Orlov: «Les gens sont fatigués de cette tension artificielle entre la France et la Russie»

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Dix mois après la rencontre à Versailles entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, le «Dialogue de Trianon» œuvre lentement, mais sûrement au renouveau des relations franco-russes. Entretien avec l’un de ses dirigeants, l’ambassadeur Alexandre Orlov, à l'occasion des premiers rendez-vous du Dialogue.

Les relations franco-russes ne sont pas au beau fixe. Pas un jour ne passe sans quelques propos désobligeants à l'encontre de la Russie dans les médias français. Pas plus tard qu'hier soir —le 13 mars, donc-, un documentaire d'Arte ciblait évidemment RT & Sputnik. Rien de très original jusque-là, alors contre mauvaise fortune, faisons bon cœur, car quelques bonnes nouvelles semblent poindre à l'horizon.

Et pour les aborder, nous recevons Alexandre Orlov. Ambassadeur de Russie en France pendant 10 ans, il est désormais Secrétaire général exécutif du Dialogue de Trianon. Car en mai 2017, Emmanuel Macron, à peine élu, recevait Vladimir Poutine à Versailles: «Nous avons partagé le souhait de créer un échange plus intense, plus transparent, entre nos sociétés civiles,» déclarait le Président de la République, tandis que son homologue russe répondait «nous sommes d'accord sur le besoin d'intensifier les échanges entre nos jeunesses».
Était donc lancé le «Dialogue de Trianon», véritable renouveau des relations interculturelles franco-russes. Dix mois plus tard, les premières initiatives apparaissent. Qu'en espérer? Vont-elles révolutionner les douloureuses/chaotiques/complexes relations franco-russes?

«J'ai assisté à cette rencontre [entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, ndlr] que j'ai préparée, j'étais encore Ambassadeur à cette époque. Je me souviens très bien de la proposition d'Emmanuel Macron, s'inspirant un peu de l'exemple du dialogue de Pétersbourg qui existe depuis plus de vingt ans avec l'Allemagne. Il a dit vouloir aussi créer un forum pour la société civile, pour inviter la population à participer de façon plus active à la construction d'une relation bilatérale.»

François Hollande Vs Emmanuel Macron?

«C'est un vrai pas en avant, de vraies relations de confiance. La confiance, ça se construit à travers les échanges, à tous les niveaux. Pendant longtemps, un certain défaut de nos relations bilatérales était qu'elles se développaient au niveau politique au plus haut niveau, mais la société civile ne suivait pas. C'est pour ça que nous devons donner à nos relations bilatérales une dimension plus large. C'est ça le sens profond de cette initiative qui été entreprise par nos deux Présidents.»

2 millions d'euros de budget

«Le Dialogue de Trianon est complètement biculturel: il y a deux coprésidents […] deux comités de coordination de quinze personnes de chaque côté, et deux secrétaires généraux exécutifs qui animent le travail de ces secrétariats —moi du côté russe et mon ami, le préfet Christian Leyrit. Nous travaillons vraiment dans une symbiose parfaite, on se voit souvent et on se téléphone souvent. Il y a vraiment la règle du consensus: tout ce que nous faisons, nous le faisons ensemble en tenant compte des intérêts et des propositions. […]

Chaque pays finance lui-même le fonctionnement de son secrétariat, ce sont des sommes plus ou moins comparables, puisque nous faisons la même chose. C'est de l'ordre de 2 millions d'euros, ce sont des frais de fonctionnement. Nous avons un programme très riche d'événements, nous faisons largement appel à des dons privés pour financer ces événements.

[…] La force du Dialogue de Trianon par rapport [aux autres organisations] est que nous avons l'appui de deux Présidents, ce qui nous donne des moyens supplémentaires, financiers, mais surtout administratifs, pour réaliser les projets. Nous allons rencontrer les deux Présidents à Saint-Pétersbourg, au mois de mai.»

Echanger sur «la ville du futur»

«Nous avons choisi "la ville du futur" [comme thème pour cette première année, ndlr]. On pourrait dire que la société civile est née dans les villes, au Moyen-âge. Le thème est la ville du futur sous tous ses aspects —pas seulement urbanistique, même si l'architecture prend une place importante-, mais aussi l'économie, la mobilité, l'école, la démocratie locale, la culture, l'éducation. […] Nous travaillons beaucoup avec la France pour la construction des villes en Russie. La société Arep a gagné le concours pour Skolkovo, un "cluster" technologique a la sortie de Moscou. Ce bureau participe à la rénovation du quartier Koulmiki,construit dans les années 60. Jean-Michel Wilmotte travaille beaucoup à Moscou. L'ancien ministre de la Ville Maurice Leroy est conseiller du maire de Moscou pour la construction du grand Moscou. Nous sommes deux peuples très créatifs, il y a toujours des idées intéressantes à emprunter l'un chez l'autre.»

L'Université au programme de l'année prochaine

«Je voudrais surtout développer les échanges scolaires: c'est à l'école que l'enfant se révèle au monde, c'est là qu'il doit avoir le premier intérêt pour tel ou tel pays, pour une langue étrangère. Il faut commencer à l'école primaire, CM1/CM2. Chaque année, il y a à peu près 800 élèves français qui vont à Moscou en échange scolaire. C'est déjà pas mal, mais on peut faire beaucoup plus. Je propose que sur cette plateforme numérique, la liste de toutes les écoles russes où on apprend le Français soit publiée [et réciproquement], pour qu'ils puissent choisir leur partenaire, et après à nous, dialogue de Trianon, d'aider à monter ces échanges.

Nous pensons que pour l'année 2019, le grand sujet sera l'université de demain, les échanges universitaires. Nous sommes en train de créer un réseau d'universités franco-russes, les liens entre universités avec des doubles diplômes, des échanges de professeurs. […] Nous allons présenter notre premier rapport d'activité et entendre les souhaits et propositions des présidents. Nous allons aussi effectuer enquêtes d'opinion pour voir un peu la perception des Français de la Russie, et de la France par les Russes, pour voir quelles lacunes combler. Hélas, les Français sont peu nombreux à aller en Russie pour connaître ce pays.»

La Russie exclue de l'Europe?

«La Russie fait partie de l'Europe, mais c'est [le fait que 65% des Français pensent que la Russie n'est pas européenne, ndlr] le résultat de cette campagne constante dans les médias français, qui veut mettre la Russie en dehors de l'Europe, et le manque d'informations sur la Russie dans les programmes scolaires. Tout ce qu'on apprend [aux jeunes, ndlr], c'est la révolution bolchevique et la Guerre froide. L'un des objectifs du Dialogue de Trianon, c'est justement de permettre à des Français et Russes à se réconcilier avec leur histoire réciproque, et voyager, découvrir nos deux pays. Se faire sa propre opinion sur ce pays.»

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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