L’hospitalité syrienne renaît à Deir-ez-Zor après trois ans de famine

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Dix jours ont passé depuis la levée du blocus de Deir-ez-Zor: après trois ans de privations, les sourires refont leur apparition sur les visages et le marché se remplit de marchandises. Sputnik a rencontré les habitants de la ville pour savoir ce que ces trois années d’encerclement terroriste leur auront coûté.

L'armée syrienne a percé le 5 septembre le blocus de Deir-ez-Zor, tenu pendant plus de trois ans par le groupe terroriste État islamique. Par le passé, l'aide à la population sinistrée était acheminée par les avions du gouvernement syrien et le ministère russe de la Défense. Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge s'était également joint à ces efforts.

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L'eau de l'Euphrate

La chaleur n'empêche pas les habitants de Deir ez-Zor de se promener sur le marché pour faire leurs achats. Aujourd'hui, on entend tous les dix mètres les cris des marchands: «Jus froid! Eau froide!» Le mot «froid» semble magique quand il fait 50ºC dans la rue. Surtout qu'on considérait encore récemment comme potable l'eau bouillie et pleine de chlorure de l'Euphrate, ayant un arrière-goût d'algues.

Des marchands ingénieux font geler de l'eau dans des bidons et la vendent dans des petits verres à un prix très bas: 25 livres syriens (environ 4 centimes).

«Il s'agit toujours de l'eau de l'Euphrate, mais nous pouvons désormais la filtrer. Le prix est tout à fait symbolique. Nous ne visons pas des bénéfices mais voulons que nos concitoyens puissent enfin boire de la bonne eau fraîche. Aujourd'hui, on peut déjà acheter de l'eau en bouteille et les prix sont les mêmes qu'à Damas — 125 livres (environ 20 centimes) pour 1,5 litre — mais il vous faudra passer plusieurs heures à faire la queue devant les dépôts publics pour vous en procurer», explique le vendeur d'un magasin local.

Ирина Ассаф и ее муж Ибрагим - Sputnik Afrique
Une Russe sur le siège de Deir ez-Zor: «Tous les chats et chiens ont été mangés»
Les habitants de Deir ez-Zor ont passé trois ans et demi sans électricité ni autres bienfaits de la civilisation. Il y a quelques jours, la ville a reçu des camions citernes transportant du diesel et on entend désormais retentir dans les rues le bruit des vieux générateurs électriques. La centrale électrique de la ville a été libérée des terroristes il y a quelques jours lors du déblocage de l'aérodrome. D'après les autorités, sa reconstruction prendra encore quelques mois car les terroristes ont fait exploser une partie de la centrale au cours de leur retrait, et de nombreux équipements ont tout simplement été pillés.

Le gouvernement a envoyé à Deir ez-Zor le premier convoi d'aliments et de médicaments trois jours après la levée du blocus. La ville reçoit chaque jour plusieurs colonnes de camions transportant des légumes, des fruits, des médicaments et des produits de parapharmacie. Chaque habitant de Deir ez-Zor peut acheter tout le nécessaire aux prix fixés par l'État.

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L'aide aérienne

On voit déjà réapparaître sur le marché des salons de thé improvisés où des hommes âgés savourent le thé sucré préparé au feu de bois en débattant des derniers événements sur le front et dans le monde.

«Te souviens-tu de Salma de la rue centrale? Elle habite seule avec ses deux filles après qu'on a évacué son mari blessé à Damas. Il faudra allez la voir pour demander si ses hommes sont revenus», dit un vieil homme avec un foulard blanc sur la tête à son interlocuteur, en avalant une bouffée de la fumée épaisse de sa cigarette improvisée.

Nous apprenons de la conversation lente entre les deux voisins que Salma, sans son mari et son fils, a perdu toutes les sources de revenus du ménage, alors qu'il n'avait aucun emploi dans la ville assiégée. Avec ses deux filles, elle n'a réussi à survivre que grâce à ses voisins qui leur offraient de l'eau et du pain, s'ils en avaient eux-mêmes. Les autorités locales ont également lancé la distribution de nourriture grâce aux avions qui jetaient chaque jour des containers de nourriture dans la ville.

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Lors du blocus, la ville n'avait qu'un lien aérien avec le reste du pays et les hélicoptères ne pouvaient atterrir de manière relativement sécurisée que dans un endroit situé à la périphérie ouest de la ville. Ils faisaient chaque jour jusqu'à quatre allers-retours en fonction des conditions météorologiques et des activités des terroristes. Les hélicoptères transportaient les médicaments et les produits de première nécessité à l'aller, et évacuaient les blessés au retour.

Le premier lot de plusieurs tonnes d'aide humanitaire a été envoyé par un avion de transport russe. Cette pratique a été ensuite reprise par l'Onu, qui a effectué au total 309 livraisons pour les habitants de Deir ez-Zor pendant les années de blocus.

Ces containers parachutés ont permis à beaucoup de gens, y compris Salma et ses filles, de ne pas mourir de faim.

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Des feuilles «comestibles» et des volailles au prix de l'or

Aujourd'hui, on voit marcher dans les rues des gens heureux portant des sacs de nourriture. Ils ne se sont visiblement pas encore tout à fait habitués à leur liberté et craignent de perdre leur «paradis» actuel.

«Êtes-vous Russes? Merci de nous avoir aidés. Il y avait beaucoup de Russes ici. Nos hommes, qui partaient faire leurs études chez vous, revenaient avec de belles Russes. Mais il ne reste plus personne. Tout le monde est parti, notamment les chrétiens qui avaient peur des persécutions de l'EI», explique une habitante de la ville.

«Y-a-t-il longtemps que vous avez mangé de la viande? Mon fils a réussi aujourd'hui à acheter un kilo de veau. Je vais faire un dîner de fête et je vous invite chez nous à le partager», poursuit-elle.

Nous lui assurons que, contrairement à sa grande famille, nous n'avons pas dégusté de viande pour la dernière il y a trois ans, l'aidons à porter ses sacs jusqu'à sa maison et poursuivons notre chemin.

Un homme bronzé portant un uniforme militaire, assis à la terrasse de sa maison en se cachant du soleil ardent, nous appelle. Son nom est Abou Hassan. Vétéran de la guerre, il est revenu dans sa ville natale de Deir ez-Zor avec beaucoup de blessures. Il nous persuade de boire une tasse de café avec lui. Sa femme apporte les boissons chaudes et les sucreries, la terrasse se trouve à l'ombre de plusieurs arbres et le seul détail qui nous rappelle que la guerre est passée par là est une clôture à moitié détruite.

Nous remarquons un grand coq roux qui court à nos pieds comme un chat domestique.

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«Ce coq est notre sauveur et notre héros, raconte son maître en le caressant. Fin 2015, les gens étaient désespérés et beaucoup mangeaient les feuilles des arbres, buvaient tout ce qui ressemblait à de l'eau. Ma famille ne faisait pas exception mais ce coq nous a sauvés. Il fécondait nos poules et nous avons mangé des œufs pendant des mois avec la famille voisine, ce qui a empêché nos enfants de mourir de faim».

Selon Abou Hassan, pendant la période la plus difficile du blocus certains proposaient plusieurs centaines de dollars pour une poule, alors qu'un coq coûtait plus cher qu'un mouton — pour lequel on offrait plus de 500 dollars sur le marché local.

«Comme nous comprenions que la perte d'une poule, et d'autant plus du coq, pourrait coûter la vie à notre famille et à nos voisins, nous l'avons gardé et avons toujours trouvé de la nourriture pour lui et son harem», sourit Abou Hassan.

Plus de 80 000 personnes sont restées à Deir ez-Zor pendant le blocus. Dans tous les récits des habitants de cette ville syrienne, le désespoir s'entremêle avec l'espoir et la résistance. C'est peut-être ce trait de caractère qui a permis aux hommes et aux femmes de Deir-ez-Zor de faire face aux terroristes venus du désert.

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