Quel bon vent a amené Boris Johnson en Russie?

© REUTERS / Anton VaganovBoris Johnson à Moscou
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Pour la première fois depuis cinq ans, le chef du Foreign office s’est rendu en visite à Moscou. Un déplacement sous tension, précédé par plusieurs déclarations hostiles faites depuis Londres, qui n'en demeure pas moins une tentative de tâter le terrain. Que cherche Boris Johnson dans la capitale russe? Sputnik apporte des éléments de réponse.

Il faisait déjà sombre hier soir lorsque l'avion de Boris Johnson a atterri à Moscou. Premier ministre britannique sur le sol russe depuis plus de cinq ans, le chef du Foreign Office a retrouvé vendredi son homologue Sergueï Lavrov au cours d'une rencontre marquée par une ambiance aussi froide que la température dans la capitale russe.

Une visite pas tellement souhaitée

Évoquée en septembre 2016 par la Première ministre Theresa May et le Président Vladimir Poutine en Chine, la visite de Boris Johnson n'a en effet eu lieu que quinze mois plus tard, ayant à deux reprises été annulée par Londres.

Pour comprendre le contexte de ce rendez-vous, il suffit d'écouter Boris Johnson s'exprimer en amont de son déplacement. Dressant la semaine dernière un parallèle entre la Russie et la cité antique de Sparte, «fermée, vilaine, militariste», le chef de la diplomatie britannique a accusé Moscou de se montrer «hostile» face au Royaume-Uni, selon un entretien accordé au Sunday Times. La Russie a de son côté nié toute «hostilité», rappelant au passage que les guerres entre Athènes et Sparte n'ont fait qu'affaiblir la Grèce, occasion saisie par les Perses et les Macédoniens pour l'attaquer.

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Le ministre a en outre reçu à la mi-décembre toute une série d'avertissements émis par son adversaire travailliste Chris Bryant et qui concernaient les mesures de sécurité à respecter, une fois la frontière russe franchie. Il s'est vu ainsi conseiller de laisser à Londres son portable ou tout autre gadget ayant accès à internet pour échapper à une mise à l'écoute, de faire attention à la nourriture pour ne pas être «empoisonné» et d'éviter de prendre seul l'ascenseur.

On ignore si Boris Johnson a suivi ces conseils, mais force est de constater que la perspective de faire un effort pour relancer une relation mal-en-point ne séduisait pas tellement le chef du Foreign Office. Encore en octobre, évoquant précisément l'État russe, ce dernier avait martelé: «Le Royaume-Uni ne pourrait pas avoir de relations normales avec ce pays.» Et de répéter mercredi 20 décembre auprès de l'Agence Polonaise de Presse qu'il «ne croyait pas à la perspective de relancer les relations avec la Russie».

Or, une petite remarque faite lors cette même intervention en octobre laissait tout de même entendre que la porte n'était pas définitivement fermée: «Nous réalisons l'importance de maintenir un dialogue avec ce pays», ajoutait Boris Johnson sous-entendant toujours la Russie.

Situation oblige

Armés des conseils de Chris Bryant et sérieux comme jamais, Boris Johnson est arrivé à Moscou, indiquant néanmoins qu'il ne fallait pas nourrir d'illusions concernant son rendez-vous avec Sergueï Lavrov. «Il n'est pas question de travailler "en mode normal", car il y a des obstacles sérieux dans nos relations, que nous devons évoquer ouvertement», a-t-il déclaré hier à RIA Novosti.

Or, le poids de ces contentieux et le froid général n'ont pas pu empêcher cette visite peu enthousiaste. La raison est simple: de l'autre côté de la balance se trouvait un dossier bien épais de problèmes que Londres aussi bien que Moscou sont intéressés à résoudre et dont font partie la Corée du Nord, l'Iran et encore la Syrie.

«Kim Jong-un pourrait posséder un missile capable d'atteindre non seulement New York et Londres, mais aussi Moscou», s'inquiétait hier à Moscou Boris Johnson, ajoutant que Pyongyang pouvait réaliser son objectif d'ici six à 18 mois.

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Quant à l'Iran, Londres affirme avoir «de nombreux intérêts communs» avec Moscou. Tous deux signataires de l'accord sur le nucléaire iranien, aux côtés de la Chine, la France, les États-Unis et l'Allemagne, la Russie et le Royaume-Uni ne cachent pas leur préoccupation face au refus de Donald Trump de certifier en octobre le document historique conclu en 2015 pour garantir le caractère pacifique du programme nucléaire iranien contre une levée de sanctions.

L'autre sujet, la Syrie reste elle-aussi l'un des dossiers clé de la rencontre. Si Daech a subi une défaite, le sort ultérieur de ce pays et notamment la possibilité du règlement politique attisent les différends. Concernant Bachar el-Assad, Boris Johnson affirmait début janvier que de nouvelles élections en Syrie «sous la supervision de l'Onu» pourraient constituer «une manière d'avancer».

Le ministre, qui répondait alors affirmativement à la question de savoir si cela signifiait qu'Assad pourrait se représenter, est resté évasif à ce sujet. «De nombreux civils meurent toujours, Assad reste toujours responsable d'un grand nombre de morts, et nous devons discuter de la direction dans laquelle avancer», a indiqué hier Boris Johnson. «Le monde a considérablement évolué depuis que nos pays ont élaboré leur stratégie à l'égard de la crise en Syrie», a-t-il poursuivi.

Échange de piques

La conférence de presse à l'issue des négociations de ce vendredi a servi de terrain pour un bref échange de piques entre Boris Johnson et Sergueï Lavrov. Motif? La présumé ingérence russe dans la politique intérieure des pays étrangers, dont Londres accuse régulièrement Moscou et qui constitue à côté de l'Ukraine et de la Syrie constitue l'une des sources de divergences entre les deux capitales.  Renvoyant la balle à Boris Johnson qui n'a pas manqué l'occasion de déclarer depuis la capitale russe que «personne dans le monde ne croyait» la Russie lorsque cette dernière rejetait les accusations d'ingérence, Sergueï Lavrov a rétorqué: «Vous entendez sans doute la communauté occidentale par le monde?» Et de poursuivre: «Même au sein de la communauté occidentale, il y a pas mal de responsables qui ont un esprit clair. Notamment mon voisin, Boris Johnson, qui a récemment déclaré ne pas avoir de preuves susceptibles de confirmer l'ingérence russe dans le référendum sur le Brexit». 

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En effet, pas plus tard qu'hier, le chef du Foreign Office avait annoncé dans une interview à RIA Novosti que Londres «ne possédait pas d'informations sur une intervention réussie dans les procédures démocratiques au Royaume-Uni», évoquant à cet égard le Brexit qui a mené l'ancien maire de Londres Boris Johnson à la tête de la diplomatie de son pays, et la campagne pour les élections législatives britanniques.

Si les contentieux entre la Russie et le Royaume-Uni restent lourds, force est de constater que le contexte international a considérablement évolué depuis la visite de Philip Hammond, prédécesseur de Boris Johnson. Le Brexit ne semble pas influencer la ligne de Londres face à Moscou, mais la menace nord-coréenne, l'arrivée au pouvoir de Donald Trump et les progrès obtenus en Syrie poussent les deux pays à dialoguer pour trouver des points communs. 

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