Relations sexuelles, sortez…juridiquement couvert

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Des Néerlandais souhaitent lancer l’application LegalFling qui permettra à deux personnes de consentir mutuellement à un acte sexuel, mais également d’en définir ses modalités, le tout en utilisant la technologie BlockChain. Le consentement sexuel version Meilleur des Mondes est arrivé.

Imaginez-vous la scène. Vous êtes au restaurant en galante compagnie, la soirée se déroule parfaitement bien, la personne en face de vous est sensible à votre humour, le feeling passe de mieux en mieux. De fil en aiguille, vous décidez d'aller prendre LE fameux dernier verre. Et puis, au moment fatidique, vous devez préparer un contrat, définir les préférences sexuelles de chacun et ensuite le parapher afin de graver dans le marbre votre consentement.

Cela vous rappelle un sketch connu? «Aux USA, pour la drague, parfait! Il suffit que ton avocat se mette d'accord avec l'avocat de la jeune femme…», c'est pourtant près de devenir une réalité grâce à des Néerlandais. En effet, les concepteurs de LegalFling souhaitent créer une application qui permet de consentir mutuellement à une relation sexuelle, le tout d'un seul clic. Exit les contrats papier désuets, LegalFling utilisera les contrats intelligents ou «Smart Contracts», qui s'appuient sur la technologie Blockchain, la même qui sécurise les cryptomonnaies comme le Bicoin, afin de rendre infalsifiables leurs termes et les conditions de leur exécution, comme l'expliquent ses concepteurs:

«LegalFling crée un accord juridiquement contraignant, ce qui veut dire que toute infraction est une violation du contrat. En utilisant le protocole LiveContracts, votre accord privé est vérifiable grâce à la blockchain, et exécutable en un seul clic.»

LegalFling espère donc protéger ses utilisateurs, car pour ses développeurs, «le sexe devrait être amusant et sûr, mais de nos jours beaucoup de choses peuvent mal tourner. Pensez aux vidéos non désirées, à l'omission d'informations liées aux MST et à la reconstitution offensante de scènes pornographiques. Alors que vous êtes protégé par la loi, il est pratiquement impossible de contester une infraction devant un tribunal…»

Un bel argumentaire qui laisse néanmoins de côté tout ce qui se passe avant la signature du fameux contrat: que se passerait-il par exemple si un violeur forçait sa victime à apposer sa signature dans LegalFling pour se protéger d'éventuelles poursuites judiciaires? Plus prosaïquement, pas sûr que l'application protège quiconque sous l'emprise de drogue ou d'alcool d'une relation non consentie…

Véronique Le Goaziou, chercheuse associée au LAMES, concède néanmoins à Sputnik que cette application «pourra donner les éléments permettant de l'établir [le consentement sexuel, ndlr] plus ou moins, en cas de litige, de conflit et a fortiori en cas de présentation devant la justice. À condition que les systèmes judiciaires veuillent bien tenir compte de ce type d'application. Cela pourra éventuellement guider le jugement […] ça sera un élément qui pourra entrer dans la matière du débat.»

En outre, l'application permettra de définir également les modalités de l'acte en précisant notamment les préférences des deux protagonistes, que ce soit pour une relation d'un soir ou pour une relation longue durée. Donner un cadre juridique non seulement au consentement sexuel, mais aussi au déroulé d'une relation intime, voilà qui interroge non seulement sur l'évolution de notre relation à autrui, mais aussi sur celle de notre société.

«Ce qui serait intéressant, c'est de savoir si cela pourrait devenir un outil d'expression de codage ou du cadrage du désir. De nombreuses personnes disent que nous devrions aller vers cela. Certains craignent, d'autres espèrent que l'on puisse inventorier la grammaire de son désir en amont du désir» explique Véronique Le Goaziou.

Selon Véronique Le Goaziou, «derrière cela, je sens très fortement, au fond, un rêve un peu vieux comme le monde qui est de pouvoir enfin cadrer et contrôler la sexualité, pour des motifs nobles d'ailleurs. Ce n'est pas forcément uniquement pour des velléités normatives ou régressives, de retour de l'ordre moral, comme on le dit souvent.»

Néanmoins, comme le note la chercheuse, «je pense que c'est vain, parce que ça ne marche pas comme ça, le sexe, ça ne marche pas que comme ça. Le sexe, l'amour et le désir bien évidemment sont en l'espèce, par définition, des manifestations de la vie humaine où des choses nous dépassent.»

«C'est bien parce que cela nous dépasse que nous sommes dans une époque où on voudrait essayer de trouver les bons cadres, les bonnes limitations, cette espèce de langage universel qui serait compris de tout le monde: si je te dis que je ne fais pas ça, tu dois le comprendre et tu dois le respecter.»

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