Syrie, les chancelleries occidentales jouent-elles aux «pompiers pyromanes»?

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Les Occidentaux crient au massacre en Syrie alors même qu’ils semblent redoubler d’efforts pour saboter les efforts de paix, comme le révèle un câble diplomatique britannique publié par L’Humanité-Dimanche. Retour sur un double jeu aux conséquences tragiques avec Richard Labévière.

«Contrebalancer l'activisme russe et redynamiser structurellement [le processus de, ndlr] Genève en recadrant les discussions sur la situation humanitaire, les prisonniers, etc.» Dès son sommaire, le ton est donné. Le document en question, que s'est procuré L'Humanité-Dimanche (HD), est ce fameux télégramme diplomatique (TD) britannique qu'évoquait dans nos colonnes Richard Labévière, depuis la conférence annuelle internationale de Munich sur la Sécurité.

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Il faut dire que le document en dit long sur l'état d'esprit des Occidentaux et de leurs alliés régionaux (États-Unis, Royaume-Uni, France, Arabie saoudite et Jordanie), qui se sont réunis à Washington le 11 janvier afin pour discuter de leur vision de la Syrie de demain. L'une des pistes évoquées n'est autre que de «créer les conditions et institutions qui permettraient des élections qu'Assad ne pourrait pas gagner». Des révélations sur lesquelles revient à notre micro le géopolitologue Richard Labévière, par ailleurs signataire de l'article paru dans L'Humanité-Dimanche.

«C'était tout le sens de ce télégramme, qui de toute façon indiquait que les US refusaient leur échec en Syrie et qu'ils continueront leur effort de guerre.»

Il faut dire que le document diplomatique britannique, comme le souligne l'«HD», indique clairement que «Washington rejette l'hypothèse d'un gouvernement de transition, tel que le prévoit la résolution 2254 [du Conseil de sécurité des Nations Unies, ndlr].»

«Quand les Américains avaient annoncé la création de leurs forces frontalières de supplétifs kurdes, c'était évidemment avant Sotchi pour appuyer sur le bouton rouge d'une nouvelle intervention turque, sachant que cette annonce provoquerait une nouvelle intervention turque et empêcherait ainsi les représentants kurdes de se rendre à Sotchi, ce qui avait pourtant été décidé avec l'aval des Turcs.»

Richard Labévière souligne ainsi une énième ambiguïté de la position de Washington vis-à-vis de ses alliés kurdes, en se référant à la création, annoncée le 14 janvier dernier, d'une force de «sécurité frontalière» forte de 30.000 hommes, constitués de Kurdes formés et encadrés par les forces américaines.

Résultat immédiat, Ankara avait vu rouge: une semaine plus tard, le 20 janvier, elle déclenchait l'opération «Rameau d'Olivier» et l'armée turque fondait sur le canton kurde d'Afrine, éliminant 1.873 «terroristes» en un mois, selon ses dires. Par ailleurs, la Turquie, pourtant partie prenante des négociations tripartites d'Astana pour la paix sur la Syrie, menaçait ouvertement Damas si les forces loyalistes prenaient parti pour les Kurdes.

Pour le géopolitologue, l'objectif est clairement d'«ajouter de nouvelles guerres à la guerre», qualifiant carrément les Occidentaux de «pompiers pyromanes.»

«Reprenez bien le calendrier qui est annoncé 10 jours avant la conférence de Sotchi. Pour saboter cette conférence, on ne s'y serait pas pris autrement. Voyez, ces faiseurs de guerre aujourd'hui venir pleurnicher et essayer de pousser une résolution humanitaire, c'est quand même assez paradoxal… cela relève d'un cynisme sans nom!»

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Hormis de «revigorer Genève pour que Sotchi devienne hors de propos»- conclusion de cette première réunion… unilatérale- figure également dans le document la suggestion de «créer les conditions et institutions qui permettraient des élections qu'Assad ne pourrait pas gagner». En attendant de réunir les conditions favorables à un «regime change», le câble diplomatique préconise de «continuer à dénoncer l'horrible situation humanitaire, ainsi que la complicité russe dans la campagne de bombardements de cibles civiles» et de «maintenir la pression sur la Russie» afin de la convaincre de «lâcher le régime». Tels sont deux des principaux points de ce TD de 5 pages soulignés par la rédaction de l' «HD». Le troisième n'est autre qu'une «vraie réaffirmation du leadership des États-Unis dans les coulisses».

Mais le document regorge d'informations sensibles, que les Occidentaux et leurs alliés régionaux auraient sans doute préféré garder sous le tapis. On apprend ainsi que les Saoudiens ont demandé de l'aide à leurs partenaires «afin de maintenir la cohésion» des «différents groupes d'opposition» ou que «la communication de l'opposition a été financée en premier lieu par le Royaume-Uni.»

«Washington ne veut plus d'une Syrie unitaire, mais veut déboucher sur un éclatement de ce pays qu'ils appellent pudiquement "la solution fédérale".»

Un agenda à l'encontre duquel Richard Labévière ne cache pas son indignation: une «grande farce», s'indigne-t-il, faisant le parallèle avec son pays d'origine:

«Il ne s'agit pas d'instaurer un modèle de la Confédération helvétique, d'un fédéralisme tranquille, mais tout simplement de fragmenter, de morceler ce pays.»

Le géopolitologue évoque ainsi les plans américains de subdiviser la Syrie existante comme suit: «deux émirats sunnites —un d'Alep, un de Damas- un micro-État druze sur le Golan et un réduit alaouite dans les montagnes au-dessus de Tartous et de Lattaquié.»

«On est bel et bien dans la confrontation géopolitique de deux cartographies qui sont absolument incompatibles et imparables. C'est quand même étonnant que ce soit la Russie, avec l'appui de la Chine —qui défende l'article 5 de la charte des Nations Unies sur la souveraineté nationale.»

En somme, «partition du pays, sabotage du processus de Sotchi, cadrage de la Turquie et instructions à l'ONU». Un faisceau d'éléments qui conforte le regard sévère de la rédaction de L'Humanité-Dimanche qui évoque, concernant les desseins des chancelleries occidentales, «un agenda sectaire de plus en plus difficile à dissimuler».

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En effet, force est de constater que depuis une semaine, la pression médiatique redouble à l'encontre de la Russie, autour des opérations militaires syriennes pour reprendre la Ghouta orientale, des quartiers dans la banlieue de Damas sous contrôle de la rébellion depuis plus de 5 ans. Ainsi, côté insurgé, 400 civils auraient ainsi été tués en moins d'une semaine dans les bombardements de l'armée loyaliste, d'après des chiffres de l'Observatoire Syrien des Droits de l'Homme (OSDH), basé à Londres.

Si personne ne nie le drame vécu par les populations civiles de la Ghouta orientale, Richard Labévière revient sur un fait passé sous silence dans les médias mainstream: ces populations sont prises en otage par les djihadistes.

«Quand ces corridors ont été mis en place en décembre 2016 à Alep, les civils qui empruntaient ces corridors étaient froidement abattus par les gens de Jabbat Al-Nosra. Là aussi le même scénario d'usage de civils comme bouclier humain se répète dans la Ghouta.»

Sur ce point comme sur d'autres, Richard Labévière, souligne que «personne ne dit que cette opération n'est pas meurtrière», mais il s'interroge sur le traitement médiatique partial de la guerre. Ainsi, pratiquement aucun écho n'est donné à la situation de la population de Damas.

«Les médias occidentaux ne relaient que les 400 civils de la Ghouta, selon l'OSDH, qui est une officine des Frères musulmans à Londres. Cela dit, ils parlent beaucoup moins des centaines d'obus de mortier qui pleuvent [sur Damas]. Il faut être un peu équitable.»

Pour le géopolitologue, on assiste bien à la «réactivation» de «vieilles machineries propagandistes», en l'occurrence celles observées lors de la reprise d'Alep, fin 2016. Il revient notamment sur des éléments de langage récurrents dans les médias occidentaux, mais qui ne devraient tromper personne, bon sens oblige.

«Sur le plan des termes, c'était tellement inversé, puisqu'on libérait Raqqa et Mossoul alors qu'Alep était assiégé par sa propre armée nationale. […] Vous avez même des pseudo-analystes, dans des journaux comme Libération, qui s'étonnent que l'armée gouvernementale syrienne cherche à reconquérir l'ensemble de son territoire national.»

Un nouvel Alep médiatique, un phénomène contre lequel il nous mettait déjà en garde, le 13 février, lors de la visite du vice-président des Casques blancs à l'Assemblée nationale.

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