La Libye, cette pomme de discorde entre la France et l’Italie

© Sputnik . Alexander Vilf / Accéder à la base multimédiaRome, Italie
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De la Libye à la Syrie, en passant par la question de l'immigration, les objectifs de Paris et de Rome restent très différents. Aspirant à un rôle de premier plan en Europe, Macron poursuit sa propre politique à l'égard de Rome et d'une UE divisée. Sputnik a évoqué la situation avec Michela Mercuri, professeur à l'Université de Macerata.

En visite aux États-Unis, Emmanuel Macron a voulu montrer le grand rôle qu'il tient en Europe, en exploitant le vide laissé par une Union européenne affaiblie. Lors de ses négociations à la Maison-Blanche, il a discuté du Moyen-Orient, de l'accord sur l'Iran et du commerce avec l'Europe. Sputnik a demandé de commenter la situation à Michela Mercuri, auteur du livre «La Libye inconnue» («Incognita Libia»), professeur d'histoire contemporaine des pays méditerranéens à l'Université de Macerata.

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Analysant les objectifs stratégiques de l'Italie et de la France, qui sont loin de toujours coïncider, Michela Mercuri a notamment étudié les intérêts des deux pays en Libye.

Selon elle, ceux-ci sont extrêmement conflictuels à cause du pétrole. Pas seulement en 2011, quand la France cherchait à avoir accès au brut libyen, mais aujourd'hui également.

«Ainsi, l'Italie soutient le chef du gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, tandis que la France soutient le maréchal Khalifa Haftar. En fait, en vendant ses armes à ce dernier, Paris veut se fixer dans la Cyrénaïque pour y forer et prospecter les ressources pétrolières», a-t-elle expliqué.

D'après elle, lorsque Khalifa Haftar est tombé malade, il a été transporté d'urgence à Paris qui semble guetter le moment pour pouvoir annoncer que le général n'est plus en mesure de gouverner la région.

«Il semble que la France cherche d'ores et déjà un successeur à Khalifa Haftar pour garantir ses positions en Cyrénaïque. Paris continue de défendre ses intérêts nationaux en Libye, au détriment de l'unité de ce pays africain et, bien entendu, au détriment d'une politique unique avec l'Italie», a noté Michela Mercuri.

Elle estime que l'Italie devrait se concentrer davantage sur la question libyenne. Ainsi, l'Italie a en Libye une ambassade et 300 hommes de l'opération humanitaire Hyppocrate. Le ministre italien de l'Intérieur, Marco Minniti, avait essayé de s'ancrer en Libye au moins sur le plan diplomatique, mais il a conclu des accords avec les tribus qui ont été rapidement remis en question, a-t-elle rappelé.

Évoquant la récente attaque lancée contre la Syrie, où la France a joué l'un des premiers rôles, Michela Mercuri a constaté que sur ce dossier, les positions de Paris et de Rome ne coïncidaient pas non plus.

«En effet, l'Italie, en la personne du chef du gouvernement, Paolo Gentiloni, a exprimé son soutien à l'Otan, mais, d'autre part, Matteo Salvini et plusieurs autres personnalités qui aspirant au poste de Premier ministre ont clairement déclaré leur opposition à cette intervention», a-t-elle noté.

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Elle a constaté que par sa participation à l'opération en Syrie, la France n'a pas hésité à pratiquer une politique contrastant avec celle de la Russie, exacerbant ainsi les tensions.

Mettant en relief le caractère explosif de la situation dans la région elle affirmé qu'il était important de trouver une solution rapidement.

«Il est vital de faire passer les parties prises dans l'engrenage du conflit en Syrie à la table des négociations pour discuter de l'avenir du pays», a-t-elle indiqué.

Autre pierre d'achoppement dans les relations bilatérales: le problème des flux migratoires passant par la Libye. La France a promis à plusieurs reprises — tant au sommet de Taormina l'année dernière que lors de la récente rencontre à Rome avec le Premier ministre Paolo Gentiloni — d'aider l'Italie à renforcer le partenariat franco-italien sur la question des migrants, a poursuivi Michela Mercuri.

«Mais seulement en paroles, car Paris n'a pris aucune mesure concrète et continue même à rejeter les migrants », a-t-elle dit, ajoutant que la coopération franco-italienne sur cette question, tout comme sur d'autres dossiers politiques, s'était retrouvée dans une impasse.

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Elle a également mis en relief l'importance du dossier iranien, soulignant que la France continuait de protéger ses intérêts nationaux dans le pays, car elle est le troisième fournisseur de Téhéran, derrière l'Allemagne et l'Italie.

Enfin, elle a qualifié de «gifle donnée par la France à l'Italie» la mission au Niger. Ce dernier a refusé le déploiement d'un contingent militaire italien qui devait être dépêché dans le pays pour lutter contre le terrorisme et les migrations clandestines.

Autant de problèmes qui permettent à Michela Mercuri de conclure que les relations entre la France et l'Italie sont dans une impasse, avant tout parce que l'Italie n'a toujours pas de gouvernement et reste faible.

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