Communication ou journalisme? Pour Macron, la frontière est floue

© Sputnik . Alexey Vitvitsky / Accéder à la base multimédiaПрезидент Франции Эммануэль Макрон
Президент Франции Эммануэль Макрон - Sputnik Afrique
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Le coup de gueule d’une journaliste refoulée lors d’une visite du Premier ministre chez L’Oréal ranime le débat sur la stratégie de communication d’Emmanuel Macron. Efficace pour certains, dangereuse pour d’autres, le verrouillage de l’information et de ses relais inquiète.

«Matignon et le groupe L'Oréal verrouillent tout. Cela s'appelle de la communication, pas du journalisme.»

Dans une vidéo au vitriol, Marie Roussel, une journaliste de France 3, ne décolère pas. En effet, elle s'est vue refuser l'entrée lors d'un déplacement du Premier ministre le 17 février dernier, malgré une accréditation en bonne et due forme. Les cameramen qui l'accompagnaient ont été autorisés à suivre l'événement, mais, comme l'explique ironiquement la journaliste, dans les 45.000 m2 de l'usine, «il n'y avait de place ni pour [elle] ni pour [ses] questions».

​Une situation qui semble se répéter de plus en plus fréquemment depuis l'entrée d'Emmanuel Macron en politique. Durant la campagne présidentielle, le candidat En Marche! avait refusé à certains médias l'accès à son QG. Accusés d'être des «agences de propagandes d'État», Sputnik et RT avaient ainsi été refoulés au soir du premier tour. Depuis, nos confrères ont été refoulés à plusieurs reprises d'événements élyséens, en France et à l'étranger.

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Cette tendance à choisir parmi les journalistes les relais autorisés du message gouvernemental et de la «pensée complexe» du Président s'est même accentuée depuis l'élection d'Emmanuel Macron: l'appareil de La République En Marche semble avoir adopté une stratégie de contrôle strict sur la communication et l'image du pouvoir. Ainsi, Richard Ferrand, proche et soutien du Président, avait-il refusé de répondre aux questions du média Breizh-info, arguant que ces derniers adoptaient un ton «trop critique» envers le gouvernement dans leurs articles.

La communication de l'exécutif s'est verrouillée au point d'inquiéter très rapidement les principaux organes de presse du pays: le jeune chef de l'État s'était fait remarquer à l'occasion de son premier déplacement officiel.

Alors qu'il s'apprêtait à partir pour le Mali, Emmanuel Macron avait choisi ad hominem les journalistes désignés pour l'accompagner, ce qui avait engendré une levée de boucliers de l'ensemble des professionnels de la presse, qui avait répondu par une lettre ouverte au Président.

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S'il est effectivement normal qu'un nombre limité de journalistes puisse accompagner le Président lors de ses déplacements, les signataires de la lettre ont critiqué le fait que l'administration présidentielle leur impose un journaliste particulier. Ils ont également rappelé à Emmanuel Macron qu'aucun chef d'État avant lui n'avait tenté d'imposer le choix de tel ou tel journaliste à une rédaction, un choix qui relève exclusivement de la prérogative de cette dernière.

Dénonçant des méthodes qu'aucun Président n'avait employé «au nom de la liberté de la presse», les organes de presse signataires argumentaient que, dans un contexte où les fake news sont de plus en plus au cœur du débat, le fait de choisir les journalistes chargés de couvrir un événement «nuit à la démocratie» et alimente les soupçons de collusion entre l'exécutif et les médias.

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Lorsqu'il devient possible non seulement de ne pas se soumettre à la critique, mais surtout de choisir qui couvre l'actualité et ce que les médias ont le droit de voir et de relater, la liberté de la presse est clairement bafouée et cela devient dangereux.

Les mots de Franck Pavloff, dans une nouvelle décrivant l'installation insidieuse d'un État totalitaire au travers de mesures a priori sensées, justifiées, mais qui entravent les libertés, résonnent aujourd'hui encore de manière particulière:

«On aurait dû dire non. Résister davantage, mais comment? Ça va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent les bras pour être un peu tranquilles, non?» Franck Pavloff, Matins Bruns, 1998.

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