Jérusalem: Trump sème le vent, la France récolte la tempête?

© REUTERS / Kevin LamarqueDonald Trump
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Mercredi 6 décembre, Donald Trump a décidé de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, entraînant de très vives réactions de la communauté internationale. Cette annonce risque d’embraser le Moyen-Orient. Mais qu’en sera-t-il en France, où le conflit israélo-palestinien déchaîne les passions au point d’être parfois instrumentalisé?

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Le faux suspense est enfin levé. La décision américaine de reconnaître Jérusalem comme capitale de l'État hébreu, contestée au regard du droit international, a suscité des appels à la mobilisation en France, alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahou doit être reçu par Emmanuel Macron le 9 décembre. Nicolas Shahshahani, vice-président d'EuroPalestine, appelle à manifester:

«[Autant] pour dénoncer le coup de force relatif à Jérusalem que pour dénoncer la complicité de notre propre gouvernement, de notre propre président, avec M. Netanyahou, bourreau de la Palestine.»

Les violences en marge de manifestations pro-palestiennes, en juillet 2014, marquent encore les esprits: des affrontements avaient alors opposé des casseurs aux forces de l'ordre dans plusieurs rues de la capitale, lors d'une manifestation en soutien aux populations de Gaza, interdite par les autorités. Relativisant les risques d'embrasement en France, Nicolas Shahshahani estime surtout que la pression passera par le boycott:

«C'est ce qu'on essaie de faire ici, en France, avec les armes qui sont les nôtres, non-violentes: en particulier, le développement de la campagne de boycott, des investissements et sanctions contre cet État, véritable régime d'apartheid.»

Pierre Stambul, membre du bureau national de l'Union Juive Française pour la Paix, rejoint Nicolas Shahshahani sur la marche à suivre:

«Il ne faut pas oublier qu'Israël fait 60% de son commerce avec l'UE. Il n'y a qu'une seule solution face à des brigands, c'est de les sanctionner. Pourquoi nous, à l'UJFP, nous sommes à fond pour le boycott des investissements-sanctions? Parce qu'aujourd'hui, cette arme citoyenne, c'est l'argument numéro 1 pour arrêter une politique criminelle.»

Emmanuel Macron a immédiatement qualifié la décision du Président américain de «regrettable» et a appelé à «éviter à tout prix les violences». Lors d'une conférence de presse à Alger, où il s'est rendu le 6 décembre, Emmanuel Macron a répété «l'attachement de la France et de l'Europe à la solution de deux États, Israël et la Palestine vivant côte à côte en paix et en sécurité dans des frontières internationalement reconnues, avec Jérusalem comme capitale des deux États». Et d'appeler à éviter «à tout prix les violences et privilégier le dialogue».

Pourtant, sa marge de manœuvre est faible, estime Pierre Stambul, laissant reposer ses espoirs sur l'Europe:

«L'Europe est sans aucun doute la seule qui aurait les moyens aujourd'hui de dire non à cette politique, mais il faut qu'elle comprenne. Jusqu'à présent, ses intérêts vont du côté de Trump et de Netanyahou hélas!, rappelant néanmoins qu'il y a quelque temps, Netanyahou a fait détruire des préfabriqués, payés par l'UE, pour des Bédouins de la vallée du Jourdain. Il y a eu des vagues protestations, ils ont demandé à Israël de payer, Israël s'en fout, et il n'y a aucune espèce de réaction.»

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Cette décision, a aussitôt été suivie de menace d'Intifada de la part du Hamas, risque de mettre le feu aux poudres, dans une région déjà embrasée. Une «espèce de déclaration de guerre au monde entier», d'après Pierre Stambul, pour qui «on se moque totalement qu'il y ait des instances internationales»:

«Trump dispose de la force, il croit être le maître du monde, il procède par la violence, il procède par le fait accompli permanent, par le franchissement des lignes, il dit haut et fort le droit international je m'en fous, c'est moi qui décide.»

Pour autant, le président américain ne fait que respecter un engagement de campagne. C'est ce que rappelle Gilles-William Goldnadel, avocat franco-israélien, essayiste et militant associatif qui voit dans cette décision américaine une logique implacable:

«Je ne suis pas étonné. Cela faisait partie des promesses électorales de Donald Trump, qui met un point d'honneur à respecter sa parole. Cela n'est jamais qu'enfin, l'entérinement d'une vieille loi adoptée il y a des années par le Congrès américain [le Jerusalem Ambassy Act de 1995, ndlr], qui n'avait jamais été respectée pour des raisons de pusillanimité politique.»

Reconnaissant que la situation n'est pas «idéale», et que les voix du monde arabe et arabo-musulman peuvent exprimer leur «indignation», Gilles-William Goldnadel ne considère pas, même s'il existe un risque d'embrasement, qu'il faille ne rien faire:

«Anticiper la réaction arabo-musulmane, qui est de mettre le feu aux poudres, vous vous condamnez à accepter finalement leurs oukases. […] C'est toujours pareil, la politique, monsieur. La politique, vous pouvez aussi décider en anticipant les problèmes, les pressions et les intimidations de ne rien faire.»

Il semble donc penser que le jeu en vaut la chandelle, malgré les risques de débordements et de vives réactions en France, qu'il n'écarte évidemment pas. Mais il considère que la situation ne sera pas vraiment modifiée par cette annonce:

«En France, il peut y avoir des manifestations, très bien! Bien sûr qu'il va y avoir des manifestations! Et alors? Cela va changer quoi à la situation déjà extrêmement dangereuse, notamment pour la communauté juive sur le terrain? Cela ne changera rien!

[…] Comment voulez-vous que j'écarte la possibilité qu'il puisse y avoir des attentats, des manifestations, bien sûr que cela peut arriver.»

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Cette vision semble être aussi partagée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), qui salue la décision de Donald Trump et adresse un message explicite au Président de la République:

«[Le CRIF] appelle le président Emmanuel Macron à engager notre pays dans la même démarche courageuse».

Cette réaction ne semble ne pas enchanter Pierre Straboul, qui rappelons-le, est membre du bureau national de l'Union Juive Française pour la Paix. Il y voit un danger certain, notamment pour la population que son association représente aussi en France:

«Le CRIF ne représente absolument pas les juifs de France. […] Non seulement, il mène une politique qui est catastrophique pour les Palestiniens mais qui est aussi suicidaire pour les juifs du monde entier. Donc effectivement le CRIF mène une politique qui, aujourd'hui, met en danger la société française dans sa cohésion.»

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