Gérald Arboit: «Commando envoyé de Syrie? … On est dans la communication politique»

© REUTERS / Benoit Tessierattentats, Saint-Denis
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Deux ans après les attaques sanglantes de Paris et Saint-Denis, qui ont fait 130 morts, la France reste un objectif majeur pour Daech. Mais celui-ci a-t-il encore les moyens et l’envie de frapper depuis ces zones de combat, alors que le terrorisme domestique, «low-cost», fait presque autant de victimes que ses opérations de grande envergure?

«Depuis 2016, il n'y a pas eu de commando envoyé de Syrie, car c'est une opération qui prend du temps: envoyer des hommes, reconnaître les objectifs, préparer le matériel […] ils ont de moins en moins de troupes disponibles. Cette menace est à prendre au sérieux, c'est naturel. De là à en faire l'élément le plus préoccupant, là on est dans la communication politique»

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Deux ans après les attentats, la France rend hommage aux victimes du 13 novembre (vidéo)
En quelques mots, Gérald Arboit, spécialiste du renseignement, et directeur de recherche au sein du Centre français de recherches sur le renseignement, démonte la rhétorique gouvernementale. L'organisation terroriste État islamiste, défaite sur le terrain, serait-elle capable de frapper depuis l'Irak et la Syrie? La réponse est «oui», pour Laurent Nunez, patron de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, qui s'est confié au Figaro pour son premier grand entretien depuis sa nomination. Alors que la France commémore les attentats de Paris et Saint-Denis de 2015, elle reste un objectif majeur pour l'organisation terroriste.

Deux ans jour pour jour après le choc sanglant du 13 novembre, c'est donc la communication politique qui a pris le pas sur la réalité du terrain, selon Gérald Arboit. Car le patron de la Sécurité intérieure n'est pas le seul à pointer du doigt le danger venu de l'extérieur en ce jour de deuil et d'apaisement.

Le ministre de l'Intérieur de Gérard Collomb rappelle lui aussi dans le Journal du Dimanche que «Malgré les défaites de Daech en Syrie et Irak, il faut bien sûr rester vigilants face la capacité de nos ennemis à ordonner des attaques depuis les zones de combats». Une communication issue de l'ancienne présidence, où il était convenu d'insinuer que puisque «nous sommes en guerre donc Daesh, la menace ne peut venir que de Daesh». Or,

«Les gens reproduisent les attentats. On médiatise les attentats en disant Daesh est responsable. Quelques jours ou semaines plus tard, vous avez le même attentat qui se produit, mais avec les moyens du bord: regardez la série qu'on a eue avec les voitures, les camions, les couteaux… C'est par période, par médiatisation.»

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Les attaques dites «low cost», avec des voitures-bélier ou des outils rudimentaires, semblent donc se multiplier ces derniers mois. De fait, depuis début 2015 seulement, elles ont tué presque autant que les opérations de grande envergure: 102 morts dans des attentats «artisanaux» contre 141 pour des actions plus «professionnelles», comme celles du 13 novembre ou contre Charlie Hedbo. Même si le renseignement chiffre à 4.000 les «objectifs» qu'il suit et «qui sont intégrés dans le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste», les potentielles attaques low-cost ne sont qu'en deuxième place dans ses priorités: «le risque de passage à l'acte endogène est effectivement notre deuxième sujet de préoccupation», poursuit le patron de la DGSI.

«Ils sont plutôt on ground! C'est-à-dire qu'ils sont nés sur le terrain, et cela peut être n'importe qui, pour une raison X ou Y. Donc, c'est plus intéressant de maintenir cette idée la menace viendrait de l'extérieur que d'admettre qu'on a un problème à l'intérieur même de nos frontières. Et qui expliquerait, finalement, que la France est le seul pays européen à avoir un terrorisme lancinant depuis 2012».

À bout de souffle, «Daesh revendique tout est n'importe quoi, pour pouvoir faire du buzz, pour pouvoir continuer à essayer de survivre», commente Gérard Arboirt, qui rappelle que la relève est néanmoins assurée:

«Il ne faut pas oublier que l'EI n'existe quasiment plus, mais les sites qui ont repris le discours de l'EI continuent à exister sur Internet. Les tutoriels que Daesh a faits lors de sa splendeur médiatique sont toujours téléchargeables sur Internet.»

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Comme le souligne le patron de la DGSI, la radicalisation se passe aussi chez les militants politiques «des groupuscules d'extrême-droite peuvent se structurer pour constituer des milices, passer à l'action, notamment contre les musulmans». Un avis que partage Gérard Arboit:

«Une fois passée la fièvre commémorative, ça s'étiolera. D'autres groupes se lanceront dans le terrorisme. Regardez l'extrême-droite, l'extrême gauche, qui repointent le bout de leur nez»,

et qui aussi, peuvent rependre le mode d'action des terroristes islamistes, pour cacher leur motivation islamophobe.

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