Les USA lancent un drone spatial pour une mission secrète

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Le Pentagone compte lancer aujourd'hui un drone spatial réutilisable Boeing X-37 pour une cinquième mission secrète pour l'armée de l'air. La date de réserve du départ est le 8 septembre. C'est ce qu'indiquent les informations de la compagnie SpaceX.

Le lanceur Falcon 9 de la compagnie d'Elon Musk pour propulser le X-37B sera utilisé pour la première fois — avant cela il était toujours lancé par United Launch Alliance par la fusée Atlas V. La mini-navette de croisière est capable de tourner autour de la Terre pendant des années et peut atterrir de manière autonome sur un aérodrome. La durée totale des quatre vols a dépassé 2.000 jours. Le Pentagone affirme que cet appareil est prévu pour les recherches scientifiques, notamment dans le cadre de la mission précédente de deux ans il a servi aux expériences sur un moteur ionique et à l'étude du comportement des matériaux dans l'espace.

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Cependant, nombre d'experts russes et étrangers sont convaincus que la version officielle n'est qu'une couverture et la pointe de l'iceberg dans un projet que les USA préfèrent ne pas dévoiler. Selon certaines versions, l'appareil secret conçu conjointement avec la NASA est prévu pour l'élaboration des technologies destinées à détruire des satellites en orbite ou pour lancer des frappes sur Terre. Voyons pour quelles recherches scientifiques le nouveau vaisseau unique convient le mieux et si ses lancements peuvent être considérés comme la préparation d'un avant-poste pour le déploiement des activités militaires dans l'espace.

Espace confidentiel

En dépit de la confidentialité, des photos du Boeing X-37 OTV (Orbital Test Vehicle) sont disponibles en accès ouvert. De par son apparence il ressemble à une navette spatiale réduite avec une envergure d'ailes de 4,5 m, avec une longueur de 8,9 m et pesant 5 t. La NASA et Boeing ont commencé l'élaboration encore en 1999. Il était conçu initialement pour réparer des satellites, mais cinq ans plus tard le projet a été classé et transmis à la DARPA, Agence pour les projets de recherche avancée de défense.

Actuellement, l'armée de l'air dispose de deux appareils de ce type. D'après le Pentagone, chaque vaisseau peut naviguer à une altitude comprise entre 200 et 750 km, peut rapidement changer d'orbite et manœuvrer, effectuer la reconnaissance et transporter dans l'espace des chargements réduits. Sur la page officielle de Twitter de l'armée de l'air il a été qualifié de vaisseau réutilisable le plus moderne et technologique. Curieusement, le projet spécial est supervisé par une unité spéciale de l'armée de l'air américaine, chargée entre autres de la conception du bombardier stratégique de future génération pour remplacer le fameux B-2 Spirit.

La science à double usage

Il serait logique de supposer que le drone est utilisé uniquement pour les expériences lesquelles, pour une certaine raison, ne peuvent pas être réalisées sur la Station spatiale internationale (ISS), même si c'est également une plateforme orbitale à long terme et les astronautes américains y ont carte blanche en termes de recherches. Deux raisons viennent à l'esprit: la réticence d'initier dans leurs affaires les partenaires de l'ISS ou le risque potentiel des expériences pour l'équipage.

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«En soi le X-37B n'est pas très intéressant et représente simplement un laboratoire d'essai contrôlé depuis la Terre, indique l'expert indépendant Andreï Ionine, correspondant de l'Académie russe de cosmonautique. C'est ce qui se produit à l'intérieur qui est important. Etant donné que le projet est actuellement supervisé par la DARPA, on y procède manifestement aux expériences à double usage. Des expériences pour lesquelles il faut lancer quelque chose en orbite, y maintenir le plus longtemps possible, faire revenir sur Terre et examiner.»

«N'importe quoi peut se trouver à l'intérieur, allant jusqu'à une charge nucléaire. Les experts parlent souvent de l'envoi dans l'espace d'une arme nucléaire, mais en fait personne ne sait ce qui se produirait dans les conditions de radiation spatiale. Un appareil comme le X-37B permet d'étudier cette question. Ces expériences pourraient être dangereuses pour les équipages des vaisseaux habités et les stations, c'est pourquoi un drone convient parfaitement. D'autant que le Pentagone n'affiche ce genre de choses, alors que c'est pratiquement impossible à prouver», a déclaré Andreï Ionine.

La guerre des étoiles

Le politologue Vladimir Kozine de l'Institut russe d'études stratégiques perçoit dans le projet de l'armée de l'air une réelle menace à la sécurité internationale et pense que les USA créent dans l'espace une plateforme pour les futures activités militaires.

«Ce vaisseau possède un immense compartiment de chargement où il est possible d'embarquer soit des armes offensives espace-espace, c'est-à-dire des systèmes antisatellite, soit des systèmes espace-sol, c'est-à-dire des armes qui peuvent être utilisées depuis l'espace contre des sites sur Terre», a déclaré Vladimir Kozine à la radio Sputnik.

Le thème de la «guerre des étoiles» n'est pas nouveau pour les USA. Le Pentagone a élaboré encore en 1985 un programme à long terme d'expériences pour l'élaboration des systèmes d'accompagnement des cibles spatiales et de guidage des armes. A l'époque déjà le Pentagone parlait de la mise en place de postes de commandement spatiaux, de plateformes offensives avec des armes laser et à faisceau dirigé et même de bases militaires sur la Lune. Et même si après l'effondrement de l'URSS il a été décidé de renoncer à la militarisation de l'espace, on revient de plus en plus souvent sur ce sujet aujourd'hui.

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Cet été, le chef d'état-major de l'armée de l'air américaine David Goldfein a ouvertement déclaré que l'US Air Force ne considérait plus l'espace comme un espace pacifique et qu'il pourrait parfaitement devenir un champ de bataille.

«C'est un espace dans lequel nous devons savoir nous battre et vaincre en préservant la domination en orbite. Si la guerre arrivait dans l'espace nous devons être prêts», a déclaré David Goldfein.

Il est à noter qu'il a exprimé cette position pendant les fameuses audiences au sénat où la ministre américaine de l'Air Force Heather Wilson a annoncé la cinquième mission du drone Boeing X-37.

Un peu de physique

Bien que les développeurs parlent d'une haute manœuvrabilité du drone, les spécialistes du matériel spatial interrogés ne sont pas de cet avis et pensent que constructivement le X-37B ne convient pas vraiment pour un changement permanent d'orbite, c'est pourquoi c'est un intercepteur et bombardier inefficace.

«Dans la balistique il existe la notion de réserve de variation de vitesse. Cette grandeur détermine la capacité du vaisseau de manœuvrer et dépend directement des réserves de carburant. Plus elles sont élevées, plus il est manœuvrable. Pour cela il faut respecter un certain rapport entre la taille des réservoirs et la masse générale de l'appareil. Sur la photo de la mini-navette X-37B je ne vois pas de grands réservoirs, mais je vois un planeur lourd avec des ailes et un compartiment de chargement. Par conséquent, ses capacités de manœuvres orbitales sont réduites — au mieux la sortie, les passages interorbitaux mineurs et la descente», a déclaré une source d'une entreprise de l'agence fédérale spatiale Roscosmos.

A titre d'exemple il a cité les vaisseaux pilotés Soyouz avec une réserve de variation de vitesse d'environ 330 m/s. Cela permet de les lancer en orbite entre 200 et 400 km, d'arrimer à l'ISS et de redescendre, tout en prévoyant une réserve de carburant pour des situations imprévues.

«Les grandes navettes américaines étaient inférieures à Soyouz de par ces indices — pour assurer leur arrimage il fallait même réduire l'orbite de l'ISS de 400 à 350 km, a souligné le spécialiste. Les navettes chargées ne pouvaient physiquement monter plus haut. Toutefois, pour un appareil comme le X-37B ce n'est pas la manœuvrabilité qui importe, mais l'autonomie. Qu'il parvienne à se balader dans l'espace pendant deux ans avant de redescendre est déjà un grand exploit.»

L'exemple du «grand frère»

Cependant, comme le montre la pratique, les performances opérationnelles des vaisseaux ne dépendent pas toujours de leur haute manœuvrabilité ou réserve de carburant — tout dépend de la mission concrète. On sait que le «grand frère» de la mini-navette, le vaisseau américain Space Shuttle, avant même la fin des essais a «enfilé l'uniforme» pour servir de puissant laboratoire pour le Pentagone.

Les navettes et les équipages étaient préparés pour une reconnaissance visuelle depuis l'espace, l'enregistrement des lancements de missiles, la recherche de satellites et le rapprochement d'eux. Pendant son troisième vol la navette Columbia s'est approchée du satellite optique électronique Keyhole-11 pour son inspection. Les navettes recherchaient en orbite les vaisseaux soviétiques de la famille Cosmos et les derniers étages des lanceurs.

Le chef d'état-major de la marine américaine l'amiral James Watkins avait noté dans les années 1980 déjà que les expériences avec les navettes avaient permis de «découvrir de nouveaux phénomènes primordiaux aussi bien pour comprendre les processus dans l'océan que pour assurer une meilleure furtivité des sous-marins américains et les missions de détection des sous-marins ennemis immergés».

Toutefois, l'Union soviétique ne se laissait pas distancer. Avant l'apparition des navettes le bureau d'étude OKB-1 (actuellement RKK Energia) travaillait sur toute une gamme de vaisseaux orbitaux de combat. Par exemple, Soyouz-PPK (intercepteur habité) devait être muni de huit missiles pour éliminer des satellites ennemis. Hormis l'intercepteur les ingénieurs développaient des vaisseaux militaires Soyouz-VI (explorateur militaire) et Soyouz-R (reconnaissance).

Et ce n'est qu'une infime partie de l'arsenal des armes avec lesquelles les deux superpuissances s'apprêtaient à se battre au-delà de l'atmosphère. Paradoxalement, la frontière entre la cosmonautique pacifique et les technologies de guerre orbitale est très relative. 

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