Où va le marché du pétrole?

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Pour la première fois depuis plus de trois ans, le prix du pétrole a dépassé les 65$ le baril (sur l’indice WTI) et les 70$ sur l’indice BRENT. Ces pics sont symboliques.

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Ils expriment la remontée constante du prix du pétrole que l'on observe depuis la conclusion des accords entre les pays de l'OPEP et les pays du groupe « non-OPEP » à la fin de 2016 (1). Ces accords, que l'on annonçait à l'époque fragiles se sont révélés stables. Ils ont conduit à une baisse significative des stocks de pétrole, baisse qui a son tour s'est traduite par une hausse du prix. Mais, cette évolution devrait être appelée à se stabiliser d'ici les 6 prochains mois. On doit ainsi prendre avec précautions les annonces faites par certains fonds d'investissement qui pensent que le pétrole pourrait atteindre ou dépasser les 80$ le baril. Il faut dès lors revenir sur l'historique de ce phénomène pour comprendre la nature des problèmes posés. Cette historique fait alors apparaître l'un des changements majeurs de ces dernières années: le rôle de pivot incontournable de ce marché occupé désormais par la Russie.

1. Spéculation, politique et surproduction: la baisse de 2014-2015

La chute de ces prix dans le cours de 2014 doit être expliquée. Si l'on prend l'indice BRENT, les prix, supérieurs à 100 dollars le baril jusqu'en juillet 2014, baissent rapidement jusqu'à 50 dollars de la fin juillet 2014 à janvier 2015. Après un rétablissement provisoirement autour de 60 dollars de janvier à mars 2015, ils replongent pour atteindre le point le plus bas (32,18 dollars le baril) en janvier 2016. Ils remonteront entre 40-45 dollars dans le cours de l'année puis, commenceront une phase haussière en 2017, à la suite des accords de réduction de production signés par les pays de l'OPEP et les pays du groupe « non-OPEP ». Cette phase haussière les a conduit de 45 dollars en juin 2017 à, aujourd'hui, environ 70 dollars, soit une hausse de plus de 55%.

Prix du pétrole, indice BRENT

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Quelles sont les causes de cette évolution?

1. L'offre de pétrole était largement supérieure à la demande depuis la fin de 2012. La période de prix élevés, induite par les conséquences à long terme de la crise financière de 2007-2009 avait poussé à une très forte croissance de l'exploitation du pétrole de schistes. Les prix élevés rendait la production retable, même pour de petites compagnies opérant dans des conditions d'exploitation que l'on peut qualifier de marginales.

2. Cette montée des Etats-Unis dans la production globale s'accompagnait d'une concurrence importante sur les marchés, dans la mesure où l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe maintenaient des niveaux de production élevés.

3. Le déséquilibre offre/demande, qui aurait dû provoquer une baisse des prix dès le début de 2013 était compensé par le stockage de quantités importantes de pétrole achetées par des sociétés financières qui l'utilisaient comme garantie dans le cadre d'emprunts. Ces achats ont artificiellement gonflés la demande. Tant que les prix étaient stables, voire à la hausse, ces sociétés financières avaient intérêt à ne pas revendre les quantités de pétrole qu'elles détenaient.

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Le tournant qui arrive en 2014 est essentiellement lié au déstockage par ces compagnies financières. Mais, le mouvement de baisse amorcé induit une spéculation à la baisse des prix. Ces compagnies financières, constatant que la baisse des prix se prolonge liquide brutalement les quantités qu'elles détiennent dans l'espoir de limiter la perte de valeur (par rapport aux emprunts souscrits). Cette liquidation accélère le déséquilibre offre/demande, et donc la baisse des prix.

Quant aux pays producteurs, et à l'Arabie Saoudite en particulier, ils accordent des « dessous de table » importants à leurs principaux clients pour limiter l'entrée sur le marché des producteurs américains. Le pétrole saoudien était ainsi vendu dans la réalité à des prix bien plus bas que les prix (eux-mêmes en baisse) auxquels le pétrole se négociait officiellement. La combinaison du retournement d'une spéculation purement financière et d'une concurrence importante où certains des acteurs cherchent à tout prix à maintenir leurs « parts de marché » explique tant l'ampleur de cette baisse (de 114 dollars le 20 juin 2014 à 32,18 dollars le 22 janvier 2015) que sa rapidité, voire sa violence.

2. La stabilisation et les bases des accords de la fin 2016

Ce processus a donc entraîné les acteurs bien au-delà de là où ils voulaient aller. La crise a été brutale chez les producteurs de pétrole de schistes et le nombre de têtes de puits installées s'est effondré dans le courant de l'année 2015. Certaines de ces compagnies ont été rachetées par des « grandes compagnies » dont les moyens techniques et financiers permettent d'extraire du pétrole de schistes pour des prix compris entre 40 et 55 dollars. Pour les « petites » compagnies le seuil de rentabilité est plutôt au-dessus de 70 dollars. On constate aujourd'hui que la nature de ce secteur a très largement changé par rapport à 2013/2014.

Les producteurs classiques ont aussi été confrontés à des problèmes importants. L'Arabie saoudite a ainsi beaucoup souffert de cette baisse. Par ailleurs, l'épuisement de certains des gisements traditionnels (d'où l'on extrayait le pétrole à des coûts compris entre 1,5 et 5 dollars) obligeait ce pays à des investissements importants. Aussi, l'Arabie saoudite a progressivement mis fin à sa politique des « rabais » et elle a aligné les prix réels sur les prix officiels. Globalement l'industrie pétrolière a été très durement touchée par l'effondrement des prix de 2014-2015 et les investissements ont chuté, ce qui devrait d'ailleurs se traduire, dans les années à venir par une production moindre en raison de la mise en service de moins de « nouveaux » champs tandis que les champs considérés comme « matures » vont voir leurs productions diminuer. Il faut comprendre que la mécanique des investissements joue sur le moyen et le log terme. La chute brutale des investissements en 2015 et 2016 aura des conséquences qui se feront sentir sur les niveaux de production au-delà de 2020.

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D'autres facteurs sont intervenus entre 2015 et 2016, comme les troubles politiques, que ce soit en Libye ou au Moyen-Orient, conduisant à une réduction de fait de l'offre. C'est ce qui explique la phase de stabilisation autour de 45 dollars le baril (en indice BRENT) que l'on avait observé dans la seconde moitié de 2015 et le début de 2016. Mais, cette phase de stabilisation n'était pas satisfaisante pour les producteurs. Ce qui a donné naissance aux accords qui furent conclus dans la seconde moitié de 2016.

Ces accords ont dépendu d'un accord politique entre la Russie (qui entraîne avec elle des pays du groupe dit « non-OPEP ») et l'Arabie saoudite. Quelles que soient les frictions qui existaient, et qui existent encore, entre ces deux pays, le réalisme a prévalu. Il est clair aussi que, dans la crise syrienne, l'intervention de la Russie a changé les rapports des forces. Cela a été noté dans les capitales des pays du Golfe, même si cela n'a pas été pleinement compris par les pays occidentaux. On peut ainsi estimer que même si la nécessité d'un accord pré-datait l'intervention russe, cette dernière a construit la crédibilité de Moscou. La détermination du gouvernement russe a été saluée d'une certaine manière par le resserrement des liens diplomatiques entre les pays du Golfe et la Russie. Le rôle des autorités russes dans la conclusion de l'accord et dans le calcul des quotas de production a été important, ce qui tranche avec les accords précédents où l'Arabie saoudite jouait un rôle central. Cet accord de réduction de la production apparaît donc comme à la fois une nécessité pour tous, et donc le résultat d'un réel consensus, mais aussi une victoire spécifique pour Vladimir Poutine qui a mis la Russie au centre des négociations pétrolières et qui a fait de son pays un partenaire absolument incontournable. Les liens de la Russie avec l'Iran et avec le Venezuela lui ont permis de constituer une masse de manœuvre qui a pesée dans les négociations. En un sens, c'est bien la Russie qui émerge comme puissance dominante de la crise du marché pétrolier de 2014 à 2016, alors que l'Arabie saoudite s'enferre dans un affrontement stérile avec l'Iran (affrontement où la Russie pourrait bien jouer les médiateurs) et dans des problèmes internes qui sont aujourd'hui croissants.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.


(1) Voir Sapir J., « Pétrole et diplomatie russe », billet posté sur RussEurope, le 13 décembre 2016, http://russeurope.hypotheses.org/5508

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