Les USA, héritiers des pratiques soviétiques dans le domaine de la censure?

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Les autorités américaines semblent être inspirées des pratiques appliquées aux médias au temps de l'URSS. Tout comme c'était le cas en Union soviétique à l’époque, les États-Unis semblent tenter de barrer la route à l’opinion alternative.

Une campagne d'envergure se déroule aux États-Unis contre les médias russes. À la mi-novembre, la chaîne de télévision russe Russia Today (RT) a été obligée de s'enregistrer aux États-Unis en tant qu'agent étranger. Sa rédactrice en chef, Margarita Simonian, a comparé ce genre de mesures aux pratiques soviétiques. Sputnik a décidé de fouiller l'histoire de la censure en URSS afin de faire le point sur cette comparaison.

«Presse bourgeoise» vs «propagande russe»

La campagne contre les médias russes aux États-Unis a été lancée après la publication d'un rapport de la CIA sur l'ingérence présumée de la Russie dans les élections présidentielles américaines de 2016. Le rapport cite notamment Russia Today et Sputnik comme des instruments de la «machine de propagande russe». Selon le document, les émissions de RT visaient à «miner la confiance en le gouvernement des États-Unis et fomenter des protestations politiques».

«Nous estimons que la Russie se servira des leçons tirées de sa campagne contre l'élection présidentielle aux États-Unis pour influencer [la politique] aux États-Unis et partout dans le monde à l'avenir», indique la CIA.

Cette rhétorique des autorités américaines rappelle celle qu'employait le gouvernement soviétique. L'un des premiers décrets du gouvernement soviétique, en date du 10 novembre 1917, concernait en effet les médias étrangers:

«La presse bourgeoise est l'une des plus puissantes armes de la bourgeoisie».

 

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La menace de cette «arme» était d'autant plus élevée que «le nouveau pouvoir, celui des ouvriers et des paysans», était instable. Dans le même temps, le gouvernement soviétique envisageait l'introduction de la liberté d'expression «une fois que le nouvel ordre sera consolidé». En réalité, le contrôle administratif des médias a été maintenu pendant presque toute l'époque soviétique, empêchant les médias occidentaux d'atteindre le public de l'URSS.

Étouffer «les voix des ennemis»

Le gouvernement soviétique a ainsi mis en place un système de contrôle des médias pour ne pas permettre aux opinions contraires à l'idéologie officielle de l'État de pénétrer dans le pays. De nos jours, la peur de l'opinion alternative semble avoir saisi les autorités américaines, d'où leurs efforts d'imposer des restrictions sur les médias russes.

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À l'époque de la guerre froide, la radio était le seul moyen de communiquer des informations produites en Occident aux citoyens soviétiques, la presse écrite et la télévision étant sous le contrôle total du parti communiste. Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs pays occidentaux ont commencé à diffuser des émissions radios en russe. Les Britanniques y ont été les pionniers, en lançant en 1946 le BBC Russian Service (le Service russe de la BBC). Plus tard, des émissions en russe sont apparues sur la Voix de l'Amérique (1947), la radio italienne et celle du Vatican (1948), la radio canadienne (en 1950) et Deutsche Welle (1953). Radio Free Europe a vu le jour en 1953.

Les Soviétiques ont néanmoins trouvé un moyen de leur barrer la route: les émissions étrangères ont été brouillées. Vers le début des années 1960, environ 1.400 tours hertziennes dispersées sur le territoire de l'URSS servaient à interrompre les programmes radio occidentaux à l'aide de bruits monotones. Malgré ces efforts, «les voix des ennemis» (le surnom des radios étrangères) ont quand même réussi à atteindre 30 millions d'auditeurs en URSS.

Aujourd'hui, les médias russes gagnent du terrain en Occident, s'affirmant comme une source alternative d'information. Selon la société d'étude de marché Nielsen, RT a affiché la plus spectaculaire croissance d'audience aux États-Unis, parmi les médias étrangers. Le nombre de spectateurs de RT aux États-Unis a augmenté de 40% depuis 2012. D'après un rapport de la société française Ipsos, RT figurait en 2015 parmi les cinq chaînes les plus regardées en Europe et aux États-Unis. Une raison pour les gouvernements occidentaux de s'inquiéter et d'imposer des mesures restrictives, bien qu'elles soient contraires à l'un des droits fondamentaux de l'homme: celui de la liberté d'expression.

La liberté de la presse s'est-elle finalement instaurée après la guerre froide?

Ce n'est qu'à l'époque de Mikhaïl Gorbatchev que la censure en URSS sera relâchée. La «Glasnost» (transparence) est devenue l'un des piliers du renouvèlement de l'URSS, initié par le dernier secrétaire générale du parti communiste. M. Gorbatchev a été le premier leader soviétique à reconnaître l'existence de la censure en URSS dans une interview au journal français L'Humanité, en février 1986.

Dans son rapport lors de la 27e réunion du parti, le 26 février 1986, M. Gorbatchev a déclaré:

«La question principale pour nous, c'est l'extension de la glasnost. C'est une question politique. Sans glasnost, il n'y a pas, et il ne peut pas être question de démocratie, de créativité politique des masses, de leur participation à la gestion [de l'État]».

 

© Sputnik . Youri Abramotchkine / Accéder à la base multimédiaMikhaïl Gorbatchev
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Mikhaïl Gorbatchev

M. Gorbatchev a également entamé l'élaboration de la législation soviétique portant sur la presse. Un travail qui a été achevé en 1990 avec l'adoption de la première loi sur la presse, interdisant la censure. Sur cette base, les citoyens soviétiques ont eu accès aux médias étrangers.

Depuis, les médias occidentaux sont largement présents en Russie. Et aujourd'hui, c'est la présence des médias russes à l'étranger qui pose, semble-t-il, problème, alors que les accusations à leur égard manquent de preuves. Assisterait-on à l'apparition d'une nouvelle «machine» de censure dont le but est de faire barrage à l'opinion alternative?

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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