Enquête sur l’islamophobie: la Turquie solidaire, protectrice ou provocatrice?

© Sputnik . Andrei Stenine / Accéder à la base multimédiaАнтиправительственные выступления против исламизации Турции
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Le Parlement turc ouvre une enquête sur l’islamophobie en Europe! La presse autrichienne et belge ont repris l’information, à la différence des médias français. La démarche est pourtant lourde d’enjeux. Qu’en pensent les musulmans français? Réaction d’Ahmet Ogras, président du CFCM et de Camel Bechikh, porte-parole de l’association Fils de France.

La Turquie veut-elle se poser en défenseur des musulmans en Europe? En marge du déplacement de Recep Tayyip Erdogan en France, le Parlement turc décide en effet d'enquêter sur l'islamophobie dans certains pays européens, l'Autriche, l'Allemagne, la Belgique et la France pour ne pas les citer.

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Le prétexte à cette enquête est clairement établi: le parlement turc l'a décidée après le déclenchement d'une polémique en Autriche lors des premiers jours de l'année. En effet, une photo dévoilant la première naissance autrichienne de l'année 2018, montrant la mère portant un foulard islamique avait suscité de nombreux commentaires violents de la part des internautes. L'étude des commentaires n'a pu être réalisée, la photo ayant été supprimée de Facebook.

Reste à savoir comment la Turquie compte exploiter les résultats de cette enquête et quel effet elle cherche à atteindre en la lançant: annonce-t-elle une future ingérence de la Turquie dans les États visés ou s'agit-il d'une simple prise d'information sur l'islamophobie?

«Chaque acte antisémite est un acte antimusulman et chaque acte antimusulman est un acte antisémite. Mais aujourd'hui, les musulmans en Europe, comme ils ont moins d'influence et ils sont moins structurés, ce sont des proies faciles, donc c'est plus facile aujourd'hui de taper sur un musulman que sur un juif.»

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Ahmet Ogras, Président du Conseil français du culte musulman n'hésite pas à faire un parallèle avec la communauté juive, un élément de discours qu'il reprendra abondamment lors de son interview, laissant penser qu'il s'agit pour lui de s'inscrire dans une posture victimaire et d'assimiler le sort des musulmans à celui des juifs.

Se «félicitant» de cette enquête, une «une première» selon lui, le président associatif franco-turc tente aussi la comparaison avec les chrétiens:

«Cela nous rappelle la philosophie des chrétiens d'Orient. C'est-à-dire que les musulmans sont traités comme une minorité au sein de l'Europe. Et quand on se remémore l'histoire, on se rappelle que les juifs étaient visés de la même sorte que les musulmans sont visés.»

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Une comparaison osée, tant il est vrai que les chrétiens d'Orient, notamment ces dernières années, ont été massacrés au Proche et au Moyen-Orient, tandis que les victimes d'islamophobie en Europe subissent surtout des violences verbales.

Camel Bechikh, fondateur et porte-parole de l'association Fils de France effectue aussi un parallèle afin de justifier cette enquête:

«En soit, il n'y a pas de problème majeur. Que la Turquie fasse une enquête sur l'islamophobie ou que le Vatican fasse une enquête sur la christianophobie dans les pays musulmans, à l'heure de la mondialisation, rien n'est choquant.»

Là encore, on pourrait rétorquer au porte-parole de l'association patriotique que la comparaison a des limites, notamment celle de la puissance et du pouvoir des deux acteurs étatiques pris en exemple. S'il explique que cette enquête n'est nullement un problème, Camel Bechikh considère que le pouvoir turc souhaite des informations sur l'islamophobie, mais ne devra pas tenter de faire de la récupération politique en se positionnant en tant que protecteur:

«Les musulmans de France ne sont protégés que par la Constitution, par le Parlement et par la Présidence. Nous avons des institutions en France qui permettent de par la Constitution, de protéger les minorités, quelles qu'elles soient.»

Et d'ajouter:

«Donc nous n'avons pas besoin, nous en tant que Français de confession musulmane, une protection extérieure, qu'elle soit turque, saoudienne ou algéro-marocaine, comme ces pays-là s'invitent bien souvent dans ce qu'on appelle le Conseil Français du Culte Musulman, qui n'est en fait qu'une excroissance des ambassades de ces pays.»

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Camel Bechikh estime que les puissances étrangères ne doivent pas protéger les minorités musulmanes, un rôle qui revient uniquement à l'État, en l'occurrence à l'État français pour les communautés musulmanes résidant en France. Et notre témoin considère que le pouvoir européen est le principal responsable de cette réaction turque:

«Non, je ne crois pas qu'il y ait une ingérence turque. Je crois qu'il y a la volonté turque, dans un refus perpétuel de l'Europe de l'intégrer comme un pays européen, de se reporter sur son identité musulmane plutôt qu'européenne et à ce titre-là, va déployer une solidarité à l'endroit des minorités musulmanes dans le monde.»

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Camel Bechikh justifie finalement que le pays d'origine de ces communautés musulmanes réagisse parce que ces citoyens sont nombreux à être binationaux. Et dans ce cas précis, l'appartenance à une même religion en est une autre raison.

Enfin, le porte-parole de Fils de France juge que l'État a un rôle primordial à jouer dans le ressenti négatif envers l'islam et les musulmans partagé par un certain nombre d'Européens:

«Il faut bien distinguer l'islamophobie, qu'elle soit haine ou qu'elle soit peur, c'est vis-à-vis des élites. C'est comment est-ce que les élites médiatiques, politiques vont évoquer le fait musulman en France, en en parlant en termes de haine ou en termes de peur, puisqu'elles sont faiseuses d'opinion.»

Des propos qui font écho aux réactions récentes de Manuel Valls et à la polémique médiatique entre Charlie Hebdo et Edwy Plenel…

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