La bataille pour les ressources spatiales a commencé

© Photo Bryan Versteeg / Deep Space IndustriesКонцепт аппарата для добычи ракетного топлива на астероидах
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L'agence fédérale spatiale russe Roscosmos tente de faire face aux deux États - les USA et le Luxembourg - qui souhaitent mettre la main sur les gigantesques richesses spatiales.

En effet, des milliards de dollars pourraient être tirés de l'extraction de métaux et de minéraux des astéroïdes qui passent à proximité de la Terre, estiment les spécialistes. Comment ces réclamations sont-elles juridiquement justifiées? Quand l'exploitation des ressources dans l'espace sera-t-elle possible d'un point de vue technique? Éléments de réponse.

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La lutte pour les ressources naturelles, qui se déroule activement sur Terre, trouve aujourd'hui un prolongement dans l'espace, écrit le quotidien Vzgliad. Personne n'est encore capable d'exploiter les matières premières présentes sur les astéroïdes ou sur la Lune que sur Terre, on calcule déjà la valeur des richesses spatiales. Surtout, on décide à qui tout cela doit appartenir. Au départ de cette course, deux pays ont été plus rusés que les autres.

Les USA ont été les premiers à revendiquer leur droit d'exploiter les ressources minières dans l'espace en adoptant il y a deux ans une loi spéciale: l'Acte sur la compétitivité spatiale. A la fin de l'été dernier, une loi similaire a également été adoptée au Luxembourg. Il a été le premier en Europe à légaliser l'exploitation industrielle des ressources dans l'espace par les compagnies privées. De cette manière, les compagnies privées qui exploiteront les matières premières dans l'espace, notamment sur les astéroïdes, pourront bénéficier d'une protection juridique.

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Cependant, la Russie, via son agence spatiale Roscosmos, a condamné les revendications exclusives de ces deux pays sur les richesses spatiales — qui appartiennent à toute l'humanité.

A ce jour, personne n'a encore extrait de ressources sur les astéroïdes et cela ne sera certainement pas réalisable pendant la prochaine décennie, faute de moyens techniques nécessaires. Mais cette question suscite déjà des débats enflammés.

«Les corps célestes et leurs richesses sont ouverts à toute l'humanité et personne ne peut se réserver un territoire sur les planètes qui nous entourent. Mais tout le monde craint un précédent juridique, quand une compagnie ou un groupe de compagnies revendiquera des corps célestes. En l'absence d'un accord international en la matière, ce groupe disposera effectivement du droit juridique, à terme, d'exploiter les minéraux sur les corps célestes», résume l'académicien Alexandre Jelezniakov de l'Académie russe de cosmonautique Tsiolkovski. Et d'ajouter que l'élaboration des moyens techniques qui permettront, probablement d'ici 30-40 ans, de travailler sur les astéroïdes «a déjà commencé».

Roscosmos estime que la loi du Luxembourg, tout comme celle adoptée aux USA en 2015, contredit le droit international dans le domaine de la conquête spatiale. En 1967, plus de 100 pays ont signé le Traité de l'espace dont l'article 2 stipule qu'un «corps céleste ne peut faire l'objet d'une appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d'utilisation ou d'occupation, ni par aucun autre moyen». Cependant, le Luxembourg affirme que l'article 2 définit le statut juridique des corps célestes mais pas celui des ressources spatiales. En d'autres termes, selon cette logique, les corps célestes ne peuvent effectivement pas être une propriété privée, ce qui n'est pas le cas des ressources qu'ils abritent. Les USA avancent les mêmes arguments.

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En effet, le Traité de l'espace de 1967 ne mentionne rien directement concernant l'exploitation des ressources minières dans l'espace. Gbenga Oduntan, de l'université britannique du Kent, a qualifié la loi des USA sur leur droit d'exploiter en solitaire les richesses minières de l'espace «d'exemple flagrant d'avidité humaine».

«Tout ce qui n'est pas interdit est permis. C'est une situation où le progrès devance la loi, comme dans le cas des cryptomonnaies. On n'arrête pas le progrès, le cerveau et les mains de l'homme conquièrent l'espace. L'heure est déjà venue d'élaborer et d'adopter avec d'autres pays une base juridique internationale dans le domaine de l'exploitation des ressources spatiales», reconnaît Kira Guine de la société juridique Guine et Cie.

«Les termes du traité de 1967 ne correspondent pas à toutes les réalités d'aujourd'hui, c'est pourquoi la seule solution serait d'introduire de nouveaux termes, dans le droit international, régissant l'exploitation de ressources sur les corps dans l'espace. C'est seulement dans ce cas qu'il sera possible de parler du respect ou de la transgression du droit international, car à ce jour ce dernier n'a pas réglé cette question problématique», indique Vladimir Starinski du cabinet d'avocats Starinski, Kortchago et Cie.

C'est précisément ce que la Russie propose de faire: se réunir et régler ensemble de manière juste la question relative aux ressources spatiales. Après tout, la situation est effectivement aberrante — deux pays ont simplement décidé que l'espace était leur territoire et de ce fait, que toutes les ressources qui en seraient extraites leur appartiendraient à eux seuls.

«Il est évident que le règlement unilatéral du problème par des États agissant séparément pourrait entraîner une situation très négative. Il faut dialoguer dans le cadre des forums internationaux compétents comme le Comité de l'Onu pour l'espace et ses sous-comités, ainsi que le 6e comité de l'Assemblée générale des Nations unies», préconise Roscosmos.

L'expérience de la propriété conjointe de l'Arctique pourrait servir d'exemple à l'élaboration des lois et des critères, propose Kira Guine. On pourrait aussi créer une organisation internationale pour superviser l'exploitation dans l'espace et payer les sous-traitants (ces mêmes compagnies privées), et utiliser ces revenus pour les besoins d'un pays concret ou pour toute l'humanité.

Des revenus mirobolants

La volonté de certains États de se réserver le droit sur les ressources spatiales peut se comprendre. Le revenu potentiel des ressources spatiales est estimé à des milliards de dollars.

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Par exemple, le coût des ressources de l'astéroïde UW-15 qui est passé à côté de la Terre en 2015 a été estimé entre 300 et 5.400 milliards de dollars. Les chercheurs américains ont calculé qu'il contenait de nombreuses ressources minières, dont 100 millions de tonnes de platine. Les astéroïdes de classe M contiennent du nickel, et des réserves de fer, de nickel et de magnésium ont été découvertes dans les astéroïdes de classe S.

Les scientifiques de la NASA affirment que l'exploitation des matières premières dans l'espace n'est pas aussi inconcevable qu'il n'y paraît. En apesanteur, un vaisseau de transport alimenté uniquement par des batteries solaires est capable de prélever et de transporter jusqu'à la Terre un astéroïde de 500 tonnes. Le vaisseau en question serait envoyé dans l'espace grâce au lanceur de classe Atlas V. Selon leurs estimations, 5-6 astéroïdes passent chaque année à proximité de la Terre et un vol aller-retour jusqu'à l'astéroïde pourrait coûter «seulement» 2,6 milliards de dollars. Ce qui n'est pas une somme si astronomique aujourd'hui, surtout si on la compare avec le bénéfice potentiel.

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En 2012 et en 2013 sont apparues aux USA les compagnies Deep Space Industries et Planetary Resources qui comptent s'occuper de la conquête industrielle des astéroïdes. Toutes les deux sont aujourd'hui partenaires du gouvernement luxembourgeois. De plus, la japonaise Ispace et la germano-luxembourgeoise Blue Horizon ont déposé une requête pour participer à ce projet. Dans l'ensemble, près de 60 entreprises souhaitent travailler avec le Luxembourg pour l'exploitation des ressources spatiales. Le gouvernement de ce pays est prêt à allouer 200 millions d'euros à ces fins. Si chacun des cinq partenaires investissait cette somme, cela permettrait de réunir près d'un milliard d'euros.

Le seul élément qui empêche aujourd'hui les USA et le Luxembourg de décoller pour s'emparer des richesses de l'espace est le progrès technique.

«Les vaisseaux capables d'atteindre les astéroïdes et d'effectuer des travaux à leur surface n'existent pas encore — pas plus que les moyens techniques pour transporter les matières premières. Tout cela devra encore être élaboré: c'est précisément la difficulté, explique Alexandre Jelezniakov. Les compagnies qui s'en occupent sont seulement en train de mettre au point la question. Ce ne sont pour l'instant que des discussions au niveau théorique et juridique.»

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Toutefois, même quand une telle activité sera techniquement possible, il n'est pas prouvé que l'exploitation des matières premières dans l'espace sera rentable. Par exemple, avec le niveau technologique actuel, le vol jusqu'à un astéroïde prendrait entre 6 et 10 ans, indiquent les astronomes de la NASA. Autre problème: le transport des minéraux depuis l'orbite vers la Terre compte tenu de la densité de l'atmosphère et de la gravitation terrestre. Selon les calculs de la NASA, cela coûterait plus cher que le vol jusqu'à l'astéroïde.

C'est pourquoi, tant que la Terre n'éprouvera pas de pénurie de ses propres ressources, l'exploitation industrielle de l'espace restera certainement un rêve. Il est possible de tracer un parallèle: dès que les prix du pétrole ont chuté de 110-120 dollars le baril à 50-60 dollars, la production de pétrole et de gaz difficiles d'accès, par exemple en Arctique ou dans les sables bitumeux au Canada, est devenue non rentable. De nombreux projets de ce genre sont simplement suspendus jusqu'à l'augmentation des cours pétroliers ou l'apparition de technologies rendant moins coûteuse la production de ressources.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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