«Opération spéciale Babtchenko»: qui est le dindon de la farce?

© Sputnik . Stringer / Accéder à la base multimédiaLa police et les journalistes devant la maison de Kiev où le journaliste Arkadi Babtchenko
La police et les journalistes devant la maison de Kiev où le journaliste Arkadi Babtchenko - Sputnik Afrique
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En mettant en scène l'assassinat du journaliste russe Arkadi Babtchenko, les autorités ukrainiennes se sont tiré une balle dans le pied, déclarent les personnalités publiques, politiques et médiatiques interrogées par le site d'information Gazeta.ru.

Mardi 29 mai, la police ukrainienne a annoncé qu'Arkadi Babtchenko avait été tué de trois balles dans le dos sur le seuil de la porte de son appartement, rappelle Gazeta.ru. Cependant, le lendemain, le journaliste a fait son apparition lors d'une conférence de presse en annonçant qu'il s'agissait d'une «opération spéciale du SBU» (Service de sécurité ukrainien).

Sans surprise, la réaction des personnalités publiques, politiques et médiatiques russes et ukrainiennes à la «résurrection» de Babtchenko a été très vive.

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Le reproche le plus répandu concerne le fait que les autorités ukrainiennes ont décidé de «carnavaliser» au maximum tous les événements dans le pays quand l'Ukraine a été directement accusée de créer des conditions insupportables pour le travail des journalistes et le respect des droits de l'homme. De nombreux journalistes qui ont enduré l'assassinat de leurs collègues — on se souvient de Pavel Cheremet ou encore d'Oles Bouzina (leurs assassins et commanditaires n'ont toujours pas été retrouvés) — ont qualifié de «dure» la déclaration de Babtchenko et des forces de l'ordre.

Denis Popovitch, rédacteur en chef du site ukrainien Apostrof, a comparé cette situation à l'histoire du garçon qui criait au loup: «Quand vous criez au loup sans raison, des problèmes peuvent commencer quand le loup arrive vraiment».

Et de poursuivre: «De mon point de vue, l'«opération spéciale» avec Babtchenko sent très mauvais. Les autorités pouvaient montrer le corps du journaliste défunt. Mais s'il est en vie, ils devront maintenant montrer les terroristes qu'ils ont annoncés avoir arrêté. Ce qui est impossible à faire parce que soit ils sont en garde à vue, soit éliminés. Mais s'il n'y a pas eu de meurtre de Babtchenko, comment les autorités vont prouver que l'arrestation des terroristes a réellement eu lieu? Peut-être qu'il n'y avait rien d'autre qu'une mise en scène pourrie et une tentative d'améliorer la popularité de quelqu'un? On ne peut pas traiter les gens comme ça.»

Igor Baïcha, directeur de l'Agence de communications politiques et d'affaires FullPublic, a qualifié la mise en scène du meurtre de Babtchenko de «cirque dont les autorités de Kiev ont voulu se servir pour cacher leurs crimes devant la population ukrainienne». De plus, selon lui, à compter d'aujourd'hui toutes les accusations visant la Russie seront perçues d'un œil sceptique et ne vaudront pas plus que le papier sur lequel elles seront imprimées.

«En organisant de telles mises en scène, qui, notons-le, sont souvent utilisées par les forces de l'ordre dans ce genre de situations, l'Ukraine fait passer pour des imbéciles non seulement l'opposition russe et ses propres citoyens, mais également une grande partie du monde, ce qui a nettement réduit l'effet propagandiste de ses actions.

C'est déjà une position désespérée et une compréhension du fait qu'il faudra répondre de ses actes, notamment sur fond de changement de la rhétorique des autorités russes et en particulier de Sergueï Lavrov vis-à-vis des événements en Ukraine, qui les désigne désormais comme étant un coup d'État — or, jusqu'à présent, cette formulation n'était pas utilisée.»

De nombreux représentants d'organisations internationales ont également exprimé leur indignation quant à cette mise en scène. Ainsi, Reporters sans frontières a exprimé sa plus vive indignation à la découverte de la manipulation des services secrets ukrainiens pour leur guerre de l'information. Il est toujours profondément dangereux que des États jouent avec les faits, et de surcroît sur le dos des journalistes, a laissé entendre l'organisation.

Le représentant de l'OSCE pour la liberté des médias Harlem Désir a déclaré qu'il regrettait la décision de propager la nouvelle sur l'assassinat du journaliste russe en soulignant qu'il est du devoir d'un État de présenter des informations concrètes au public.

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Le porte-parole du Conseil de l'Europe Daniel Holtgen a également commenté le fait qu'Arkadi Babtchenko était en vie. «Quand votre premier ministre parlait d'assassins, comme bien d'autres, nous pensions que c'était vrai», a-t-il écrit en réponse au communiqué du représentant permanent de l'Ukraine auprès du Conseil de l'Europe Dmitri Kouleba. Tout en précisant que l'information selon laquelle Babtchenko était en vie constituait une «bonne nouvelle».

De son côté, le ministère russe des Affaires étrangères a qualifié la mise en scène du meurtre d'Arkadi Babtchenko de «provocation antirusse». «La conséquence directe de ces actions, qui avaient manifestement un objectif propagandiste, a été la désorientation de toute la communauté internationale qui avait vivement réagi à l'annonce ukrainienne concernant l'assassinat d'un journaliste. A présent refont surface les véritables motifs de cette mise en scène, qui est de toute évidence une nouvelle provocation antirusse», stipule le communiqué du ministère russe des Affaires étrangères.

Le sénateur russe Frants Klintsevitch a noté que les autorités ukrainiennes avaient négligé les sentiments de millions de personnes. «Le gouvernement ukrainien voulait consterner tout le monde, et il l'a fait. Personne ne s'y attendait de sa part. Des millions de personnes ont été trompées: leurs meilleures sentiments — la compassion et la pitié — ont été moqués de la manière la plus indécente qui soit. L'histoire n'avait encore jamais connu de mises en scène aussi abjectes», a écrit le sénateur sur sa page Facebook.

Comme l'a déclaré Mikhaïl Vinogradov, président de la fondation Politique de Saint-Pétersbourg, «qu'il soit en vie est une très bonne nouvelle aussi bien pour Babtchenko que pour la réputation de la Russie. Même en considérant qu'il n'y avait pas de trace russe dans les affaires antérieures, c'est tout de même positif pour la réputation.»

D'après le politologue Dmitri Melnikov, la découverte de la vérité sur l'«assassinat» de Babtchenko se reflétera positivement, dans la mesure du possible, sur les relations entre la Russie et d'autres pays. «Je pense qu'un échange global a eu lieu: la Russie a sacrifié certains de ses intérêts sur les questions qui étaient importantes pour l'Ukraine et l'Occident, pour recevoir en échange un assouplissement de la situation, qui redescend au niveau des accusations et des actions agressives générales, devenues habituelles», conclut-il.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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