«Les lois contre les fausses nouvelles mettent la démocratie dans les cordes»

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Alors que la commission des lois du Sénat a rejeté le 17 juillet les deux textes très controversés censés lutter contre les «fausses nouvelles», Sputnik France a joint plusieurs parlementaires, qui se félicitent de cette décision. Et ils ne comptent rien lâcher. Les propositions de loi retourneront bientôt à l’Assemblée.

À peine quelques jours après l'euphorie de la victoire en Coupe du Monde, l'ambiance s'est sûrement déjà refroidie à l'Élysée. Voulues par l'exécutif, les deux propositions de loi destinées à lutter contre la «manipulation de l'information» en période électorale viennent de subir un camouflet. Très controversées, ces dernières ont, après de houleux débats, été adoptées par l'Assemblée nationale début juillet 2018. Mais le Sénat a fait dérailler la machine. Le 17 juillet, le président de la commission des lois du Sénat, le sénateur Philippe Bas (LR), a annoncé que cette dernière avait déposé une motion de rejet concernant les deux textes. La commission culture et média a décidé d'en faire autant.

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Une décision dont se réjouit le sénateur Roger Karoutchi (LR), qui s'est confié à Sputnik:

«Je suis très satisfait de cette décision. Je considère que c'est un texte dangereux et mal préparé. Il est inconcevable de donner à une "autorité" le pouvoir de décider quelle information est bien relatée et quelle autre ne l'est pas. Tout ceci est encore fait au nom du politiquement correct et de la bien-pensance.»

Roger Karoutchi n'est pas le seul à considérer le côté arbitraire des lois «fake news». De nombreux élus se s'y sont vivement opposés, comme le député et leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier avait, en juin dernier, publié un article sur son blog dans lequel il pointait le danger que représenteraient les textes pour la démocratie: «Sous prétexte de viser "Russia Today" et "Sputnik", tous les sites sont désormais sous la menace d'une interruption décidée par le pouvoir.»

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Pour rappel, les deux propositions de loi visent à permettre à un candidat ou un parti de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de «fausses informations» durant les trois mois précédant un scrutin national. Elles imposent aussi aux plateformes numériques (Facebook, Twitter, etc.) des obligations de transparence lorsqu'elles diffusent des contenus contre rémunération.

Alain Houpert, sénateur (LR) de la Côte-d'Or a livré son analyse à Sputnik. S'il assure qu'il faut «réprimer les fausses informations», il souhaite que l'on protège la liberté d'expression. Et il pose les termes du débat: «J'ai des questions: qu'est-ce qu'une fausse nouvelle? Qui décide? Qui interprète?»

«Ces lois mettent la démocratie dans les cordes. Notre pays va mal et de là à ce qu'elles servent à museler les critiques, il n'y a qu'un pas. Voulons-nous vraiment revenir à l'époque de Galilée et Copernic? Je ne veux pas que l'on passe d'une démocratie à une démocrature.»

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Du côté des défenseurs du texte, on pointe la nécessité d'un meilleur contrôle de l'information, notamment sur les réseaux sociaux. Alors qu'il s'exprimait sur les ondes de Radio Classique en juin dernier, le député Stanislas Guérini (LREM) a défendu les motivations de sa formation politique:

«Ce qu'on cherche à faire, c'est que, particulièrement pendant les périodes électorales […], on puisse non pas censurer […], mais réguler les choses et particulièrement sur les plateformes comme Facebook, Twitter, etc. Aujourd'hui ce qu'on a, c'est parfois un déversement d'informations, de façon automatique, robotisée, où on sponsorise l'information, Et c'est ça qui sera visé par cette loi, non pas la possibilité de faire un édito, aussi contestable soit-il.»

Roger Karoutchi, assure quant à lui que cette loi n'est pas nécessaire au regard des textes actuels:

«L'arsenal juridique existe et il est solide. Aujourd'hui, si vous diffamez vous pouvez être attaqué en justice.»

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Et maintenant? Quel avenir pour ces propositions de lois? Elles ne seront pas débattues au Sénat lors de leur examen en séance, prévu les 26 et 27 juillet, comme l'a rappelé Christophe-André Frassa (LR), rapporteur de la commission des lois du Sénat. D'après l'élu, il n'y a «pas lieu de délibérer» sur le texte:

En raison des doutes sur l'efficacité des dispositions proposées, mais également en raison des risques d'une atteinte disproportionnée à la liberté de communication que présente la principale disposition de la proposition de loi, il n'est pas apparu pertinent à votre commission de légiférer de manière précipitée», a-t-il écrit dans son rapport.

Les textes feront donc leur retour à l'Assemblée nationale pour un nouvel examen. Le groupe LREM étant majoritaire dans l'hémicycle, le texte pourrait être revoté sans avoir subi de modifications. Une possibilité qui ne décourage pas Roger Karoutchi:

«Il est rarissime que le Sénat aille jusqu'à refuser de débattre d'un texte. Si l'Assemblée nationale les vote à nouveau, nous ferons un recours auprès du Conseil Constitutionnel. Le Sénat ne laissera pas passer ces textes.»

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