Une bombe pour le Président: le dernier test nord-coréen était-il nucléaire?

© REUTERS / KCNANorth Korean leader Kim Jong Un provides guidance on a nuclear weapons program in this undated photo released by North Korea's Korean Central News Agency (KCNA) in Pyongyang September 3, 2017
North Korean leader Kim Jong Un provides guidance on a nuclear weapons program in this undated photo released by North Korea's Korean Central News Agency (KCNA) in Pyongyang September 3, 2017 - Sputnik Afrique
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Le 3 septembre 2017, la Corée du Nord a procédé à un nouvel essai nucléaire devenant le plus puissant dans l'histoire du pays: la puissance de la bombe en équivalent TNT est estimé à 50-120 kt, la plupart des estimations avoisinent 100 kt.

Les caractéristiques de la munition ne représentent rien d'extraordinaire pour les anciens membres du club nucléaire, mais en soi sa présence marque une nouvelle étape dans l'histoire contemporaine.

Le type de bombe

Tout d'abord mettons-nous d'accord sur les termes.

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Une munition nucléaire «classique» basée uniquement sur la fission d'isotopes lourds peut atteindre une puissance de plusieurs dizaines de kilotonnes. La bombe atomique pure «maximale» a été testée aux USA en 1952 (Mk.18, les essais d'Ivy King) avec une puissance d'environ 500 kt. Sachant que la bombe contenait 60 kg d'uranium 235. En général, les bombes de ce type affichaient une puissance d'explosion jusqu'à 160 kt, tout en ayant une taille et un poids très élevés — plus de 4 t, ce qui était normal pour un bombardier lourd mais ne permettait pas de l'utiliser en tant qu'ogive d'un missile.

Contrairement à l'arme nucléaire, l'arme thermonucléaire utilise l'énergie de fission du noyau atomique non pas en tant que source de facteurs offensifs mais pour lancer un autre processus accompagné par une puissante émission d'énergie — la réaction de synthèse de noyaux légers. En tant que combustible on utilise l'hydrure de lithium-6 (composé de lithium avec le deutérium, un isotope lourd d'hydrogène; au départ on utilisait le deutérium liquide, d'où le surnom de bombe à hydrogène) actionné par un détonateur nucléaire léger.

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L'arme nucléaire affichait facilement des puissances de plusieurs mégatonnes. Le plus grand essai thermonucléaire a été réalisé le 30 octobre 1961 en Nouvelle-Zemble (près de 58Mt), sachant qu'il s'agissait d'une version allégée de munition ayant une puissance prévue d'environ 100 Mt. Le progrès technologique a permis à l'URSS et aux USA à la fin des années 1950 de créer des munitions relativement compactes d'une puissance entre des dizaines de kilotonnes jusqu'à 1 Mt et plus qui pouvaient être installées sur différents missiles. La puissance excessive de ces munitions pour remplir la plupart des tâches pratiques servait en même temps de compensation à la précision insuffisante de missiles balistiques de première génération sachant que leur écart éventuel pouvait s'élever parfois à plusieurs kilomètres.

Il existait également des formes de transition (boosted fission — fission dopée) quand le deutérium ou le tritium était utilisé comme une source de neutrons supplémentaires pour améliorer l'efficacité d'utilisation de l'uranium ou du plutonium dans la réaction de fission. Difficile à dire pour l'instant si la Corée du Nord a utilisé une bombe H à deux étages à part entière ou une version d'arme nucléaire dopée. Il est à noter qu'un engin présenté comme le prototype d'une bombe H a été testé par la Corée du Nord en janvier 2016. Par ailleurs, on ignore dans quelle mesure la coque extérieure présente sur les photos du dirigeant nord-coréen correspond à l'«enveloppe» réelle de la bombe et si la Corée du Nord possède des engins de série qui peuvent être installés dans cette coque.

La raison de l'essai

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Actuellement, les ingénieurs militaires nord-coréens travaillent manifestement sur le même problème auquel ont fait face les chercheurs soviétiques et américains — trouver le compromis entre la puissance de l'ogive, la charge utile du missile, sa portée et sa précision. Il existe toutefois une différence notable: l'inutilité pour Pyongyang de créer une arme pour réprimer les forces nucléaires américaines est évidente: la Corée du Nord n'aura jamais l'opportunité de porter une frappe de «décapitation» contre les USA.

La cible potentiel des missiles nord-coréens de grande portée sera avant tout les mégapoles américaines, et cela réduit considérablement les exigences en termes de précision. Le problème de la portée est également réglé en partie — les missiles Hwasong-12 et Hwasong-14 testés par la Corée du Nord l'an dernier permettent d'éliminer des cibles à grande distance, et même si les estimations «optimistes» de la portée des Hwasong-14 sont erronées, les villes de la côte ouest des USA restent à portée.

Dans le même temps, il est évident également que le potentiel nucléaire et balistique de la Corée du Nord à ce jour est extrêmement faible et dans le meilleur des cas Pyongyang dispose de quelques ogives qui peuvent être tirés contre le territoire américain. Or l'éventualité d'une telle attaque contre une ville géante des USA avec toutes les conséquences que cela implique rend la situation imprévisible.

Quoi qu'on pense de la Corée du Nord, de ses autorités, de son régime, de sa forme de gouvernement et des objectifs, il faut se dire que l'arme nucléaire de Pyongyang est un projet purement défensif appelé à jouer un rôle politique primordial. Sachant que les USA gardent encore la possibilité technique de régler le problème par la force, mais le risque de ses éventuelles conséquences pour Washington et ses alliés, notamment la Corée du Sud et le Japon, devient de plus en plus difficile à calculer, alors que l'ampleur et l'issue d'une crise politique mondiale inévitable dans ce cas sont impossible de prédire en principe, tout comme de supposer quelles forces profiteront de cette crise dans leur propre intérêt.

La prolifération nucléaire

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Il convient de noter à part que la situation enterre en fait l'idée de non-prolifération de l'arme nucléaire sous sa forme initiale, surtout si l'affaire se soldera finalement par la paix: une telle paix signifierait pour nombre de pays une preuve de l'efficacité de la dissuasion nucléaire et de la nécessité de se doter de sa propre bombe comme étant l'unique garantie de sauvegarde de la souveraineté.

Enfin, la reprise des essais nucléaires pourrait être considérée comme un bon moyen de se faire entendre par un interlocuteur ou par les membres traditionnels du club nucléaire. Compte tenu de la profondeur du fossé dans lequel s'enfoncent les relations entre la Russie et les USA aujourd'hui, la question relative à la reprise des essais, par exemple en Nouvelle-Zemble, ne paraît pas si improbable.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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