Quand les policiers français sont identifiés, traqués et attaqués

© REUTERS / Charles Platiaupolice
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L’agression d’un couple de policiers en dehors de leur service à Othis (Seine-et-Marne) le 4 juillet n’est que la dernière d’une longue liste. De plus en plus de membres des forces de l’ordre sont reconnus et agressés en dehors de leurs heures de travail. Parfois, ils sont même traqués et attaqués à leur domicile.

Un couple de policiers roué de coups devant leur petite fille de trois ans. Une scène d'horreur qui n'est que la dernière d'une liste qui a tendance à dangereusement s'allonger. Dans la soirée du 4 juillet 2018, ces deux jeunes policiers sortent de chez des amis quand ils sont reconnus par des délinquants, qui s'en prennent à eux.

Affrontements à Nantes suite au décès d'un jeune lors d'un contrôle policier - Sputnik Afrique
Affrontements à Nantes suite au décès d'un jeune lors d'un contrôle policier (images)
La jeune femme, qui a le bras en attelle depuis un accident du travail, a reçu un coup de poing au visage. Son compagnon a quant à lui été molesté à coups de pieds. Résultat? Quatre jours d'interruption totale de travail pour la policière et quinze pour son conjoint. Si la violence de l'attaque laisse pantois, ses raisons n'en sont pas moins troublantes. Les sources divergent quant à la nature préméditée de l'acte, mais elles s'accordent pour dire que le couple a été agressé parce qu'ils sont policiers. «Ils les ont croisés par hasard et ils ont reconnu la policière qui les avait contrôlés à Aulnay-sous-Bois», a confié une source policière à l'AFP.

​Des policiers attaqués en dehors de leur service parce que policiers. Le phénomène prend de l'ampleur. Parfois, il s'agit de véritables attaques préméditées et préparées comme en juin 2017, d quand un agent de police a été agressé chez lui à Cestas, en Gironde, par deux individus. Ils s'étaient déguisés en gendarmes.

En novembre 2017, un policier a été violenté par plusieurs individus en Essonne, le tout devant sa famille. Toujours au mois de novembre 2017, c'est à Pia, dans les Pyrénées-Orientales, qu'un policier aurait été injurié et menacé de mort devant ses enfants, selon le syndicat Unité SGP Police FO 66. Ce dernier dénonçait dans un communiqué «cette nouvelle agression sur un fonctionnaire de police» en rappelant qu'«un policier l'est et le reste H 24».

En mars 2018, un agent en civil a été reconnu et molesté devant un magasin à Athis-Mons dans l'Essonne. Un incident qui s'était soldé par quatre jours d'interruption totale de travail pour le fonctionnaire. Quelques jours avant l'agression d'Othis, c'est à Bugey, dans l'Ain, que l'on est passé tout près du drame. D'après les informations du journal Le Dauphiné, dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, un policier a surpris deux individus dans son jardin. Après leur avoir demandé de quitter les lieux, il s'est vu menacé et frappé. L'un des agresseurs aurait lancé: «Je le connais, il est flic.»

Quelles sont les raisons d'un tel phénomène? Pour Axel Ronde, elles sont multiples. Joint par Sputnik, le secrétaire général du syndicat VIGI —CGT Police Ile-de-France parle d'une société «de plus en plus violente».

«Dans certains quartiers, les jeunes n'ont plus de repères. Ils veulent s'en prendre à toutes figures représentant l'autorité. Il n'y a plus de services publics, mis à part la police et les pompiers. Nous sommes donc les seules forces visibles. Mais lorsque nous sommes en service, nous avons toujours la possibilité d'appeler du renfort. Alors ils attendent que nous soyons seuls, vulnérables», explique le syndicaliste.

à l'instar des sénateurs François Grosdidier (LR) et Michel Boutant (PS), dont la commission d'enquête a récemment pointé le manque criant de moyens de la police, Axel Ronde rend cette absence de ressources en partie responsable de ces agressions:

«Beaucoup de commissariats ne sont pas équipés de parkings souterrains. Les policiers sont obligés de se garer aux alentours. Ils sont donc facilement repérables et cette situation les fragilise.»

Axel Ronde n'est pas le seul à s'inquiéter. Thibault de Montbrial, avocat et fondateur du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure (CRSI), affirme que son organisation recense désormais «plusieurs cas par mois de policiers hors service reconnus et agressé» et dénonce une «situation qui se tend toujours plus».

​Ces attaques contre des policiers ajoutent encore plus de pression et le risque d'explosion se fait de plus en plus sentir. Et ce malgré les déclarations du gouvernement. Après la révélation de l'affaire d'Othis, le Président de la République avait rapidement condamné cette agression. «Pas de mots assez durs pour l'ignominie et la lâcheté des deux voyous qui ont agressé […] un couple de policiers en dehors de leur service sous les yeux de leur petite fille. Ils seront retrouvés et punis», avait affirmé Emmanuel Macron sur Twitter. Son ministre de l'Intérieur Gérard Collomb lui avait vite emboîté le pas en dénonçant une «lâche agression» et «un acte ignoble qui ne restera pas impuni».

​Heureusement pour le Président et son ministre, le 6 juillet, un jeune homme a été arrêté et placé en garde vue dans l'affaire d'Othis. Le deuxième agresseur, lui, court toujours. Car les forces de l'ordre réclament des actes. Alliance, premier syndicat policier de France, demande au gouvernement des mesures pour «que la peur change de camp» et que les policiers cessent d'être «des cibles permanentes». Grégory Goupil, du Syndicat Alliance Police 93 s'est indigné de cette situation: «On s'attaque encore une fois à des policiers de manière préméditée et ciblée. Il faut des peines exemplaires». 

Axel Ronde est sur la même longueur d'onde:

«Il faut que la justice ait les moyens de faire appliquer de lourdes peines réellement dissuasives avec une circonstance aggravante en cas d'agression sur un policier qui n'est pas en service. Une meilleure allocation des moyens financiers est également nécessaire. Ces affaires rendent le recrutement de nouveaux policiers difficiles et anéantissent les coûteuses campagnes réalisées dans ce but. Cette argent devrait servir à protéger les agents.»

Il conclut par une sentence lourde de sens:

«Comment les policiers peuvent-ils protéger les Français s'ils ne peuvent pas se protéger eux-mêmes?»

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