Certes, Rich Meet Beautiful affiche aussi des promesses philanthropiques: «Vous avez besoin de conseils de pros pour construire votre carrière? Apprenez aux côtés de Sugardaddies/Mamas, ces personnes de succès qui ont de l'expérience à revendre». Mais ces nobles promesses peinent à convaincre du côté non vénal des relations proposées. «Profitez d'une liberté financière grâce à une relation consolidée ensemble,», affirme-t-il ainsi à l'intention des «Sugar Babies». L'entreprise norvégienne ne banalise-t-elle la prostitution en misant sur la misère des étudiants? Pour Florent Chapelle, porte-parole du syndicat Solidaires étudiants, c'est clair:
«Cette entreprise exploite la précarité des étudiantes, puisque c'est la raison majeure pour laquelle les étudiantes en viennent à se prostituer (…) Et banalise l'activité ouvertement. Cela met les plus précaires, les plus fragilisées, à la portée des classes les plus riches et les plus aisées.»
Et la polémique enfle autour du site de rencontres, du syndicat étudiant Fage, qui a annoncé avoir porté plainte pour «proxénétisme», à la mairie de Paris, qui a saisi la justice pour demander des poursuites contre le site et sa publicité mobile. Pour sa part, Marlène Schiappa, secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, se demandait s'il s'agissait «de rencontres consenties ou est-ce qu'il s'agit de proxénétisme et d'une forme d'incitation à la prostitution qui pourrait tomber sous le coup de la loi?»
Il faut dire que le sujet de la prostitution estudiantine est préoccupant, car comme le concède Florent Chapelle «on sait que c'est très répandu, parce qu'un grand nombre d'étudiants vient nous voir.» Cependant, l'ampleur du phénomène s'avère difficile à mesurer puisque selon le porte-parole «l'État focalise son action sur la répression plutôt que l'information et sur les études sur la question.»
Outre les questions éthiques, l'apparition de site comme Rich Meet Beautiful soulève la problématique de l'ubérisation de la prostitution et de ses conséquences.
«Il y a les mêmes défauts. En plus d'exercer son activité dans une zone grise sur laquelle les étudiants ne sont pas assez informés, il n'y a pas de pôle d'information, de pôle d'accueil notamment sur toutes les violences faites aux femmes dans les universités, sur le harcèlement, sur la contraception, sur les risques de contamination. Et pourtant, une entreprise, sans que ça pose de problème, peut ubériser ce type d'activité», analyse Florent Chapelle.
«Nous considérons que les étudiants ne devraient pas avoir à exercer d'activité rémunératrice dans le but de devoir payer leurs études (…) La racine du problème c'est la précarité,» conclut Florent Chapelle.