Du bord du précipice au défi kurde: la Syrie renaît-elle?

© REUTERS / Abdalrhman IsmailAlep
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Il y a deux ans, le 30 septembre 2015, la Russie entrait en guerre en Syrie, bouleversant la donne sur le terrain. Retour sur cette évolution avec Benjamin Blanchard, directeur de l’ONG SOS Chrétiens d’Orient, et Randa Kassis, femme politique syrienne.

Hmeimim - Sputnik Afrique
«L'intervention russe a renversé le cours des évènements en Syrie»
Le régime syrien était au bord du précipice: son territoire se réduisait comme peau de chagrin, son armée subissait défaite sur défaite. Benjamin Blanchard, directeur-général de l'ONG SOS Chrétiens d'Orient, se rappelle de la situation: après avoir avancé sans grande résistance dans le désert, «Daech occupait tout l'Est et le Nord» et, comme si cela ne suffisait pas, «des groupes rebelles plus ou moins islamistes étaient aux portes de Damas, occupaient une bonne partie du sud, encore une partie du Qalamoun à la frontière libanaise, et une partie du Nord, les provinces d'Idlib et Hama, et l'autoroute entre Homs et Hama». Déjà, «Alep était pratiquement encerclée, 1,5 million d'habitants auraient été pris au piège».

Mais le piège ne s'est pas refermé: l'allié russe a renversé la situation. Maintenant, «Daech est en voie d'être chassé du territoire syrien» et le problème des groupes rebelles islamistes est «en voie de résolution», euphémise Blanchard. Les grandes villes syriennes, Damas, Alep, Homs, Lattaquié et Deir ez-Zor, sont libérées et, plus encore, les voies de communication sont dégagées. La reconstruction reprend, «et qui dit reconstruction dit retour des Syriens chez eux», précise Blanchard.

Moins de pertes civiles

Autre apport inestimable de l'intervention russe en Syrie: les cessez-le-feu, selon Randa Kassis. Opposante réformatrice à Bachar el-Assad, celle-ci souligne que l'intervention russe a permis «de lancer le processus d'Astana» avec la Turquie et l'Iran et donc d'établir des zones de désescalade: «il y a moins de victimes», estime-t-elle. Une estimation d'ailleurs récemment confirmée par le colonel Michel Goya, comparant les 4.000 à 5.400 victimes civiles des forces russes aux 5.300 à 8.200 de la coalition américaine (présente depuis plus longtemps, mais utilisant pourtant des munitions guidées).
Malgré les pertes, les Syriens semblent reconnaissants envers la Russie, allié providentiel devant la menace djihadiste: «quand les chauffeurs de taxi à Damas ou Alep croient que je suis russe, ils refusent de me faire payer, parce qu'ils sont reconnaissants», raconte-t-il avec humour avant de pointer une autre raison: «jusqu'en 2015, le seul allié sur le sol syrien était l'Iran. Il y avait quand même une crainte de se retrouver en tête-à-tête avec lui». La Syrie, de tradition plus sécularisée, voyait bien que «l'idéologie n'est pas tout à fait la même». A contrario, «il n'y avait pas de crainte de voir la Russie imposer un mode de vie autre que le leur».

Le défi kurde

Russischer Luftstützpunkt Hmeimim bei Latakia - Sputnik Afrique
Moscou dément la capture de militaires russes par les terroristes de Daech en Syrie
«Le gros abcès maintenant est au Nord» explique Benjamin Blanchard, pointant les Forces démocratiques syriennes (FDS): «cela ne trompe personne: j'étais dans leur zone, je n'ai pas vu un seul drapeau des Forces démocratiques syriennes. C'est un faux-nez du YPG, branche syrienne du PKK turc». Et si le calme règne encore, les efforts étant concentrés vers l'État islamique, la situation reste incertaine: «quand Daech sera liquidé, que se passera-t-il?», s'interroge Blanchard.

Randa Kassis s'inquiète aussi de cette donne: «je ne crois pas que Bachar el-Assad a gagné la guerre». L'opposante pointe en effet le Kurdistan et les autres bandes rebelles qui subsisteront: «peut-être [el-Assad] a-t-il davantage de contrôle sur la zone qui va d'Alep au sud de Damas, mais pas sur tout le territoire syrien». En définitive, «l'intervention militaire russe a permis de stabiliser le pays», mais il n'existe selon elle et pour l'instant «aucun processus politique à court terme qui permettrait à la Syrie de sortir de sa crise».

«Bachar el-Assad n'est pas un réformateur», déplore-t-elle: «il souhaite retrouver la Syrie d'avant 2011, ce qui est impossible: plusieurs forces existent sur le terrain». Jusqu'où le fidèle allié russe s'investira-t-il? «Je ne crois pas que la Russie combattra toutes ces forces pour rendre la Syrie à el-Assad», affirme-t-elle.

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