Référendum: qui en France soutient les Catalans?

© REUTERS / Albert Geala Catalogne
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Après le référendum d’autodétermination de la Catalogne de ce dimanche qui a récolté une pluie de matraques et 90% de votes favorables, les témoignages de soutien de se multiplient, en France notamment. Partisans, syndicalistes, communistes, qui sont-ils et que veulent-ils? Est-ce le signe d’un début de contagion? Éléments de réponse.

Après la bataille du vote, la guerre des chiffres. Dans la douleur, les indépendantistes ont remporté le «oui» à 90%. Mais en termes de participation, ils ne sont que 42,3% à s'être déplacés… Des chiffres dont on peut se demander s'ils reflètent forcément l'état de l'opinion catalane.

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«C'est quand même trois millions de personnes qui sont allées aux urnes!», un bon score général s'enthousiasme Jordi Vera, «au vu des violences policières» et de la confiscation des bulletins, dont plusieurs millions ont d'ailleurs été imprimés dans les Pyrénées-Orientales.

Ce coordinateur de la formation politique «Oui au Pays catalan», mouvement est né en octobre dernier après les fortes manifestations contre le nom «Occitanie» pour sa région, a participé à la manifestation de mardi 3 octobre à Perpignan. Quelque 500 sympathisants de tous bords sont rassemblés devant le consulat d'Espagne, mais le message avait d'autres destinataires:

La protestation est dirigée contre le pouvoir parisien qui n'a pas réagi et l'Europe qui n'a pas mis fin aux violences», explique Jordi Vera.

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«Il y a un peu de tout dans cette lutte qui s'organise dans le pays catalan, un peu comme dans le Pays basque», commente Philippe Galano, du Parti communiste français, dont la formation était présente parmi la foule des supporters, aux côtés desquels on retrouvait des représentants de la CGT, ou encore du parti catalan «Assemblea nacional catalana». Il réfute toute ambiguïté qui pourrait exister dans le fait qu'un mouvement internationaliste affiche son soutien à un mouvement indépendantiste:

« Le nationalisme peut se caractériser à plusieurs niveaux. Ça dépend du contenu que l'on donne à cette autodétermination des peuples. […] Il y a ceux qui sont de gauche, et qui sont pour l'autodétermination des peuples, on peut l'imaginer, dans l'exercice du pouvoir au plus près des gens, et aujourd'hui, ceux qui sont pour une autonomie recroquevillée… mais nous ne faisons pas partie de ceux-là».

Les régions «Grand Est» et «Savoie» ont condamné à leur tour les violences policières, «commises par l'État espagnol», et «quant à l'État français, il ne vaut guère mieux»: «Après avoir obligé hier les régions à devoir fusionner, sans même en consulter les habitants, voilà qu'il les oblige aujourd'hui, ainsi que les communes, notamment rurales, à devoir payer pour les dettes de l'État, alors qu'elles n'en sont pas responsables», ont fait savoir le Mouvement Franche-Comté, Les Fédérés, le Parti Lorrain et 100% Savoie dans un communiqué.

Le référendum catalan, qualifié de «mise en scène» par le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, a suscité un certain engouement européen, puisqu'y ont assisté ou l'ont soutenu différents militants ou hommes politiques. Le Maire de Morlaix a hissé le drapeau catalan dimanche matin devant sa mairie en «solidarité et pour la démocratie»….

​… Tandis que l'Union Démocratique Bretonne (UDB) a envoyé des observateurs sur place, à l'invitation du gouvernement de Barcelone. Une poignée de Bretons, rassemblée sous la pluie à Lannion, a tenu à exprimer son soutien au catalan:

​Ou encore à Guingamp: 

​Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse, a également fait le déplacement jusqu'à Barcelone, «pour soutenir nos amis catalans», qui lui ont réservé un chaleureux accueil: 

​Et quid du Pays basque, région qui vient de sortir de plus de cinquante ans de terrorisme de l'ETA? L'État espagnol montre qu'il est «une prison pour les peuples en niant l'identité nationale des Pays catalans», écrit l'organisation ETA, dans un communiqué publié par le journal basque Gara, mercredi 27 septembre. Un groupe, qui est tenu pour responsable de la mort de plus de 800 personnes au nom de sa lutte armée pour l'indépendance jusqu'en 2011, et qui dénonce la réponse de Madrid aux aspirations des indépendantistes catalans:

​Pour autant, le référendum catalan a-t-il suscité des vocations dans toutes ces régions? «On est encore loin de pouvoir constater un effet de contagion», s'amuse George Estievenard, responsable de l'Institut Prospective et Sécurité de L'Europe (IPSE) à Bruxelles.

«Mais, il y a une volonté évidemment des jusqu'au-boutistes catalans de se trouver des alliés et leur donner la possibilité de s'exprimer, ça sans aucun doute. On peut en trouver comme ça dans les quatre coins de l'Europe».

Afficher son soutien sur Tweeter n'est pas vouloir l'indépendance:

«Je n'ai jamais encore entendu, dans les conversations autour de moi, quiconque qui aurait envie d'imiter les indépendantistes catalans. Pas même les Basques», commente Monique Sémavoine, maire sans étiquette de Mazères-Lezons. «C'est une région qui a des dettes vis-à-vis de l'Espagne et de l'Europe… les indépendantistes s'imaginent partir comme ça avec zéro euro de solde de tout compte?»

Si les Catalans s'attirent la sympathie, c'est davantage par régionalisme «Quand on porte sa région dans son cœur, on a envie qu'elle soit reconnue», estime cet occitanophone, qui a ouvert une école bilingue dans sa commune:

«Il y a une volonté de reconnaissance identitaire. Ce n'est pas la même chose que de vouloir une indépendance régionale, dans une nation».

Le pic de violence atteint ce week-end lors du scrutin interdit par le gouvernement espagnol, car «anticonstitutionnel», est le fruit d'une gestion désastreuse de ce dossier, selon l'historienne Garcia Dorel-Ferré, spécialiste de la Catalogne. L'obstination du ministre Mariano Rajoy a pu gonfler les rangs des indépendantistes sur le long terme:

«Il y a trois ans, le référendum a été empêché. Mais il aurait donné la majorité aux unionistes», tranche-t-elle.

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«Je ne suis absolument pas indépendantiste, mais je comprends que les choses ont été poussées par la mésentente et la mauvaise négociation, poussé tellement loin qu'il n'y avait pas d'autre recours». Une radicalisation qui aurait pu s'observer dans la journée même du scrutin, face à la réaction disproportionnée de l'Etat, où la violence policière aurait fait jusqu'à 800 blessés:

« Si on avait eu les moyens de faire une courbe des votes depuis le matin jusqu'au soir, je suis sûre que dans la journée il y aurait eu une radicalisation», poursuit Garcia Dorel-Ferré.

Malgré la répression policière, le dédain du chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy qui déclarait qu'il n'y a «pas eu de référendum», que c'est «une simple mise en scène», l'Europe a déclaré avoir confiance en son «leadership» pour rétablir le calme, a fait savoir le lendemain son porte-parole. L'exécutif européen n'a «pas un rôle à jouer à ce stade» dans une médiation, a déclaré la Commission, rejetant ainsi la demande du président catalan Carles Puigdemont. Une réaction tardive et incompréhensible pour Garcia Dorel, estimant que l'Europe «se défausse sur Rajoy, alors que depuis 2010 il ne fait que des erreurs vis-à-vis de la Catalogne».

Quand bien même des volontés de mettre en place un référendum dans des régions européennes apparaîtraient, il faudrait tenir compte de l'impasse espagnole

« Parce que dans les autres États membres dans l'Union européenne, c'est également la constitution en vigueur qui prime. On sera toujours renvoyé à ce problème de fond», estime George Estievenard.

Est-ce que ce sera le cas par exemple avec la Lombardie et la Vénétie, qui organisent une consultation populaire le 22 octobre prochain pour plus d'autonomie? 

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