Grève des cheminots: Juppé était «droit dans ses bottes», Philippe «face à un os»

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Les salariés de la SNCF ont entamé une grève contre la réforme défendue par le Premier ministre, agitant le spectre d'une paralysie semblable à celle de 1995. Majorité à l'Assemblée, discours inflexible, opposition des cheminots : Edouard Philippe arrivera-t-il à «rester droit dans [ses] bottes» contrairement à Juppé il y a 23 ans ?

Une «semaine noire» selon La Dépêche, le début d'une «guerre d'usure» pour Le Figaro… le mouvement social qui a débuté le 2 avril au soir se veut ambitieux. Suffisamment pour faire céder Emmanuel Macron et Edouard Philippe sur la réforme de la SNCF de la même manière qu'Alain Juppé avait dû renoncer à son «plan Juppé» après les grèves de 1995.

«Je souhaite le même avenir à Edouard Philippe sur sa réforme que son mentor Alain Juppé» déclarait Eric Coquerel, député de La France Insoumise, au micro de Sputnik.

Mais est-il vraiment pertinent de faire un parallèle entre la plus grande mobilisation depuis mai 1968 et le mouvement auquel nous assistons aujourd'hui? S'il est indéniablement encore trop tôt pour juger de la réussite de cette grève, les opposants à la réforme de la SNCF se montrent confiants. De plus, au-delà de l'adhésion au mouvement social, plusieurs similitudes apparaissent entre 1995 et 2018.

Des décisions européennes à l'origine des deux mouvements

En 1995, le «plan Juppé» avait pour objectif de réduire le déficit de la France pour lui permettre de se plier aux standards du serpent monétaire, outil européen servant à assurer la stabilité des économies désireuses de rejoindre la monnaie unique. 23 ans plus tard, c'est à nouveau l'Europe qui est à l'origine de la réforme et, par conséquent, de la contestation.

L'Union européenne a présenté en 2013 une directive visant à «parachever l'espace ferroviaire unique européen». Ce texte fixe la fin des monopoles d'État pour le transport de voyageurs au 3 décembre 2019 et impose de passer par des appels d'offre.

Le gouvernement d'Edouard Philippe ne fait que se plier aux exigences européennes en apportant de grands changements dans l'organisation du ferroviaire en France. Le projet de loi qu'il a présenté le 14 mars dernier et qu'il fera passer par ordonnances, a pour objectif de modifier «la forme juridique» de la SNCF, d'ouvrir le transport de voyageurs à la concurrence et de définir les modalités de la transition, soit exactement ce qu'imposera dès 2019 la directive européenne.

Une situation politique semblable

Le contexte politique dans lequel a lieu cette longue grève perlée présente également quelques ressemblances avec le contexte politique dans lequel évoluait Alain Juppé en 1995. L'actuel maire de Bordeaux bénéficiait à l'époque d'une très large majorité à l'Assemblée nationale puisque l'opposition ne comptait que 85 députés.

«Juppé avait dit "Je reste droit dans mes bottes" et à la fin, il n'avait plus de bottes.»

Si Edouard Philippe peut lui aussi compter sur le soutien d'une large majorité (314 députés), il n'en est pas moins vrai qu'il ne peut se contenter d'avoir la voie libre au Parlement si la rue gronde.

Sur le plan politique également, le message relayé par le gouvernement est semblable, comme le souligne un membre de la CGT qui dénonce «une posture de fermeté» et une volonté de «passer par les ordonnances». Un avis partagé par Eric Coquerel, député de La France Insoumise (LFI):

«Ce qu'il y a de comparable [entre 1995 et 2018] c'est qu'on a un gouvernement qui, au début, dit "On ne cèdera pas". Il a du céder en 1995, donc on va le faire céder aujourd'hui.»

Les mêmes acteurs de la société civile engagés contre le gouvernement

Pour Eric Coquerel, l'implication des employés du rail est indispensable, non seulement parce qu'ils sont les premiers concernés, mais parce qu'ils ont la capacité de bloquer le pays du fait de la solidarité existante au sein de ce corps de métier.

«Les cheminots portent pas mal de nos espoirs parce qu'Emmanuel Macron est face à un os du fait que ce soit le secteur le plus syndiqué et le plus solidaire.»

Et la grève des salariés de la SNCF n'est que la partie visible de l'iceberg, car d'autres secteurs se mobilisent. Le transport aérien est également touché et les professionnels de l'énergie ainsi que les responsables de la collecte des déchets ont annoncé des perturbations. Le député de La France Insoumise s'en réjouit et déclare:

«Emmanuel Macron affronte les mêmes secteurs [qu'Alain Juppé en 1995] et j'espère que la finalité sera la même.»

Et selon lui, le résultat dépend avant tout de la mobilisation et de la capacité des syndicats à rallier à eux d'autres corps de métier pour assurer une mobilisation aussi forte qu'en 1995, où entre 1 et 2 millions de personnes étaient descendues dans la rue.

«Je n'ai jamais vu de gouvernement être capable de tenir face à une mobilisation aussi forte. Si la mobilisation ne faiblit pas, si la grève ne faiblit pas et si nous arrivons à l'appuyer, ça devrait passer»

Jean-Luc Mélenchon, présent lors des manifestations du 3 avril, pestait lui contre une mesure inexplicable puisque considérée comme un échec dans tous les pays où elle a été mise en place. Le tribun observait ainsi au micro de Sputnik:

«Le gouvernement n'est pas capable d'expliquer pourquoi ça ira mieux une fois que [le transport ferroviaire de voyageurs] sera privatisé vu que c'est le contraire qui se passe partout!»

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