Oubliettes de «Satan»: Pourquoi la Russie ne renoncera pas aux silos nucléaires

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Les missiles balistiques lourds R-36M Voevoda (code Otan SS-18 Satan) sont le principal argument de choc des Forces de missiles stratégiques russes (RVSN) depuis plus de 40 ans.

Cachés dans des silos souterrains renforcés, ces missiles intercontinentaux de 200 tonnes sont la principale épine dans le pied des spécialistes de la défense antimissile des États-Unis. En effet, il est impossible de les neutraliser, même par une frappe nucléaire préventive contre leur zone de stationnement. Quels sont les principaux avantages des silos à missiles?

Un géant nucléaire

Les RVSN sont prêtes à lancer simultanément plusieurs dizaines de missiles R-36M dotés de dix ogives séparables à guidage individuel chacun, et pouvant frapper le territoire ennemi avec une charge thermonucléaire d'une puissance comprise entre 5 et 8 mégatonnes. Outre les ogives réelles, le Satan embarque plusieurs leurres légers et lourds qui désinforment les systèmes antimissiles (ABM) de l'ennemi à l'approche des ogives.

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Seule la puissance du Satan est capable de soulever une charge de presque 9 tonnes et de la transporter à plus de 10.000 km. Les missiles à combustible solide mobiles terrestres Topol et Iars en sont incapables. Pas étonnant, donc, qu'en signant le Traité de réduction des armes stratégiques (START-1) les USA aient mis l'accent précisément sur la réduction des missiles à combustible liquide en silo.

A cette époque, l'arsenal de l'URSS comptait plus de 300 missiles de classe Satan. Le traité exigeait d'en détruire la moitié.

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Vers un stationnement souterrain

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Jusque dans les années 1960, l'armement stratégique de l'URSS était déployé sur des sites de lancement ouverts, c'est-à-dire que les installations n'étaient pratiquement pas masquées. Mais avec l'évolution des systèmes de reconnaissance et d'observation, les missiles et tous les équipements technologiques ont été littéralement cachés sous terre. Les premiers silos étaient destinés au stockage à long terme des missiles R-12U et R-14U. Les missiles à un étage de moyenne portée permettaient d'envoyer des «colis» nucléaire à 2.000 et 4.000 km respectivement.

Un silo à missile se présentait alors sous la forme d'un puits de 30 m de profondeur et de 6 m de diamètre. Une plateforme de lancement était installée au fond avec les structures porteuses et les systèmes de ventilation permettant de maintenir la température et l'humidité nécessaires. Le tout était recouvert par un couvercle de béton de plusieurs tonnes — un dispositif de protection qui, si besoin, se déplaçait sur des rails. Dans un tel bunker, les missiles pouvaient être stockés pendant des années en état opérationnel permanent.

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Les silos ont été modernisés et perfectionnés pour chaque nouveau type de missiles, et leur niveau de protection a été amélioré. Par exemple, les plateformes de lancement plus modernes pour les missiles UR-100 étaient déjà dotées de systèmes pivotants à ouverture rapide — avant le lancement, le couvercle de plus de 100 tonnes était automatiquement rabattu en 30 secondes. Les missiles étaient approvisionnés en carburant à l'usine de fabrication et «emballés» dans des conteneurs de transport et de lancement spéciaux avant d'être descendus dans les silos. Ils y restaient jusqu'à l'expiration de leur durée d'exploitation.

© Sputnik . Vladimir Fedorenko / Accéder à la base multimédiaTir d'un missile RS-20
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Un coffre impénétrable

Le silo du missile stratégique Voevoda est une construction encore plus complexe. Pour la première fois au monde a été utilisé le principe de lancement du mortier: un générateur de gaz à combustible solide crée une pression accrue dans la partie inférieure du conteneur de transport et de lancement, qui propulse le missile de 200 tonnes à environ 20 mètres de haut. A cette altitude, le moteur du premier étage se met en route et le missile adopte alors la trajectoire qui lui a été donnée.

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Selon le vétéran des RVSN et docteur ès sciences techniques Piotr Belov, les R-36M sont les plus dangereux pour la défense antimissile américaine, parce qu'il est pratiquement impossible de les détruire dans leurs silos. Le Voevoda est si bien protégé qu'il ne craint même pas une frappe nucléaire massive contre sa zone de stationnement.

«Il faut un impact extrêmement puissant pour détruire les silos. Nos silos ont été conçus pour une pression excessive jusqu'à 100 bars, explique Piotr Belov. A titre de comparaison: les fenêtres des maisons se brisent sous une pression de 0,05 bar, et un bâtiment est détruit à 0,2 bar. De plus, les spécialistes ont même envisagé un scénario où le dispositif de protection serait enseveli: un système spécial de déblayage avec des charges de poudre a été prévu, qui balaye tout ce qui se trouve sur le couvercle.»

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Les silos pour les missiles nucléaires sont généralement creusés dans un sol dense. A l'intérieur du cylindre est accroché, sur des balanciers, un conteneur de transport et de lancement avec l'ogive et les systèmes de contrôle, pour qu'en cas de déformation du silo le missile ne soit pas endommagé et puisse en être extrait. Au moment du lancement, le système d'amortissement est fermement bloqué.

Le poste de commandement, qui contrôle tout un groupe de missiles installés à quelques kilomètres les uns des autres, possède une structure similaire. La liaison est assurée par des canaux filaires souterrains. Le conteneur habité de 3 mètres de diamètre est séparé à la verticale en 12 compartiments avec différents équipements, des groupes électrogènes, des systèmes de ventilation et de refroidissement. Le personnel se trouve dans les deux compartiments inférieurs. Le complexe est entièrement autonome: en cas de déclenchement des hostilités, il peut fonctionner en autonomie pendant trois jours.

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Bien que l'emplacement de tous les silos soit aujourd'hui bien connu de l'ennemi potentiel, il n'est pas facile de détruire un tel dispositif en lançant une charge nucléaire isolée directement sur lui. «Les armements américains ont atteint une très grande précision. Mais cette précision est garantie en cas de lancement le long des parallèles de la Terre. En cas de vol par le pôle Nord, un missile balistique est affecté par la force de Coriolis. Et il est impossible d'évaluer leur impact parce que ni nous ni les Américains n'avons encore tiré de missiles balistiques l'un contre l'autre», explique l'expert.

Selon lui, il serait inutile d'orienter plusieurs ogives contre un seul silo: de toute manière elles ne s'approcheraient pas de l'objectif en même temps, et l'explosion de la première ogive détruirait celles qui la suivent.

En ce qui concerne les missiles de croisière conventionnels, leur vitesse est trop faible pour atteindre les silos situés dans le centre du pays: ils seront abattus par les systèmes antimissiles ou par des avions d'interception. Même si certains parvenaient à percer la barrière antiaérienne, jusqu'à dix missiles seraient nécessaires pour détruire un seul couvercle de silo.

Aucune alternative

Après la signature du traité START, la Russie a détruit des centaines de silos contenant des missiles lourds. Ils ont été inondés, ensevelis avec du béton, les missiles ont été recyclés. Actuellement, les RVSN disposent de près de 50 missiles R-36M Voevoda, de plusieurs dizaines de UR-100, et de versions à silo des Topol-M légers.

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Ces dernières années, les RVSN misent sur les systèmes mobiles — ou «terrestres» — Iars. On estime que leur mobilité leur garantit une longue viabilité: les missiles sont camouflés et se déplacent constamment, et le fait qu'ils soient tout-terrain leur permet de se passer des routes.

Mais chaque médaille a son revers: si un silo stationnaire blindé pouvait être détruit uniquement par l'impact direct d'une munition brisante, un complexe mobile peut être neutralisé même par un groupe commando réduit muni de lance-roquettes. Ou encore par une puissante mine antichar posée sur son itinéraire. Ces véhicules sont modernisés parallèlement au renforcement des capacités des groupes commandos.

Nul n'a toutefois l'intention de renoncer aux silos à missiles: outre les missiles mobiles, les RVSN reçoivent également des versions à silo des Iars. Et dans les années à venir, le successeur du Voevoda entrera en service: il s'agit du missile lourd de nouvelle génération RS-28 Sarmat dont la portée dépasse 11.000 km, et qui peut embarquer jusqu'à 15 ogives séparées de 750 kt chacune. Les silos des nouveaux missiles seront extrêmement bien protégés physiquement: la destruction totale d'un silo nécessiterait au moins sept frappes nucléaires de haute précision.

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