Du dessert pour les tirailleurs, la boutade «indigeste» du Président sénégalais

© AP Photo / Seth WenigMacky Sall
Macky Sall - Sputnik Afrique
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La boutade du Président Macky Sall sur les tirailleurs sénégalais s’est répandue comme une traînée de poudre. Le rapport qu’il établit, entre «nos amis les Français» et «les desserts servis aux soldats sénégalais» n’est manifestement pas du goût de tout le monde dans le pays qui a connu le massacre de Thiaroye.

Au Sénégal, on digère mal cette histoire de dessert. La dernière sortie du Président, dont on dira par la suite que c'est une boutade, n'est manifestement pas du goût des Sénégalais. La scène se déroule vendredi 25 mai, à Dakar, à l'occasion d'un événement littéraire particulier. Pour le lancement de son livre «Conviction républicaine», Macky Sall prononce un discours devant une salle mi-vide, mi-acquise. Il s'affiche en boubou blanc immaculé… jusqu'à cette phrase qui fera tache.

«Avec la colonisation française, nous avons eu des choses positives. Notamment, les élections plurielles […] On a une relation particulière avec la France. Ils nous ont colonisés, nous avons eu une décolonisation pacifique […] et ils ont toujours respecté les Sénégalais parce que quand le régiment de tirailleurs sénégalais était dans les casernes, ils avaient droit à des desserts pendant que d'autres Africains n'en avaient pas. Tout ça, c'était des signes de proximité.»

Petits esclaffements dans la salle. Mais sur la toile, la tonalité est tout autre quand l'extrait, enregistré sur téléphone portable, «fuite». Le président est critiqué pour avoir réduit la colonisation à des élections et des desserts. Discours de Dakar version africaine, s'indignait presque Cheikh Fall, créateur d'Africtivistes, un réseau de journalistes et de blogueurs africains.

Créée par le Général Fedherbe à la fin du Second Empire, la «Force noire» était un corps militaire constitué de soldats issus de toute l'Afrique de l'Ouest. Ils prirent part active aux expéditions coloniales (comme la conquête de Madagascar) et aux Guerres mondiales aux côtés de la France, où ils essuyèrent des pertes de plusieurs dizaines de milliers d'hommes.

​Dans la logique des décideurs de l'époque, le recours aux Africains devait permettre de combler les pertes européennes. Une démarche d'autant plus «légitime» que les Africains avaient une dette de sang envers la France… Le coût de la colonisation!

«L'Afrique nous a coûté des monceaux d'or, des milliers de soldats et des flots de sang. Mais les hommes et le sang, elle doit nous les rendre avec usure», écrivait Adolphe Messimy, ministre des colonies pendant la Grande Guerre.

Complexe, la relation a été ponctuée de répression. En 1944, 35 tirailleurs ont été abattus par l'armée française pour avoir demandé leur solde. Cela se passait à Thiaroye, dans la périphérie de Dakar. D'autres sources, notamment militaires, évoquent un nombre de morts beaucoup plus élevé.

Malvenue, dès lors, cette «boutade» lancée en plein milieu d'un «moment de célébration de la grandeur du monarque républicain […] éclipsé à la faveur d'un bad buzz qui nous interroge sur la culture de notre Président», dira Charles Vieira Sanchez, un enseignant universitaire capverdien.


​Il ne s'agit pas de la première sortie «malheureuse» du Président sénégalais à provoquer l'indignation ou la risée du Web. Lors de son intervention, en mars dernier à Kigali, dans le cadre du Next Einstein Forum (NEF), sa réponse à une question qui lui a été posée à lui comme au président Paul Kagame, n'a pas été jugée très… inspirée. Surtout en comparaison de celle du Rwandais.

À moins d'un an de la présidentielle, Macky Sall n'est pas au summum de sa popularité. En battant, en 2012, son ex-mentor Abdoulaye Wade, il incarnait pourtant les aspirations de beaucoup de jeunes Sénégalais en quête de changement, y compris générationnel.

Son mandat a été marqué, estiment aujourd'hui ses détracteurs, par le non-respect de nombre de ses engagements de campagne, dont la renonciation immédiate au septennat au profit du quinquennat. Le mouvement «Y en a marre», qui a été en 2012 parmi les principaux artisans de sa victoire, l'accuse également de museler l'opposition, en instrumentalisant la justice, comme dans l'affaire Khalifa Sall, le maire de Dakar.

Du côté de ses partisans, on préfère mettre en avant les nombreux progrès accomplis, notamment en matière de gouvernance, avec la réduction du train de vie de l'État. Sans compter que la présidence Sall a renforcé le rayonnement régional du Sénégal, tout en le préservant de la tempête terroriste qui secoue la région.

 

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