La Russie attaque les ex-républiques soviétiques avec l'arme du XXIe siècle

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Pour des raisons évidentes, l'esprit des citoyens russes était occupé par autre chose que par la nouvelle scission au sein de l'opposition russe. Cette fois, elle a été causée par la Coupe du monde de football.

Dans les rangs de l'opposition, ceux qui se sont oubliés dimanche et ont hurlé, sauté et scandé le nom de leur pays avec le reste de la nation, ont été considérés par certains comme «instables». Ce qui leur a valu un blâme de la part des opposants moralement résistants, qui, en soulignant que le ballon détournait l'attention des problèmes, les ont accusé de trahison des idéaux et de perdition morale. S'en est suivi un brouhaha dans lequel les protagonistes ont employé des termes peu décents.

La scission a été remarquée, non sans ironie. Cependant, il ne s'agit pas forcément de la fracture la plus dramatique du moment.

Le fait est qu'une autre barrière stratégique est abattue actuellement autour de la Russie, sans que les Russes ne s'en aperçoivent.

Il est question des ex-républiques soviétiques qui sont devenues des États autonomes il y a plus de 25 ans. Leur principal système de défense est brisé actuellement par une attaque médiatique russe — et le plus regrettable est qu'il est impossible d'accuser la Russie de piratage et de propagation de fakes.

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De quoi s'agit-il? Nous n'en sommes pas tout à fait conscients, mais depuis plus de deux semaines les pays qui entourent la Russie sont contraints de regarder chaque jour en détail leur ancienne métropole, la Russie actuelle, à la télévision, mais aussi via d'autres canaux médiatiques — YouTube et autres.

Ce n'était pas le cas pendant les Jeux olympiques de Sotchi — c'était en hiver, le nombre de visiteurs était moins important par rapport au Mondial et il s'agissait d'une infrastructure locale regroupée dans un seul endroit. Or la Coupe du monde se déroule en été et des millions de supporters connectés à internet sillonnent avec les journalistes un territoire d'une superficie équivalente à celle de l'UE.

Et les voisins russes regardent Moscou, Kazan, Saint-Pétersbourg, Rostov-sur-le-Don, Nijni Novgorod, Saransk, Ekaterinbourg. Et ces voisins ne voient pas du tout ce qu'ils voudraient voir, pas du tout ce à quoi ils sont habitués à croire.

Le fait est que l'élément fondamental de tous les États postsoviétiques était et demeure l'idée suivante:

«Notre peuple, riche d'une culture ancienne et unique, doté d'une noblesse naturelle, a passé tant de siècles prisonnier de l'empire russe misérable. Nous avons subi ces années sous le pouvoir de barbares alcooliques et voleurs qui ne savent rien faire, ne se respectent pas et ne respectent pas leur pays. Heureusement, nous avons réussi à fuir leur prison. A présent nous avons nos difficultés, mais il ne reste plus rien de l'ancien empire depuis qu'il a perdu ses anciennes conquêtes. Le monde d'aujourd'hui méprise cette station-service et ne la considère pas comme son égal. Quand les dernières fusées rouillées tomberont en lambeaux, ce pays ne se relèvera plus. Et nos habitants n'ont pas à savoir ce qui s'y passe — le Nigeria polaire n'intéresse personne. Qu'est-ce que nous sommes gagnants de l'avoir fui!»

Mais aujourd'hui, l'idée que se faisaient les républiques voisines de la victoire historique obtenue après s'être détachées de la Russie ne tient plus debout.

Parce qu'en l'espace d'un mois, des leaders et des dirigeants de cartels pétroliers et gaziers mondiaux se sont rendus dans ce pays «station-service» pour témoigner leur respect, avec des requêtes et des intérêts.

Ensuite, les esprits des anciens «frères» sont hantés depuis mi-juin par les panoramas des villes russes qui accueillent les matchs, avec des touristes exaltés du monde actuel.

Entre temps, le leader de ce monde (Donald Trump) déclare qu'il serait préférable de faire revenir la Russie dans le G8 et se rend à la frontière de la «station-service» pour témoigner son respect au «tyran» (Vladimir Poutine) et évoquer avec lui ses propres requêtes et intérêts.

Les voisins russes voient tout cela et les idées nationales se dérobent sous leurs pieds.

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Les ex-communistes âgés des pays baltes se mettent tout à coup à haïr les Russes avec l'entrain de leur jeunesse. Et ils se remettent à attendre des chars. Et les artistes populaires presque oubliés crient de toutes leurs forces qu'ils sont heureux de ne plus être avec les Russes.

C'est la raison pour laquelle la majeure partie du discours «anti-fête» est promu aujourd'hui en Russie-même par les pays voisins. «Pendant ce temps, vos prostituées couchent avec les supporters», «pendant ce temps l'âge de la retraite a augmenté», «pendant ce temps votre Sibérie a été vendue aux Chinois», martèlent-ils.

L'ardeur de ces révélations n'est même pas atténuée par le fait que tout cela est écrit par les citoyens de pays qui ont depuis longtemps été sacrifiés, qui ont depuis longtemps augmenté l'âge de la retraite jusqu'à 65 ans et qui vendent la population au gros et au détail «entre 20 et 50%». Au contraire. Ils ne se vengent pas simplement de l'ancienne métropole, ils cherchent à soulager le sentiment amer de la défaite historique.

Et il ne s'agit même pas d'argent. Ces citoyens des «démocraties nationales» ont appris depuis longtemps à combiner les voyages pour travailler en Russie avec le mépris à l'égard de cette dernière.

Non, ce qui se passe actuellement est bien plus offensant et terrible.

Ils réalisent que la prison qu'ils ont quittée est un pays puissant, couronné de succès et surtout prestigieux. Les anciens et nobles peuples, avec leur propre culture, voient que la prison abandonnée et effondrée de l'empire est à nouveau devant, loin devant.

Et les «leaders de l'opinion publique» locaux prennent conscience du fait que leurs pauvres mais propres «démocraties nationales» ne recevront jamais ce statut prestigieux par définition. Et ceux qui se souviennent encore qu'ils étaient des concitoyens de «ces Russes» souffrent d'un syndrome d'émigration aigu. Avec tous ses effets tragicomiques et les cris inconscients contre le régime sanguinaire, les esclaves génétiques et la Sibérie vendue.

Encore une chose.

Aux yeux des habitants des pays voisins de la Russie, qui ont grandi après l'URSS et n'ont jamais été des «concitoyens russes», le nouveau statut élevé de la Russie est perçu sans drame intérieur. Mais plutôt avec intérêt: tout comme les Latino-américains, ils voient simplement à côté d'eux un centre de force mondial (et à la fois une puissance économique et un large champ pour les affaires et une carrière potentielle). Et certains découvrent tout à coup que la carrière de responsable dans un petit hôtel italien n'est pas le sommet des capacités humaines.

Parce qu'à proximité, s'avère-t-il, se trouve une puissance nucléaire et spatiale (et arctique, pacifique, transitaire, minière et ainsi de suite). Qui réalise l'un après l'autre des macroprojets et qui participe à la gouvernance mondiale. Et qui, comme toute puissance émergente, a besoin de main d'œuvre.

Il faut croire que ce coup dur pour les idées nationales des «anti-Russie» postsoviétiques sera au final plus destructeur que les invasions des chars bouriates.

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