Le départ de Florian Philippot du Front National, et ses conséquences

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Florian Philippot - Sputnik Afrique
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La démission de Florian Philippot du Front National, et de quelques autres, ne relève pas de l’anecdote. On voit bien que toute une génération de cadres, entrée depuis 2012-2013, est aujourd’hui troublée. C’est donc bien probablement d’une véritable scission dont il s’agit. Et elle constitue un tournant majeur dans la politique française.

Florian Philippot, et cela était connu de tous, avait cherché à apporter une autre ligne politique au Front National. Il y avait réussi, dans une certaine mesure. Cette dernière s'était traduite par une évolution sensible, qui avait permis à ce parti de passer des 12-15% des voix qui étaient son score à l'époque, jusqu'aux scores qu'il avait enregistré aux dernières élections (33,9% au deuxième tour de la présidentielle et 10,638 millions de voix). Ces scores étaient historiques. Ils traduisaient la mutation du Front National en un véritable parti populiste. Au-delà, cela avait permis de penser que, face à la tyrannie montante de l'Union européenne et à ses relais en France, un front commun aurait pu être réalisé avec les courants souverainistes de gauche. C'est cela qui est remis en cause par le départ de Philippot et de ses soutiens.

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Ce front commun ou « front de libération nationale », car c'est bien de cela dont il s'agit, impliquait cependant que soit le Front National poursuive sa mutation, et qu'il devienne pleinement ce grand parti populiste que l'on pressentait, soit qu'en sorte un nouveau parti, qui aurait été débarrassé des scories racistes et d'extrême droite. Je l'avais dit à l'époque de manière claire. Il faut alors relire les termes que j'avais employés: « A terme, la question des relations avec le Front National, ou avec le parti issu de ce dernier, sera posée. Il faut comprendre que très clairement, l'heure n'est plus au sectarisme et aux interdictions de séjours prononcées par les uns comme par les autres.

Ces lignes gardent aujourd'hui toute leur pertinence et toute leur importance. Au-delà de la Grèce, nous voyons bien que l'Euro et l'Union européenne conduisent l'un et l'autre à limiter chaque jour un peu plus la démocratie et la souveraineté de notre pays, et qu'il y a un lien logique entre la crise des institutions démocratiques et le déni de la souveraineté. Nous voyons aussi que la revendication de l'identité n'a pas de sens hors de celle à la souveraineté. Une identité qui ne serait pas garantie par une souveraineté ne serait qu'une manifestation folklorique, et le folklore éclot là ou la culture est morte.

La logique (et non la simple réédition) du CNR s'impose de manière évidente pour faire face aux problèmes que notre pays connait. Le problème était, et il reste encore, que cette logique de « front » n'est pas maîtrisée, et parfois tout simplement pas comprise par certains.

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Le départ de Florian Philippot est donc le début d'une véritable scission, qu'elle se fasse immédiatement ou qu'elle se produise dans le temps, avec une hémorragie des adhérents et le départ des meilleurs militants. Elle solde l'incapacité de la direction du Front National de se mettre à la hauteur des enjeux historique, et l'incapacité plus particulière de Marine le Pen qui s'est révélée dans la campagne présidentielle et en particulier lors du débat du mercredi d'avant le second tour.

Au-delà du comportement personnel de la candidate, cet épisode a montré la présence d'une incohérence de fond dans sa campagne. Le fait qu'elle n'ait pu ni su corriger rapidement cette incohérence était tout aussi significative. Il faut se souvenir que Marine le Pen a commis deux erreurs: celle de sous-estimer son adversaire, et quoi que l'on puisse penser de la politique d'Emmanuel Macron il n'est pas le premier venu, et celle de penser qu'elle pouvait jouer la carte du populisme démagogique, un peu à la manière de Donald Trump. Mais, la culture politique française est très différente de la culture politique des Etats-Unis, au moins sur ce point. Le résultat a été ce que l'on en a vu: un agitation stérile, et parfois pathétique, passant à côté des véritables questions qui auraient pu mettre Emmanuel Macron en difficulté. La perte de crédibilité, qui est la véritable cause de l'échec de sa campagne, est alors devenue catastrophique. Elle a donc abouti à « re-diaboliser » Marine le Pen, donnant alors une crédibilité aux positions qui appelaient à faire barrage à tous prix contre elle. Telle est l'origine de la victoire d'Emmanuel Macron.

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On voit bien ici ce qui était en jeu. Incapable de surmonter cet échec, le Front National et sa présidente se sont depuis enferrés dans des attitudes suicidaires. En limitant leur discours à la seule problématique de l'immigration, ils passent complètement à coté du fait central: l'échec aujourd'hui des mécanismes d'intégration, un échec qui peut justifier une certaine position quant à l'immigration immédiate, mais qui n'en découle pas.

Que deviendra le Front National? Il ne peut espérer que le sort du Parti Communiste Français après l'échec historique de la candidature de George Marchais en 1981. Il se transformera en un « parti zombi », un mort-vivant de la politique. Telle fut la trajectoire du PCF à partir de 1981, une trajectoire qui l'a conduit, alors qu'il avait obtenu plus de 20% des suffrages à la fin du gaullisme, à tomber sous les 5%.

Cette trajectoire devrait cependant être plus rapide. Même si le choc de la dissolution de l'URSS n'existera pas pour le FN, les traits les plus repoussant de ce parti vont s'affirmer au fur et à mesure qu'il se repliera sur lui-même. Il perdra sa base électorale nationale, mais conservera sans doute, pour quelques années encore, un enracinement local, en particulier en Provence et sur la Côte d'Azur. Il est certain que, pour certains des proches de Marine le Pen, il y a là une garantie de carrière. Ils pourront toujours monnayer dans des accords sans principes avec les Républicains leurs places fortes. C'est une pure logique d'avantages personnels qui s'imposera, bien opposée à leur discours qui prétend vouloir « servir la Nation ». Ils feront ainsi le trajet de ceux des membres du RPF des années 48-52 qui, selon l'expression même du Général de Gaulle étaient « allés à la soupe ». Les électeurs qui s'étaient portés sur le FN, quant à eux, comprendront qu'il ne sert à rien et s'en détourneront. Ils s'en détourneront d'autant plus vite que les autres forces souverainistes sauront s'ouvrir aux problématiques portées par ces électeurs et cesseront, pour certaines, de s'aveugler sur les problèmes réels de l'islamisme.

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