte par le législateur. Il ne pouvait pas le prendre en compte il y a quelques années. Désormais, on dispose de suffisamment d'éléments et de recul pour peut-être adapter la réglementation avec la réalité de ces nouvelles entreprises: des géants du Web qui peuvent agir n'importe où dans le monde, soit via leur maison mère, soit leurs filiales.»

Compte tenu de ces éléments juridiques, l'État français peut-il réussir à gagner en appel? Pour Me Thierry Vallat, rien n'est moins sûr.
«La décision du tribunal administratif est, en droit français, plutôt fondée manifestement. L'appel risque d'être voué à l'échec.»

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Gérald Darmanin aurait-il déjà envisagé ce scénario? Tout le laisse à penser. En déclarant que «personne ne souhaite un long contentieux qui retarde le recouvrement de l'impôt: si Google est prêt à entrer dans une démarche sincère auprès du gouvernement français pour régulariser sa situation dans le cadre d'un accord transactionnel intelligent pour l'entreprise, mais aussi pour les deniers publics, notre porte est ouverte.»
Me Thierry Vallat estime que cette démarche est la bonne:

«Généralement, on arrive avec ce type de dossier, ce type de procédure, avec des montants extrêmement importants, à des accords. C'est ce que Google est parvenu à faire en Italie par exemple, ou en Russie dernièrement. Je pense que l'administration fiscale serait bien avisée de trouver un terrain d'entente amiable avec Google, ça serait la meilleure solution.»

Selon Me Thierry Vallat, la France a les moyens d'agir, surtout si elle s'inscrit dans un cadre européen. L'harmonisation européenne est en effet un levier indispensable afin de «faire payer» ces grands groupes:

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«On a un étau fiscal et réglementaire qui se resserre autour de Google, mais également de Facebook ou d'autres comme Amazon ou Microsoft. L'harmonisation européenne est un atout, elle est complètement indispensable pour pouvoir mener à bout un contentieux fiscal ou juridique par rapport à ces énormes entreprises qui ont des moyens très importants pour se payer les meilleurs avocats et avoir une défense de fer par rapport à ces contentieux.»

Une stratégie payante, complète l'avocat:

«L'Europe y arrive, on s'aperçoit que la Commission européenne a encore mis une amende très importante il y a peu de temps à Google pour pratiques anticoncurrentielles et ça pèse énormément, cela impacte les comptes de Google de manière importante. On le voit, les derniers comptes publiés, ils sont obligés de provisionner ces amendes.»

Reste à savoir maintenant si la France pourra réellement mener à bien son action et surtout récupérer la totalité de la somme qu'elle estime due par Google.

«La France a toujours à mon sens, les moyens de faire payer Google, mais peut-être moins qu'un milliard», tempère Maître Vallat.

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