Apocalypse selon l'accord: comment fait-on la guerre avec une arme nucléaire

© Photo Public domainОблако, образовавшееся после взрыва американского термоядерного взрывного устройства «Кастл Браво» на атолле Бикини, 1954
Облако, образовавшееся после взрыва американского термоядерного взрывного устройства «Кастл Браво» на атолле Бикини, 1954 - Sputnik Afrique
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Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) a été signé il y a 50 ans. Quels pays ont refusé de le signer, pourquoi est-il difficile de contrôler les sites nucléaires et que risquent ceux qui transgressent le traité?

Le 12 juin 1968, l'Assemblée générale des Nations unies approuvait le TNP, qui sera signé le 1er juillet par plus de 40 pays dont l'URSS et les USA, écrit le quotidien Gazeta.ru. Le traité était nécessaire pour empêcher l'élargissement du cercle de pays disposant de l'arme nucléaire. Le contrôle du respect des termes de l'accord permettait de restreindre la possibilité d'évolution d'un conflit armé avec l'usage de cette arme.

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Conformément aux termes principaux du document, tout État doté d'armes nucléaires (les États qui ont fabriqué et testé l'arme nucléaire avant le 1er janvier 1967) étant Partie du Traité s'engage à ne transférer à qui que ce soit, ni directement ni indirectement, des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, ou le contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs; et à n'aider, n'encourager ni inciter d'aucune façon un État non doté d'armes nucléaires, quel qu'il soit, à fabriquer ou acquérir de quelque autre manière des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, ou le contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs.

Par ailleurs, tout État non doté d'armes nucléaires qui est Partie du Traité s'engage à n'accepter de qui que ce soit, ni directement ni indirectement, le transfert d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ou du contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs.

Sachant que le traité fixe le droit inaliénable de toutes les Parties de développer la recherche, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, et exige de faciliter un échange aussi large que possible d'équipements, de matériaux et de renseignements scientifiques et technologiques.

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A ce jour, seulement quatre États n'ont pas signé le TNP: Israël, l'Inde, le Pakistan et la Corée du Nord.

«Le Pakistan, l'Inde et Israël n'ont jamais signé le TNP et possèdent l'arme nucléaire. Ils ne veulent pas y renoncer, or il n'existe pas d'autres moyens pour adhérer au TNP. La Corée du Nord était membre du TNP mais elle a décidé de créer l'arme nucléaire et en est sortie. Actuellement, ces quatre pays ne sont pas membres du TNP. L'Afrique du Sud est un exemple bien connu d'État qui a créé l'arme nucléaire avant d'y renoncer, de fermer le programme nucléaire et de rejoindre le TNP. Les autres ne sont pas encore prêts à le faire», déclare Andreï Baklitski, consultant du centre PIR.

Malgré l'utilité du traité pour réduire la probabilité d'un conflit nucléaire, il possède plusieurs lacunes. Par exemple, le TNP ne régule pas très précisément les possibilités de développer l'arme nucléaire dans les pays non nucléaires.

«L'article VI stipule que les États dotés de l'arme nucléaire s'engagent à poursuivre de bonne foi des négociations sur la cessation de la course aux armements nucléaires et le désarmement nucléaire. Mais cet article est très vague — il ne précise pas comment, quand et sous quelle forme les États doivent réduire leurs arsenaux et tout cela repose sur la conscience des États eux-mêmes. C'est pourquoi les États non nucléaires critiquent fortement le TNP dans la mesure où il n'impose pas de restrictions sévères», explique Andreï Baklitski.

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Alors que les États qui n'ont pas signé le traité n'ont pratiquement aucune restriction.

La question de l'élaboration de l'arme nucléaire dans ces pays est en partie réglementée par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Les États signataires du traité se trouvent également sous son contrôle.

«L'AIEA a précisément été créée pour veiller à ce que le programme nucléaire pacifique ne devienne pas un programme nucléaire militaire. Quand tout le matériau nucléaire se retrouve sous la garantie de l'AIEA, l'agence garantit que le matériau pacifique reste pacifique. Pour conclure des contrats avec l'AIEA il n'est pas indispensable d'être membre du TNP et en principe, par exemple, Israël et l'Inde signent également des contrats avec l'AIEA, mais seulement dans le cadre de leur activité nucléaire pacifique», poursuit Andreï Baklitski.

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Par exemple, il existe deux réacteurs nucléaires en Israël, dont un sous la garantie de l'AIEA. Les spécialistes de l'agence s'y rendent régulièrement en inspection pour s'assurer qu'il est utilisé uniquement à des fins pacifiques. Bien que le second réacteur israélien soit utilisé pour produire du plutonium militaire, au moins l'un des sites est contrôlé. L'Inde a suivi un itinéraire similaire en divisant en 2006 son programme nucléaire en pacifique et militaire.

Conformément à l'accord, un État n'a pas le droit de refuser aux représentants de l'AIEA l'inspection d'un site nucléaire.

Cependant, la responsabilité de rapporter la présence de tels sites et leur nombre incombe uniquement à l'État-même. En 1991, par exemple, a été révélée l'ampleur du programme nucléaire de l'Irak qui menait secrètement ses recherches.

Un protocole supplémentaire avait alors été introduit, permettant aux inspecteurs de l'AIEA de vérifier tous les sites, d'effectuer des inspections inopinées et de recueillir des échantillons pour détecter l'accumulation d'isotopes radioactifs.

«Le problème du protocole supplémentaire est qu'il repose sur une base volontaire et que chaque pays décide lui-même s'il faut le signer ou non, indique l'expert. Et certains pays pensent que c'est un fardeau inutile, que c'est discriminatoire, que les États nucléaires possèdent l'arme nucléaire alors que les pays pacifiques non nucléaires doivent rendre des comptes et laisser entrer des inspecteurs sur leur territoire.

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Les inspecteurs de l'AIEA peuvent exiger un accès aux sites militaires s'ils pensent que des matériaux nucléaires non déclarés pourraient s'y trouver — et il est obligatoire de les laisser entrer.

Naturellement, certains pays ne veulent pas laisser des étrangers pénétrer sur des sites militaires. C'est pourquoi plusieurs pays n'ont toujours pas ratifié le protocole supplémentaire.»

Le traité ne protège pas non plus contre l'usage de l'arme nucléaire: il porte uniquement sur les questions relatives à la non-prolifération.

«Le mécanisme qui empêcherait, disons, la Russie et les USA de commencer une guerre nucléaire n'existe pas, précise Andreï Baklitski. Cette question serait examinée par l'Onu mais en cas de tel conflit, tout procès perdrait son sens: l'humanité pourrait avoir déjà disparu à ce moment-là».

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Néanmoins, il contribue effectivement au désarmement nucléaire. Ainsi, en pleine Guerre froide, les puissances nucléaires, notamment l'URSS et les USA, avaient déployé des dizaines de milliers d'ogives nucléaires alors qu'aujourd'hui, la Russie et les États-Unis possèdent 1.550 ogives chacun.

«Mais elles sont encore très nombreuses et suffisantes pour infliger des dégâts irréparables, estime l'expert. On ignore si la réduction de leur nombre se poursuivra. Ces dernières années, les USA et la Russie ne mènent pas de négociations sur leur réduction.»

Le traité ne comporte non plus aucun mécanisme de sanction.

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Tout comme l'AIEA — ces questions sont prises en charge par le Conseil de sécurité des Nations unies. Un État soupçonné de violer le traité fait d'abord l'objet de sanctions économiques et subit la pression internationale pour faire cesser le programme nucléaire. L'Iran, soupçonné depuis 2004 d'élaborer secrètement l'arme nucléaire, s'est retrouvé dans une telle situation.

«Il faut savoir que la décision d'élaborer ou non l'arme nucléaire est prise par chaque État pour lui-même. D'un côté, il y a des moyens d'isolement économique et politique, de pression, de l'autre un État n'élabore pas l'arme nucléaire sans raison. C'est un projet complexe et coûteux dans lequel les pays s'engagent seulement en cas de menace pour leur sécurité», déclare Andreï Baklitski.

Les conférences d'examen du TNP sont organisées tous les cinq ans. Parmi les derniers accords conclus figurent celui sur l'abandon de la construction de nouveaux réacteurs pour l'enrichissement d'uranium et l'extraction de plutonium, l'accélération du désarmement nucléaire des signataires du TNP dotés de l'arme nucléaire, le durcissement des mesures engagées contre les pays qui sortent du TNP, qui font du commerce illicite de technologies et de matières nucléaires, et le changement d'exigences pour le déroulement des inspections de l'AIEA.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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