G7 qui pleure, OCS qui rit, bienvenue dans un monde multipolaire

© Sputnik . Alexei Druzhinine / Accéder à la base multimédiaПрезидент РФ В. Путин на саммите ШОС в Китае. День второй
Президент РФ В. Путин на саммите ШОС в Китае. День второй - Sputnik Afrique
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G7, OCS, même week-end, résultats opposés? Les décisions de Donald Trump et les déceptions de ses alliés français et allemands tranchent avec l’unité affichée par les puissances asiatiques, qui ne cessent de se renforcer. Un contraste qui n’implique pas l’émergence de deux blocs, mais celle d’un nouvel équilibre mondial. Analyse.

Assiste-t-on à un bouleversement majeur dans le jeu des relations internationales? La question mérite largement d'être posée après un week-end de sommets. Celui du G7 s'est tenu à La Malbaie, au Québec, le 8 et 9 juin; le second, celui de l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), s'est déroulé à Qingdao en Chine, ce 9 et 10 juin. Si l'un peut être considéré comme un véritable désastre, l'autre affiche de belles réussites. Si l'échec ou le succès sont toujours relatifs, un constat en découle: le monde est multipolaire.

​Sur fond de guerre commerciale et de désaccords majeurs, les «grandes puissances démocratiques mondiales» ne sont pas parvenues à trouver un accord lors du Sommet annuel du G7 qui s'est tenu au Canada le week-end dernier. En effet, Donald Trump, arrivé après le début et parti avant la fin, a annoncé par un tweet qu'il n'approuvait finalement pas la déclaration finale commune de cette réunion. Si le prétexte trouvé fut les «fausses déclarations» de Justin Trudeau, que le Président américain traite par ailleurs de «malhonnête» et de «faible», les raisons du locataire de la Maison-Blanche portent sur l'économie et le commerce mondial, et notamment sur les tarifs douaniers.

​Depuis sa prise de fonction, Donald Trump a comme objectif principal de redresser l'économie américaine, notamment en imposant des mesures protectionnistes. Ces dernières semaines, les États-Unis ont donc amorcé une guerre économique avec leurs grands partenaires. Si ces derniers ont tous réagi, la pilule passe notamment mal auprès du Canada, de l'Allemagne et de la France, qui ont vu leurs exportations d'acier et d'aluminium lourdement taxées au nom de la «sécurité nationale américaine». Ajouté à cela, les désaccords sur le climat et sur l'Iran, le sommet du G7, s'est transformé cette saison 2018 en «G6 contre 1»: l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Italie, le Canada et le Japon face aux États-Unis.

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Le bilan de ce sommet 2018 fait éclater au grand jour le manque de pertinence de cette conférence diplomatique annuelle traitant principalement d'économie. En 1974, les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne de l'Ouest s'étaient réunis à la suite du choc pétrolier. Si le groupe s'est élargi au fil des années, il était composé des «plus grandes puissances démocratiques», donc exit la Chine, pourtant première puissance économique du monde. Ce groupe s'était formé aussi pour se mettre d'accord sur une vision commune. Mais le déroulé de cette dernière édition démontre l'antagonisme des visions et des intérêts des participants.

Donald Trump, qui administre un pays chantre affiché du libéralisme économique, a bien souvent critiqué les grands traités de libre-échange. Et s'il a pu revenir sur certains de ses propos en janvier dernier, annonçant une inflexion, sa position reste la même: «America First». Si les tensions entre les États-Unis et ses partenaires économiques sont réelles, la décision américaine de ce G7, qui rappelons-le, s'est tenu au Canada, s'explique aussi à travers le prisme de l'ALENA. Ce traité de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada risque de disparaître et d'être remplacé, à la demande de Washington, par des accords bilatéraux. On comprend mieux l'échange entre Trump et Trudeau.

Quand on pense que le prochain G7 se tiendra en France en 2019, on ne préfère pas imaginer:

​Outre le Canada, le Président Trump a poursuivi son offensive face aux autres pays membres du G7. Là encore, il convient d'observer que ce G7 ne s'est pas véritablement transformé en «6 +1» ou «6 contre 1». Tout d'abord, Tokyo n'a pas véritablement marqué son mécontentement face aux États-Unis. Shinzo Abe, le Premier ministre japonais, qui s'était entretenu avec Donald Trump juste avant le sommet du G7, est en position de faiblesse alors que Washington est à la manœuvre pour résoudre la crise avec Pyongyang.

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Quant aux Européens, ils sont loin d'être tous concernés de la même façon, et ne semblent plus pouvoir appliquer leur vision: le Royaume-Uni et Theresa May s'essoufflent avec leur Brexit, l'Allemagne s'affaiblit face aux critiques de la politique de Merkel, l'Italie veut réformer les instances libérales de l'UE et la France est gouvernée par un Macron qui s'affiche comme leader de l'Europe, mais d'une Europe extrêmement faible et qui n'existe finalement pas face aux États-Unis.

Donald Trump a bien compris qu'une UE rassemblée pouvait être un concurrent pour les États-Unis. Ainsi, après les menaces économiques mises à exécution (taxes et dossier iranien), le Président américain utilise-t-il la question militaire pour affaiblir encore les Européens. Tout d'abord, il a renouvelé ses critiques face aux budgets de Défense des puissances européennes, en ciblant celui de l'Allemagne pour l'OTAN:

«Les États-Unis paient la quasi-totalité du coût de l'OTAN, protégeant les mêmes pays qui nous volent sur le commerce. On protège l'Europe (ce qui est bien) pour un coût financier élevé, et après, on se fait matraquer injustement sur le commerce. Ça va changer!»

Donald Trump s'indigne et menace les pays européens. S'il n'est pas raisonnable d'imaginer que les États-Unis quittent l'organisation politico-militaire qu'ils dominent, il demande vivement à ses partenaires allemands d'augmenter leur budget alloué à l'OTAN, à l'instar des pays de l'Est, qui sont ravis de voir les forces otaniennes occuper leurs territoires pour les défendre face à la «menace russe». Le coup est double: renforcement de la puissance militaire américaine en Europe et fragilisation de l'UE en l'éloignant davantage de la Russie.

En évoquant ce pays, il convient de signaler la délicate proposition du Président Trump au G7. En effet, il a estimé que la Russie devait réintégrer le Groupe (revenant ainsi au G8), alors que sa participation est suspendue depuis 2014, sur proposition initiale allemande après l'affaire de la Crimée. Mario Conte, le nouveau chef d'un gouvernement italien plutôt favorable à la Russie, a approuvé cette proposition, tandis que la France l'a refusée. Donald Trump a ainsi piégé les Européens, qui ont affiché un nouveau désaccord: Emmanuel Macron est tombé dans le panneau à pieds joints:

​Mis à distance du monde européen, principalement à cause des États-Unis, la Russie a cependant renforcé ses ambitions et sa présence sur la scène internationale au sommet de l'OCS, qui s'est tenu ce 9 et 10 juin à Quigdao, ville portuaire chinoise.

Cette organisation a pour objectifs principaux le renforcement de la confiance entre les États membres, la sauvegarde de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la région et le développement de la coopération dans les domaines politiques, économiques et commerciaux.

Composé de la Chine, de la Russie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, du Tadjikistan et de l'Ouzbékistan, cet ensemble asiatique s'est renforcé en 2017 par l'intégration comme États-membres du Pakistan et de l'Inde. De plus, cette année, l'OCS a invité l'Afghanistan et l'Iran comme observateurs.

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Si cette structure permet à la puissance chinoise de s'affirmer sur la scène internationale et de valider sa «route de la soie», il dessine surtout un monde multipolaire avec la présence nouvelle de l'Inde.

Contrairement au G7, réunion informelle traitant principalement de l'économie et du commerce, l'OCS se concentre sur la sécurité collective et la lutte contre le terrorisme. Mais comment faire cohabiter la Chine et l'Inde ou l'Inde et le Pakistan? En effet, malgré les tensions frontalières et les rivalités de puissances, ce sommet permet des entretiens improbables. Ainsi, lors leur intégration officielle à l'OCS en juin 2017, les deux Premiers ministres, le pakistanais Nawaz Sharif et son homologue Narendra Modi s'étaient congratulés et avaient échangé en tête à tête après 17 mois de silence.

L'OCS s'efforce donc de trouver un consensus, en permanence et notamment sur le volet sécuritaire. Face au terrorisme (combattants qui retournent dans leurs pays ou groupes qui essayent d'acquérir des armes chimiques), les pays de l'OCS ont adopté un nouvel accord, s'engageant à développer la coopération internationale par davantage de simplification, notamment sur les procédures d'extradition, et de partage d'informations et renseignements.

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Si la situation en Syrie a été abordée — les membres de l'OCS ont, entre autres, encouragé le processus d'Astana et appelé au respect de la souveraineté de Damas, le point d'orgue géopolitique de ce sommet fut l'accord sur le nucléaire iranien. En effet, l'Iran en tant qu'observateur, a une nouvelle fois participé aux échanges à Qindao. Hassan Rohani a eu vu un micro se tendre parce que son pays pourrait intégrer prochainement l'OCS en tant que membre et parce que son pays est un fournisseur de pétrole de premier ordre pour la Chine et l'Inde. C'est pourquoi le Président iranien a pu demander très ouvertement le soutien de cette communauté à l'accord de Vienne de 2015. Si Vladimir Poutine a affirmé une nouvelle fois son soutien à l'accord en rappelant qu'il fallait une «mise en œuvre inconditionnelle du texte», Xi Jinping considère que le deal iranien est un accord «favorable au maintien de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient et au régime international de non-prolifération nucléaire, et il doit continuer à être mis en œuvre concrètement.»

Ainsi, contrairement au G7 qui se délite, l'OCS se renforce et s'affirme. Totalement déséquilibré, le premier se désunit, tandis que le second ne cesse de rassembler et de surmonter ses contradictions, sans pour autant ne former qu'un seul bloc. Mais une chose semble réunir les puissances maîtresses de ces deux groupes: les États-Unis de Donald Trump et la Chine de Xi Jinping se méfient du multilatéralisme. Inexorablement, le monde, composé de puissances non unies et non alignées, devient multipolaire.

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