Le port du hidjab serait-il vraiment une prescription coranique?

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Depuis 2013, le 1er février est la journée du «hidjab». La question du port de ce vêtement n’est pas encore tranchée entre les tenants de la tradition musulmane et les réformateurs. Le penseur syrien Mohammed Shahrour, a un avis sur la question qui ne prend pas en compte la tradition du prophète.

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Aujourd'hui est la journée du «hidjab» (l'habit traditionnel des femmes musulmanes). Cette journée soulève une fois encore la question du statut de la femme dans l'Islam, l'un des sujets les plus sensibles et les plus débattus entre les tenants de la tradition musulmane et ceux qui cherchent à la réformer pour la rendre plus libertaire. L'une des questions les plus épineuses de ce débat est effectivement la tenue vestimentaire. Les femmes doivent-elles se couvrir du «hidjab», voile dissimulant leurs cheveux, ou encore cacher leur visage (comme dans certains pays musulmans, dont l'Arabie saoudite ou l'Afghanistan) suivant ce que l'on considère comme des «prescriptions» islamiques, ou au contraire s'émanciper en s'habillant d'une façon moderne, à l'occidentale, selon l'avis des réformateurs?

«Le "hidjab" n'est pas une prescription coranique, donc ne peut pas être considérée comme islamique». C'est la réponse que donne le célèbre et controversé penseur syrien, Mohammad Dhib Shahrour, à la question du «hidjab». Son avis est original parce qu'il s'ouvre sur la modernité et l'universalité, non pas en s'appuyant sur les avis de ceux qui attaquent la tradition musulmane de l'extérieur et en se fondant sur les acquis de la vie moderne, mais en proposant une nouvelle lecture de la source qu'est le Coran. Alors que nous apprend-t-il?

Les principes de la lecture moderne du Shahrour

Dans son livre Le livre et le Coran, une lecture moderne, Mohammad Dhib Shahrour explique, dans son premier principe, que les versets du Coran se divisent en deux parties. La première est constituée de versets (Muhkamat), ceux qui énoncent les principes généraux, la deuxième contient des versets (Mufassalat), ceux qui expliquent et détaillent les premiers. Enoncé en termes modernes, cela peut être comparé aux lois et aux décrets exécutifs d'application. Cela amène le penseur à considérer que le Coran s'explique par lui-même et que dans la plupart des cas de jurisprudence, il n'y a pas besoin d'interprétation.

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Le deuxième principe sur lequel Shahrour fonde sa lecture est qu'il n'est possible de comprendre le sens des mots du Coran que si on les replace dans le contexte historique de sa révélation au Prophète. En plus, pour comprendre le sens d'un mot dans le Coran, il faut regarder tous les versets où il est utilisé, saisir son sens dans chaque verset séparément, afin d'en dégager le sens général par un effort de synthèse.

Le troisième principe qu'énonce l'auteur est que Mohammed, l'unique prophète de l'islam, a deux statuts dans le Coran. Celui du Messager, à qui les musulmans sont tenus d'obéir par ordre divin. Et celui du Prophète, dont l'action dans la vie sociale n'est pas d'inspiration divine, de laquelle on peut tirer des enseignements, sans lui attribuer aucun caractère obligatoire. En d'autres termes, contrairement à ce que pensent les traditionalistes, les actions du prophète Mohammed ne peuvent pas être considérées comme des sources de la législation parce qu'elles concernent uniquement son époque. Qu'en est-il alors du port du «hidjab» pour Mohammad Shahrour?

«Le "hidjab" n'est pas une prescription divine»

Le mot «hidjab» est cité dans huit versets du Coran, dont dans les trois suivants cités à titre d'exemple.

«Et entre les deux, il y aura un mur (en arabe "hidjab"), et, sur al-A'raf seront des gens qui reconnaîtront tout le monde par leurs traits caractéristiques…», verset 46 du chapitre al-A'raf (Les Murailles).

Dans ce premier verset, le mot «hidjab» est utilisé pour désigner un mur qui sépare les gens du paradis de ceux de l'enfer.

«… Et si vous leur demandez (aux femmes du Messager) quelque objet, demandez-le leur derrière un rideau (en arabe «hidjab»): c'est plus pur pour vos cœurs et leurs cœurs…», verset 53 du chapitre al-Ahzab (les Coalisés).

Le mot «hidjab», est utilisé dans ce verset pour désigner un rideau qui doit séparer les croyants et les femmes du Messager, quand ces derniers leur demandent quelque chose.

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«…Oui, je me suis complu à aimer les biens (de ce monde) au point [d'oublier] le rappel de mon Seigneur jusqu'à ce que [le soleil] se soit caché derrière son voile (en arabe «hidjab»)», verset 32 du chapitre SAD.

Dans ce dernier verset, le mot «hidjab» désigne le fait que le soleil n'est plus visible à l'œil nu.

Selon M.Shahrour, dans ces versets, comme dans ceux qui n'ont pas été cités, le mot «hidjab, est loin de désigner l'habit dont se vêtissent les femmes musulmanes.

En fait, selon l'auteur, il n'y a aucun verset dans le Coran qui demande explicitement aux femmes musulmanes de s'habiller avec le «hidjab», et  l'usage de cet habit est dû uniquement à une interprétation fausse du verset où Dieu demande aux femmes d'user de leurs foulards (ou voile) afin de cacher leurs poitrines, qu'elles exposaient d'une manière exagérée. Pour l'auteur, le foulard (ou voile) et la tunique étaient et sont toujours des habits traditionnels des peuples arabes et ne sont nullement une prescription divine. Dieu demande seulement à ce que femmes s'habillent d'une manière pudique parce que cela les protège des agressions qu'elles subissaient. Voici le verset en question.

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«Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur voile (foulard) sur leurs poitrines; et qu'elles ne montrent leurs atours qu'à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères,…», verset 31, chapitre Al-Nour (La lumière).

Donc il s'agit bien de cacher les poitrines et les atours avec les habits du moment, et il n'est nullement dit que la façon avec laquelle les femmes de l'Arabie s'habillaient devait se généraliser et devenir une règle vestimentaire inscrite dans la jurisprudence musulmane.

Grâce à ses écrits, Mohammad Shahrour est considéré comme un penseur révolutionnaire, il sillonne les pays arabes et l'Europe pour donner des conférences dans tous les pays où cette question est posée du fait d'une présence musulmane importante. Sera-t-il écouté? L'avenir nous le dira.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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