Confisquer l'argent de l'Ukraine et saper le dollar? Les contremesures de Moscou

© Sputnik . Natalia Seliverstova / Accéder à la base multimédiaLe Kremlin de Moscou
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L'une des conséquences paradoxales du sommet d'Helsinki a été le renforcement de la guerre de sanctions. Toutefois, ce caractère paradoxal est fictif car il s'explique avant tout par la volonté d'une grande partie de l'establishment US d'annuler les résultats du sommet russo-américain.

Les sénateurs et les congressistes américains cherchent activement à faire passer deux initiatives de sanctions antirusses après la rencontre Poutine-Trump. Selon l'une de ces initiatives, les restrictions doivent frapper les participants au projet du gazoduc Nord Stream 2. La seconde initiative s'appelle «projet de loi NOPEC» qui a été soumis avant le sommet, mais après celui-ci il a reçu un soutien supplémentaire du Parti démocrate. Si cette loi était adoptée, les tribunaux américains pourraient traiter des plaintes antimonopole visant les Etats membres du cartel «Opep+Russie» pour essayer de les condamner à des amendes pour la manipulation des prix pétroliers.

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Le gouvernement russe a commencé à préparer ses contremesures, et les médias libéraux rusent manifestement en affirmant que leur principal objectif consiste à protéger l'économie russe contre les sanctions. Certes, les 17 points évoqués actuellement au gouvernement contiennent suffisamment de mesures de protection visant à empêcher les sanctions de bloquer l'accès aux marchés financiers pour les compagnies russes, mais il existe également des mesures tout à fait offensives. De plus, certaines d'entre elles étaient à l'étude encore en 2014, en pleine crise ukrainienne, mais il a été décidé à l'époque de les remettre à plus tard, pour une époque meilleure. Et l'«époque meilleure» semble être arrivée, les mesures économiques visant Washington et Kiev devraient être annoncées en août.

Selon les médias, «le document inclura la possibilité de bloquer les actifs et interdire la sortie des capitaux» pour une liste d'individus ukrainiens — des membres du gouvernement, du secteur militaire ou des politiciens. De plus, le ministère du Développement économique doit présenter une analyse des importations en Russie des marchandises ukrainiennes pour évaluer lesquelles d'entre elles pouvaient être concernées par les contremesures.

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Il semble à première vue que les mesures de ce genre sont symboliques et ne peuvent avoir aucun impact politique (simplement parce que les importations ukrainiennes en Russie se sont déjà fortement réduites par rapport à il y a cinq ou six ans). Et les sanctions individuelles contre des politiciens ukrainiens qui ont pour habitude de placer leur argent dans les offshores ne paraissent pas impressionnantes. Mais c'est seulement à première vue. C'est pourquoi les médias russes soulignent que les sanctions individuelles contre des politiciens étaient activement promues depuis 2014, et la promotion active de mesures à rendement zéro n'aurait certainement eu aucun sens.

La pratique montre qu'en «grattant» bien on pourrait facilement trouver chez un politicien ukrainien de l'immobilier en Crimée ou à Moscou, voire des actifs commerciaux dans le pays qualifié, pour une raison qu'on ignore, d'«agresseur» par Kiev. Si les sanctions anti-ukrainiennes étaient adoptées dans leur version dure, il faut s'attendre à des surprises et à des découvertes intéressantes.

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Et la direction la plus importante des nouvelles contremesures sera la lutte pour la dédollarisation du commerce extérieur russe. Bien des choses dépendent de la réalisation concrète de cet objectif stratégique, mais dès à présent il existe des raisons d'être optimiste. A en juger par les fuites actuelles dans les médias, le gouvernement a pour tâche de maximiser l'usage «essentiellement des monnaies nationales» dans l'activité commerciale extérieure russe. Si le gouvernement adoptait une approche aussi résolue de cette tâche que la Banque centrale par rapport à la réduction des investissements des réserves de change russes dans les obligations américaines, des résultats palpables pourraient être obtenus dans une perspective pas si éloignée.

Tout en comprenant un certain scepticisme des analystes qui se souviennent que la question de dédollarisation du commerce des hydrocarbures a été soulevée par le Président au plus haut niveau encore en 2014-2015, sans pour autant parvenir à un progrès notable. Toutefois, il y a seulement un an peu croyaient en la capacité de la Banque de Russie de trouver rapidement une alternative liquide aux obligations américaines.

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L'élément-clé du mécanisme de dédollarisation du commerce pétrolier russe est déjà créé — il s'agit de la Bourse internationale de marchandises et de matière première de Saint-Pétersbourg où (pour l'instant en dollars et dans une quantité minime) sont vendus des contrats à terme du baril Urals. En présence d'une certaine volonté politique et en adoptant des mesures réfléchies à caractère administratif et régulateur, il est possible de rediriger une partie des exportations pétrolières russes sans utiliser la monnaie américaine.

Dans un scénario parfait cela permettrait d'élargir progressivement le secteur de l'utilisation internationale du rouble russe. Bien sûr, tout changement de configuration des schémas commerciaux extérieurs existants sera négativement perçu par les utilisateurs de ces schémas, mais la pratique a déjà montré (comme le montre l'exemple de la compagnie Rusal) qu'il vaut mieux se préparer à l'avance à la turbulence géopolitique et à l'apparition de risques géopolitiques — sinon il faudra réparer les conséquences une fois qu'un autre responsable américain a décidé de brandir le bâton des sanctions.

Parmi toutes les mesures économiques possibles à disposition du gouvernement russe, la dédollarisation des exportations pétrolières est probablement la plus efficace en termes de préjudice direct pour la stabilité des USA. Certes, la dédollarisation seulement du commerce pétrolier russe ne fera pas chuter le dollar, mais elle pourrait créer un précédent nécessaire pour le marché pétrolier.

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Si pour une raison ou une autre (par exemple, à cause des tentatives de Donald Trump de contrôler le prix du pétrole ou des tentatives des tribunaux américains d'infliger des amendes aux membres de l'Opep) d'autres pays exportateurs suivaient cet exemple, le système du pétrodollar, qui assure depuis un demi-siècle aux USA des privilèges économiques colossaux et la possibilité de «boucher» relativement impunément leurs trous budgétaires grâce à la planche à billets, serait sapé.

Or le démantèlement de ce système n'est pas une question d'un mois ou d'un an, et la Russie ne peut pas régler ce problème en solitaire, mais il serait préférable que le travail actif en ce sens commence dès à présent.

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