Dans le foot, l’information parasitée par les fake news au nom du business

© Sputnik . Alexey Filippov / Accéder à la base multimédiaNeymar lors du Mondial 2018
Neymar lors du Mondial 2018 - Sputnik Afrique
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Emmanuel Macron a fait de la lutte contre les fake news un cheval de bataille… mais uniquement dans la politique. Pourtant, en plein mercato, le monde du football regorge de rumeurs, dont la presse sportive se fait volontiers l’écho… alors qu’elles sont souvent inventées de toutes pièces. À qui profitent les fake news dans le foot?

La Coupe du Monde a peine achevée, le marché des transferts reprend ses droits, avec des règles qui, semble-t-il, lui sont propres. Prenons le cas de l'emblématique Neymar: de nombreuses rumeurs le situent au Real Madrid, et ce alors que le joueur lui-même a déclaré qu'il resterait au Paris Saint-Germain et que le club madrilène a publié un communiqué pour démentir toute offre à son homologue parisien pour le joueur de la Seleçao.

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D'où viennent ces rumeurs? Sont-elles fondées et, dans le cas contraire, à qui profitent-elles? Face à l'explosion d'informations parfois contradictoires que l'on peut lire dans la presse sportive, Sputnik s'est intéressé à la relation entre ces rumeurs —dont une partie sont indéniablement des fake news- et l'inflation galopante de la cote des joueurs dans le «mercato».

De l'aveu de Thomas Lintz, chef d'exploitation du site TransferMarkt —principale référence concernant la valeur réelle des joueurs de football, de nombreux acteurs de l'industrie du football ont un intérêt à relayer des rumeurs, quitte à diffuser de fausses informations.
En 2016, l'Observatoire du football en France expliquait qu'il était courant, dans le milieu du ballon rond, de «diffuser une information pour augmenter le prix d'un joueur». Une affirmation que confirme Thomas Lintz:

«Je suis sûr que ça arrive. Je suis même presque sûr que clubs déclarent un intérêt pour un joueur qu'ils n'envisagent pas de recruter pour augmenter son prix pour d'autres clubs. Ça n'arrive probablement pas aussi souvent qu'on le pense, mais c'est parfois le cas.»

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Empêcher un rival direct, sur le plan national ou européen, de se renforcer, ou tout du moins l'obliger à mettre la main au portefeuille serait donc l'un des motifs que les clubs auraient de diffuser de fausses informations. Mais ce n'est, selon Thomas Lintz, pas le seul:

«Je pense que certains clubs diffusent parfois des rumeurs uniquement pour voir comment le marché footballistique réagit.»

En clair, certains clubs annoncent, par le biais de sources anonymes dans des médias sportifs, des tarifs de plus en plus exorbitants pour se séparer de l'un de leurs joueurs. Lorsqu'on lui demande si ces rumeurs ont participé à l'inflation sur le marché des transferts ces dernières années, le chef d'exploitation de TransferMarkt répond que «c'est une certitude. C'est la manière dont le marché fonctionne».

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C'est également, pour les clubs cotés en bourse, un moyen d'observer les réactions des investisseurs avant même la prise de décision. Ainsi, avant l'annonce officielle, les rumeurs qui situaient Cristiano Ronaldo à la Juventus de Turin avaient fait augmenter l'action du club transalpin de plus de 30% en quelques jours.
Pour autant, comme l'explique le chef d'exploitation de TransferMarkt,

«Les clubs ne sont pas les seuls à promouvoir l'intérêt pour un joueur et à créer un effet de mode, ce sont aussi les réseaux sociaux, la télévision, les entreprises comme Nike et Adidas qui transforment des joueurs en superstars en les mettant dans toutes les pubs.»

Malgré tout, Thomas Lintz estime que la majeure partie des rumeurs relayées par les différents médias sportifs ne peut pas être considérée comme des fake news à proprement parler. Prenant l'exemple du joueur de Monaco Thomas Lemar, dont l'intérêt supposé de «plusieurs clubs de Premier League» avait été rendu public, il explique:

«Les clubs sont-ils juste intéressés? Dans ce cas, la plupart des rumeurs sont vraies, parce que, si vous parlez de Lemar, les grands clubs seraient stupides de ne pas s'y intéresser, de l'avoir sur une liste de talents, au moins en ce moment.»

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Il se montre beaucoup moins nuancé en ce qui concerne les agents de joueurs, ces conseillers rémunérés à la commission sur le montant du transfert:

«Je peux vous dire que les managers et les agents le font très certainement. Il est facile, pour un journaliste, de recevoir un appel d'un agent de joueurs. La plupart des journalistes en connaît probablement plusieurs. Et ces derniers vont certainement, à un certain point, parler de certains faits, dont une partie sera inventée, et tout cela deviendra des rumeurs», explique Thomas Lintz.

Le chef d'exploitation de TransferMarkt rappelle qu'il est de surcroît «beaucoup plus facile de créer et de diffuser une rumeur» aujourd'hui. Mais alors pourquoi la presse sportive se fait-elle le relais de ces informations parfois d'origine douteuse et invérifiable?

«Il y a sûrement des médias où des journalistes inventent une rumeur pour obtenir du clic. C'est quelque chose qui existe, c'est certain», explique à Sputnik Thomas Lintz.

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S'il ajoute que «c'est avant tout une question de vendre», certains journalistes sont motivés, consciemment ou non, par «une question de portée de leurs idées».

«Ces journalistes ont des idées quant au développement du club, au joueur dont ce dernier aurait besoin, etc. Ces idées influencent peut-être leur travail de façon inconsciente.»

Les rumeurs, parmi lesquelles se glissent donc un certain nombre de fake news, ont donc un réel impact sur l'industrie du football. Partant de ce postulat, pourquoi les tolérer, voir les ignorer, alors que le projet de loi fake news a été voté par l'Assemblée nationale le 4 juillet dernier? 

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