A quoi ressemblera le futur avion d'assaut russe

© Sputnik . Vladimir SergeevUn chasseur Su-34
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Les militaires russes considèrent le chasseur-bombardier Su-34 comme un remplaçant du bombardier Su-24 mais également de l'avion d'assaut Su-25, a déclaré Viktor Bondarev, président de la commission du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe) pour la défense et la sécurité.

Ce n'est pas la première fois que Viktor Bondarev annonce qu'un avion d'attaque au sol sera conçu sur la base du chasseur-bombardier Su-34. En 2016, alors qu'il était encore commandant de l'armée de l'air, il avait déjà déclaré qu'il était prévu de créer à partir du futur Su-34 une gamme de différents modèles. Selon Zvezda.

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«Je pense qu'il faut tout de même concevoir le nouvel avion d'assaut sur la base du Su-34. Un excellent appareil. Manœuvrable, huit tonnes de charge opérationnelle utile contre quatre tonnes pour les Su-25, d'excellentes caractéristiques de précision. […] Je pense qu'il sera plus simple et plus rapide de concevoir une cabine pour un seul pilote en laissant tout le reste tel quel», a déclaré Viktor Bondarev.

Ce dernier a également noté que les avions d'assaut Su-25 disposaient d'un important potentiel de modernisation et de maintenance, et qu'ils pourraient être exploités pendant encore 10-15 ans. Avant tout, ce délai s'explique par la durée de l'entretien de la cellule de l'avion.

Cherchen et Yak-130

Le travail sur les plans du nouvel avion d'attaque au sol russe a commencé il y a quelques années. Le programme d'armement d'ici 2020 inclut notamment des travaux de recherche et développement sur un projet portant le nom de code Cherchen-EP, qu'il était prévu de construire sur la base du Su-25. L'appareil devait recevoir des moteurs R-195 et de nouveaux équipements de bord électroniques. Toutefois, en début d'année, le ministre russe de l'Industrie et du Commerce Denis Mantourov avait déclaré que l'avion d'assaut pourrait être remplacé par l'avion d'entraînement et de combat Yak-130.

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Rien d'étonnant à cette différence de positions quant à la conception du futur avion d'assaut russe: premièrement, c'est ainsi qu'on trouve toujours la solution optimale et, deuxièmement, les débats n'ont pas lieu sur un appareil concret mais sur sa place sur le champ de bataille dans les conflits du futur. Pour le comprendre, il faut revenir à l'histoire de l'aviation d'assaut russe.

Un avion «en béton armé»

L'histoire militaire russe a déjà connu un épisode pendant lequel l'avenir de tout le pays a dépendu de l'aviation d'assaut. L'avion Il-2, ou comme l'appelaient les Allemands «l'avion en béton armé», avait été conçu pour soutenir directement les troupes sur le champ de bataille. Pendant la Grande Guerre patriotique, les cibles au sol étaient attaquées non seulement par les avions d'assaut, mais également par les pilotes des chasseurs. Au début de la guerre, à cause du manque de matériel approprié, même les Il-4 étaient utilisés à ces fins — ce qui entraînait donc d'immenses pertes.

La principale différence entre l'Il-2 d'autres appareils est qu'il a été initialement conçu comme un avion d'attaque au sol: le blindage, faisant partie de sa structure, protégeait des balles et embarquait aussi la charge utile. Alors que toutes les tentatives allemandes de créer un analogue de l'appareil soviétique ont échoué. Ce dernier est devenu l'avion le plus construit de toute l'histoire de l'aviation: au total près de 36.000 appareils qui ont significativement influencé l'issue de la guerre. Les modifications de cet appareil ont été utilisées dans certains pays jusqu'en 1954, mais après la guerre, en URSS, toute l'aviation d'assaut a été retirée du service.

Ilouchine vs Soukhoï

L'aviation d'assaut a été dissoute par ordre du ministère de la Défense de l'URSS le 20 avril 1956 suite à l'apparition de l'arme nucléaire tactique qui a poussé à voir les tâches de l'armée de l'air au-dessus du champ de bataille sous un autre angle: en cas de guerre nucléaire, les avions d'attaque au sol paraissaient inutiles. De plus, le commandement était convaincu qu'en cas de nécessité l'aviation d'assaut pourrait être remplacé par les chasseurs qui étaient déjà capables, à l'époque, d'embarquer un large éventail d'armements. Mais il s'est rapidement avéré que ce n'était pas le cas.

Au milieu des années 1960, les doctrines de l'URSS et des USA ont de nouveau changé en profondeur. Il est apparu qu'une guerre nucléaire d'envergure était peu probable et que des armements conventionnels seraient utilisés dans les conflits locaux. En 1967 ont été organisés les exercices Dniepr pendant lesquels les pilotes de chasse ont tenté d'éliminer des cibles au sol. Les résultats étaient surprenants: le chasseur MiG-17 s'est montré le plus efficace qui, grâce à sa manœuvrabilité, permettait aux pilotes d'identifier aisément les cibles et les éliminer. Les autres appareils rapides pouvaient difficilement atteindre leur cible à cause de leur vitesse élevée, ce qui a conduit à la conclusion que l'armée avait besoin d'un nouvel avion d'assaut: le Su-25, qui a été surnommé plus tard Gratch (freux), était le candidat idéal.

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Le développement du projet Su-25 a été lancé par les jeunes collaborateurs du bureau d'étude Souhkoï sans que les autorités ne soient au courant et bien avant que le ministère de la Défense de l'URSS n'annonce l'appel d'offres pour le nouvel avion d'attaque au sol. Cela a grandement contribué à la victoire du Su-25: il était le seul représenté au concours sous la forme d'une maquette en taille réelle, ce qui a évidemment influencé la décision de la commission.

Le bureau d'étude Ilouchine a présenté le projet d'avion d'assaut Il-102 qui était bien plus imposant que le Su-25: il pesait 13 tonnes contre 9 tonnes pour le Su-25, alors que la charge utile de l'Il-102 était proche de celle du Su-34 et s'élevait à 7.200 kg. Mais c'est le Soukhoï qui a été mis en service — et pas uniquement parce que le bureau d'étude avait présenté une maquette en taille réelle: le projet était plus proche des besoins des militaires que l'Il-102.

Né d'un débat

La dimension de l'appareil et son poids au décollage ont changé plusieurs fois en cours de développement: initialement, il était bien plus léger, et les militaires souhaitaient recevoir un appareil supersonique. Au final, l'avion est entré dans la production de série avec un poids de décollage normal de 14.600 kg, une vitesse maximale de 950 km/h et une charge opérationnelle maximale de 4.400 kg.

Le Su-25 était supposé accompagner l'armée en cas d'offensive ou de retraite, c'est pourquoi il est capable de décoller d'un terrain naturel et qu'en cas d'urgence il peut consommer de l'essence de voiture au lieu du kérosène. Tous les principaux éléments de l'avion sont blindés. Au départ, il était prévu de transporter dans les conteneurs spéciaux tout le nécessaire pour la maintenance de l'avion en campagne, dont un mécanicien du personnel de service terrestre.

Ces possibilités n'ont jamais été utilisées au long de sa longue histoire. Mais l'appareil s'est très bien comporté au combat, pour devenir une vraie légende.

L'avion embarque un large éventail d'armements, des missiles guidés et non guidés à son canon de 20 mm GCh-30-2 en passant par le système antichar Vikhr. L'avion a subi plusieurs modifications pour l'armée de l'air russe. La plus récente est la version Su-25SM3.

Les Su-25 en Syrie

Les débats sur l'inutilité de l'aviation d'assaut ont repris avec l'apparition de l'arme de haute précision. Pourquoi y avoir recours à partir du moment où l'on disposait de missiles de croisière capables d'abattre une cible à plusieurs milliers de kilomètres? Les partisans de cette idée se faisaient surtout entendre aux USA où le chasseur F-35 A-10 devait remplacer l'A-10 Thunderbolt. Cela s'explique par le fait que les développeurs du chasseur cherchaient par tous les moyens à amortir les sommes conséquentes investies dans ce projet. Mais en réalité, les avions d'assaut demeurent l'une des principales forces d'attaque sur un champ de bataille — et c'est valable aussi bien pour l'aviation russe qu'américaine.

Les avions d'attaque Su-25 représentent, avec les bombardiers tactiques Su-24, le noyau du détachement russe en Syrie. Les avions ont été utilisés efficacement pour détruire des postes de commandement, des entrepôts et des troupes terroristes. Les Su-25 se sont montrés particulièrement efficaces dans la destruction du matériel blindé des terroristes.

Au moins deux cas ont montré que ces avions étaient difficilement remplaçables. Ainsi, les avions d'assaut Su-25 ont apporté un soutien aérien pour débloquer une section de la police militaire russe dans la zone de désescalade d'Idleb en Syrie en frappant les positions des terroristes. Grâce à la réaction rapide et à la précision des frappes de l'aviation, les militaires russes ont été évacués de la zone encerclée. Dans le second cas, les avions d'attaque au sol ont couvert le déplacement des forces sur la route en direction de Deir ez-Zor, empêchant les terroristes de s'approcher du convoi.

«Quand il est question de conflits armés réels, il s'avère qu'un avion d'assaut blindé et bien protégé reste irremplaçable sur le champ de bataille malgré l'apparition de nouveaux armements. A terme, il est peu probable que la situation change», pense l'expert militaire Vladimir Karnozov.

Un remplaçant pour le Su-25

Le concept d'exploitation du Su-34 en tant qu'avion d'assaut revêt aussi bien des avantages que des inconvénients. Parmi les avantages: l'appareil est capable d'embarquer une importante charge opérationnelle par rapport au Su-25, les travaux de développement prendront peu de temps et nécessiteront relativement peu d'argent. Le principal inconvénient reste les dimensions de l'avion.

«La principale tâche de l'avion d'assaut consiste à frapper des cibles terrestres à une altitude relativement basse. A cette altitude, l'appareil peut être touché par les tirs d'infanterie. Donc plus la taille de l'appareil sera importante plus il sera facile de l'atteindre. De plus, la grande dimension et le poids au décollage peuvent faire augmenter le coût d'une heure de vol par rapport aux avions d'assaut plus légers», précise l'expert militaire Dmitri Drozdenko.

Selon une source de l'industrie de l'armement, les travaux de développement sur ce projet n'ont pas encore commencé et la question de la construction sur la base du Su-34 reste ouverte.

«Un avion d'assaut est un appareil conçu initialement pour remplir certaines tâches, et le construire à partir d'un Su-34 ou d'un Yak-130 est assez difficile. C'est pourquoi, d'après moi, il serait plus utile de poursuivre le travail sur le projet de Cherchen», pense Vladimir Karnozov.

D'après Viktor Bondarev, les travaux de conception d'un avion d'assaut à partir du Su-34 sont prévus pour 2018. C'est l'estimation de ces travaux et la simulation de l'efficacité de cet appareil sur le champ de bataille qui montreront si l'armée de l'air en a besoin.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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