Deir ez-Zor, une île syrienne dans l'«océan» de Daech

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Le chemin menant à Deir ez-Zor frayé à travers le désert est devenu un véritable espoir pour 80.000 habitants de vivre sans sang ni souffrances avec de l'eau potable et des légumes.

Le correspondant de Sputnik a traversé le corridor reliant Deir ez-Zor à la «terre ferme», mis en place par les forces de l'armée syrienne mardi, et a pu voir comment la vie prospère dans la ville littéralement sous les yeux, et s'est même familiarisé avec la situation sur les fronts autour de la ville.

A travers un champ de mines


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Il fait nuit rapidement dans le désert. Les voitures s'accumulent sur la route avant les dernières dizaines de kilomètres avant d'entrer à Deir ez-Zor. Il est possible d'accéder à la ville seulement par le sable sans rouler sur le macadam. La tâche se complique par les bombardements périodiques de la route par des mortiers du côté de Daech.

«Vous roulerez avec le dernier convoi, vous n'arriverez pas avant la tombée de la nuit, mais il y aura des postes militaires dans le désert. Il faut rouler sur l'ornière car c'est un véritable champ de mine. Dieu vous garde», donne des instructions un officier syrien aux conducteurs du convoi improvisé souhaitant entrer à Deir ez-Zor.

En quelques minutes la voiture est peinte en couleur sable et semble flotter sur le sable en direction de la lune rouge montante.

Cette fois on a pu échapper aux tirs et aux explosions. Il ne reste plus qu'à trouver un endroit pour dormir et faire le plein d'eau. Si la première tâche ne pose pas problème dans la ville, la situation avec l'eau est, en revanche, très difficile.

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Pendant le siège les habitants recevaient la nourriture et les produits de première nécessité par la voie aérienne, une partie des affaires était envoyée par hélicoptère. Mais cela suffisait uniquement pour entretenir la vie de la population.

La ville reçoit l'eau une fois par semaine. L'eau potable est puisée dans l'Euphrate qui sépare le nord et le sud de la ville.

Le premier convoi humanitaire

La matinée est agitée dans la ville. Les habitants attendent avec impatience l'arrivée d'un convoi avec de la nourriture et des médicaments.

40 camions remplis de nourriture s'arrêtent devant la mairie. Des centaines de personnes avec des drapeaux et des portraits du président Bachar al-Assad accueillent le convoi en scandant des remerciements au président et à l'armée.

«Nous avons attendu ces camions pendant trois ans. Mes enfants ne connaissent pas le goût des pommes de terre, des fruits et des légumes. Et surtout, à partir d'aujourd'hui nous pourrons acheter les produits au même prix que dans d'autres provinces. Chez nous un kilo de sucre vaut 6.000 livres (12 dollars), alors que maintenant on pourra l'acheter à 250 (50 cents)», déclare Ahmad Hassan, un homme qui a vécu les trois ans de siège dans la ville.

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Son fils interrompt le père pour demander si des chaussures ont été livrées. En regardant les chaussures de sport déchirées et les vêtements crasseux on a l'impression que l'enfant les a portés sans laver pendant des années, et il n'est pas le seul: plusieurs dizaines d'autres comme lui sont sortis dans la rue.

L'attention de la plupart des habitants se concentre autour du gouverneur de la province de Deir ez-Zor Mohammed Ibrahim Samra. Ce dernier est également venu accueillir le convoi.

«Ce n'est que le début. Dans deux jours nous attendons un autre convoi. Nous veillerons à ce qui les produits soit équitablement accessibles à tous les citoyens. Dorénavant les fournitures alimentaires seront régulières», a déclaré le gouverneur manifestement fatigué de répondre aux questions des journalistes et des citoyens ordinaires.

Après la conversation avec le gouverneur on a envie de voir ce qui se passe sur le marché local.

Le gamin qui rêve de nouvelles chaussures nous accompagne jusqu'à la voiture.

«Dites, c'est vrai que les filles en Russie sont belles? J'ai vu à la télé, avant la guerre, quand nous avions de l'électricité», surprend par sa question le jeune habitant de Deir ez-Zor.

Après une réponse affirmative l'enfant a rejoint sa foule d'amis.

L'hospitalité traditionnelle

Un jeune homme, Ali, se porte volontaire pour montrer le marché. Mais il est difficile de le qualifier de marché. Des magasins dégradés et des étagères vides avec des cigarettes et d'autres broutilles. Les commerçants plus aisés vendent de l'eau pétillante sucrée.

«On peut dire aujourd'hui que le marché prospère. Regardez, il y a même de la viande aujourd'hui à un endroit, mais les prix sont encore exorbitants», dit Ali.

Le jeune homme raconte volontiers sa vie pendant le siège.

«Malgré les conditions insupportables, les écoles et les universités de la ville fonctionnaient tout de même. L'an dernier j'ai terminé mes études pour devenir un spécialiste diplômé», raconte Ali.

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Entre autres, un snack a ouvert ses portes aujourd'hui sur le marché. Pour l'instant au menu seulement des sandwichs et des falafels (boulettes de pois chiches). Le patron des lieux refuse catégoriquement de faire payer le journaliste et son nouvel ami et supplie de rester pour un thé.

«Simplement nous sommes ravis de voir de nouveaux visages, je ne parle même pas de touristes. C'est pourquoi soyez aujourd'hui mes invités, et non mes clients», déclare le propriétaire du café en refusant de prendre l'argent.

En pleine guerre

En accompagnant Ali jusqu'à la maison je me suis dirigé vers le QG des opérations pour défendre la ville pour rencontrer le général de la garde républicaine Issam Zahreddine, devenu une légende en Syrie.

«Comme vous le voyez, la situation est devenue plus facile depuis deux jours. Avant la levée du siège les djihadistes attaquaient pratiquement tous les jours. Mes hommes sont préparés et prêts à poursuivre le combat. Nous manquions de munitions. Maintenant nous sommes prêts à continuer. Nous sommes ici comme une île dans l'océan de Daech», commence son récit le général.

Les soldats de Deir ez-Zor devront prochainement libérer la ville et la base aérienne à 2 km à l'est de la ville.

Plus de 1.000 militaires sont encerclés à la base aérienne, la nourriture et les munitions sont acheminées à la garnison de la base aérienne uniquement par les airs. Les terroristes de Daech ont coupé la communication entre les défenseurs de la ville et la base aérienne fin janvier 2017.

La situation autour de Deir ez-Zor devrait s'améliorer davantage d'ici quelques jours, dès qu'un autre groupe des troupes syriennes et des forces alliées avancera depuis le sud. Les unités de première ligne participent aux affrontements violents à 30 km de la ville.

Malgré les trois ans de siège les habitants et les soldats de Deir ez-Zor sont très optimistes et comptent sur une victoire définitive rapide contre Daech sur leur territoire.

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