Pour les élus, la révision constitutionnelle de Macron «ne va pas dans le bon sens»

© REUTERS / Charles PlatiauL'Assemblée nationale (France)
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Présenté par le Président en personne en plénière le 9 juillet dernier, le projet de révision constitutionnelle est arrivé à l’Assemblée le lendemain. Et ce qui fait le plus de bruit est la volonté d’Emmanuel Macron de pouvoir répondre aux parlementaires à la suite de son intervention. Une idée pas du tout du goût des élus. Tour d’horizon.

Au lendemain de l'intervention remarquée d'Emmanuel Macron devant le parlement réuni à Versailles le 9 juillet dernier, le projet de loi constitutionnelle pour réformer les institutions politiques françaises a commencé à être débattu à l'Assemblée nationale.

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Le texte, présenté par Nicole Belloubet, actuelle Garde des Sceaux ainsi que par le Premier ministre Édouard Philippe, est composé de 18 articles dont l'importance va du changement purement symbolique à la modification en profondeur du fonctionnement des institutions de la Ve République.

Les modifications symboliques font déjà l'objet de critiques, dont certaines, à l'image de celles formulées par l'ancien ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, virulentes. Le Garde des Sceaux de François Hollande jugeait ainsi les changements constitutionnels entérinés en Commission des lois dans le Nouveau magazine littéraire:

«La majorité d'entre elles relève de la pure redondance par rapport à l'existant juridique et est donc d'une parfaite inutilité constitutionnelle.»

L'égalité homme-femme, pour ne prendre que cet exemple, n'est certes pas inscrit dans la Constitution per se, mais elle est inscrite dans le préambule de la Constitution de 1946, qui est resté inchangé lors de l'adoption de celle du 4 octobre 1958 encore en vigueur aujourd'hui.

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Pourtant, le changement qui peut paraître symbolique mais qui gêne l'opposition est la présence du Président lors des débats suivant son discours devant le parlement — et potentiellement sa possibilité de répondre aux parlementaires. Au sein du Rassemblement National, Marine Le Pen estimait que le Président venait «d'annoncer en quelque sorte la disparition du Premier ministre».

Selon le chef des députés Les Républicains, Christian Jacob, l'octroi de cette prérogative normalement dévolue au Premier ministre, modifie en profondeur l'équilibre instauré en 1958 dans le couple exécutif:

Avec un tel amendement, «nous allons clairement vers un changement de régime, vers un régime présidentiel et vers la fin du poste de Premier ministre», expliquait-il lors de son intervention au parlement.

Même son de cloche au Sénat où son homologue, Bruno Retailleau, qualifiait cette proposition de «fantaisiste» et expliquait qu'il s'agissait de bien plus que d'un changement mineur:

«[Cette proposition] touche à l'ADN, au cœur de l'équilibre des institutions de la Ve République. C'est une sortie de régime. […] Il ne se contente plus d'être un président monarque, il veut cumuler et être un président-Premier ministre», disait-il au micro d'Europe 1.

Raillant le Président alors qu'il avait fait le choix de boycotter la réunion du parlement en plénière, Jean-Luc Mélenchon s'en donnait à cœur joie sur Twitter pour montrer son opposition à la proposition d'Emmanuel Macron:

​La volonté de toute-présence, pour ne pas dire de toute-puissance, d'Emmanuel Macron est, de l'avis de l'ancien ministre de l'Agriculture et porte-parole du gouvernement Hollande Stéphane Le Foll, une aberration:

«Il y a un côté très amateur dans tout ça. On ne peut pas tout faire comme ça à la va-vite. […] Il y a une affirmation d'un pouvoir plébiscitaire d'Emmanuel Macron, qu'il va chercher, qu'il veut, mais qui est un problème démocratique», assénait sur LCP l'actuel député du Parti Socialiste.

Le 10 juillet, lors des questions au gouvernement, le député UDI-Agir-Indépendants Yves Jégo — pourtant Macron-compatible — a utilisé son temps de parole de deux minutes pour mettre en garde contre une trop grande prédominance de la figure du Président (la fameuse «hyperprésidentialisation» à la française), que la révision constitutionnelle viendrait consacrer, et pour alerter sur «l'antiparlementarisme, un poison mortel»:

«Depuis le début de la Ve République, on a assisté à une hyperprésidentialisation du régime et à une perte de pouvoir progressive du parlement. […] Les élus, l'administration, les collaborateurs sont dévoués à la cause de l'intérêt général», annonçait Yves Jégo à ses pairs le 10 juillet dernier, juste avant de quitter la vie politique.

Brice Hortefeux, ancien ministre et président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, chargeait également contre la révision constitutionnelle défendue par le couple exécutif et, interrogé par L'Opinion, disait de celle-ci:

«Elle ne va pas du tout dans le bon sens […] Ce sont aux parlementaires de décider. Nous ne sommes pas dans un régime à l'américaine, c'est le Premier ministre qui doit s'adresser au parlement. Si j'étais parlementaire, je voterais contre.»

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