Syrie: Paris soutient les Kurdes, Ankara s’enflamme à nouveau

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Pour la première fois depuis l’offensive sanglante des Turcs contre les Kurdes du Rojava, une délégation arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS) a été reçue par l’Élysée. La France ne prévoit pas d’opération en leur faveur et en même temps, la Turquie rejette sa proposition de médiation.

Non, la France ne s'engagera pas aux côtés des Kurdes au Nord de la Syrie. Une délégation du Rojava, zone kurde autonome autoproclamée en Syrie, a été reçue à l'Élysée le 29 mars. Contrairement aux propos de Asiya Abdellah, membre de la délégation arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), relayé dans Le Parisien, la France n'a jamais prévu de soutenir militairement les Kurdes, victimes de l'offensive turque.

«Je ne sais pas comment ça s'est passé, mais la France ne s'était pas engagée […] On ne pouvait pas imaginer que la France puisse envoyer ses troupes, en tant que France, dans cette région», estime Claire Renflicay, coprésidente de la Fédération des associations kurdes de France.

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Le lendemain, l'Élysée a minimisé ces allégations, déclarant que la lutte se fera contre l'État islamique et non contre la Turquie: «La France ne prévoit pas de nouvelle opération militaire sur le terrain dans le nord de la Syrie en dehors de la coalition internationale anti-Daech».

«L'Élysée reconnaît qu'il y a eu "un emballement" médiatique de la part de "certaines personnes" qui avaient intérêt à engager la France auprès des Kurdes», expliquait George Malbrunot, grand reporter au Figaro, dans un tweet, avant de poursuivre:

​Un emballement qui aura au moins eu le mérite d'attirer l'attention sur un massacre qui se déroule dans l'indifférence générale des chancelleries occidentales:

«Le fait que la délégation soit reçue par l'autorité la plus haute en France, c'est un message significatif. Ça dure depuis deux mois, le sentiment d'abandon des Kurdes dans la région est aussi défendu dans l'opinion publique française», poursuit Mme Renklicay. «Pour nous, c'est un point important.»

Cette première rencontre visait avant tout à exprimer le soutien de la France envers les Kurdes du nord de la Syrie:

«La France exprime le fait que les Kurdes du Rojava ont été depuis très de trois ans maintenant ceux qui se sont battus en tant que force de substitution face l'état islamique. Le fait qu'ils soient balayés d'Afrin par la Turquie n'est pas à prouver», commente Gérard Chaliand, géopoliticien français et spécialiste de l'étude des conflits armés.

Le chef de l'État «a rendu hommage aux sacrifices et au rôle déterminant des FDS dans la lutte contre Daech», selon un communiqué de l'Élysée, avant d'ajouter ne pas exclure «de reproportionner son intervention en Syrie (…) pour atteindre ses objectifs, uniquement dans le cadre de la coalition».

«La France espère, j'imagine, avoir l'appui d'autres États européens, dans la mesure où nous avons tous eu la même politique, avec le même contentement d'être défendus là-bas, et de façon indirecte ici», commente Gérard Chaliand.

Le géopoliticien est cosignataire d'une lettre ouverte, publiée dans Le Monde, qui s'indigne de la passivité de la France: «Est-il acceptable que nous soyons indifférents au sort de nos alliés kurdes, maintenant que nous croyons à tort ne plus avoir besoin d'eux?»

«Il n'y a pas eu de réaction significative de l'Europe», déplore également Mme Renklicay. «Dans la communauté, le sentiment d'abandon est très fort.»

Depuis le 20 janvier 2018, les populations civiles d'Afrin, au nord-ouest de la Syrie, sont victimes d'une offensive terrestre et aérienne de l'armée turque. Erdogan se justifie par la nécessité de protéger une frontière contre de prétendus terroristes. C'est la première fois depuis cette grave crise qu'une délégation de cette région est reçue en France:

«Quand les Kurdes se font attaquer par un allié qui est dans la coalition de lutte contre Daesh, les autres alliés qui les soutenaient n'ont fait aucun effort, aucun acte envers la Turquie, on se dit que la solidarité internationale est très faible.»

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La proximité des acteurs kurdes sur le terrain nord-syrien rend-elle la tâche plus compliquée pour Paris? Chassés d'Afrin par les Turcs, les YPG, branche syrienne du PKK selon la Turquie (parti des travailleurs du Kurdistan, reconnu comme terroriste par l'UE et Ankara), bras armé du FDS et soutenus par la coalition internationale, dont la France, dans la lutte contre Daesh, s'est pourtant vu traité de «potentiels terroristes»: dans une interview accordée au Figaro, publiée le 31 janvier, Emmanuel Macron déclarait: «S'il s'avérait que cette opération devait prendre un autre tour qu'une action pour lutter contre un potentiel terroriste menaçant la frontière turque et que c'était une opération d'invasion, à ce moment, cette opération nous pose un problème réel.»

à l'issue de leur rencontre, le Président «a par ailleurs rappelé l'engagement de la France contre le PKK et son attachement à la sécurité de la Turquie. Prenant acte de l'engagement des FDS à n'avoir aucun lien opérationnel avec ce groupe terroriste et à condamner tout acte à caractère terroriste d'où qu'il vienne, il a souhaité qu'un dialogue puisse s'établir entre les FDS et la Turquie avec l'assistance de la France et de la communauté internationale», fait savoir l'Élysée dans un communiqué.

Une proposition rapidement balayée par le président turc Recep Tayyip Erdogan, se disant «extrêmement peiné» de la position de la France vis-à-vis de cette «organisation terroriste».

«Je m'aperçois que la Turquie réagit, et réagit avec une certaine réserve, puisque M. Erdogan dit qu'il est "peiné". Il ne dit pas qu'il est "indigné"», relativise Gérard Chaliant.

«Donc il s'aperçoit qu'effectivement, qu'il faut qu'il sache jusqu'où il peut aller trop loin lorsqu'il dit qu'il va continuer sur Manbij et par la suite jusqu'à l'Irak. Je pense qu'il se paie de mots, et que c'est fait à l'intention de sa propre opinion publique», conclut le géopoliticien.

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