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Les économistes ne mangent pas tous des enfants! Rendez-vous chaque semaine avec Jacques Sapir, Clément Ollivier et leurs invités pour égrener les sujets de fond qui se cachent derrière le tumulte de l’actualité.

Existe-t-il des énergies propres?

Jacques Sapir
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On oppose communément les énergies dites «propres» aux énergies fossiles, mais le renouvelable comporte aussi des risques. Sommes-nous condamnés à choisir entre des types de pollution, ou faut-il repenser le problème de façon plus globale? Les spécialistes Francis Perrin et Philippe Sébille-Lopez sont les invités des Chroniques de Jacques Sapir.

Au cœur de la question écologique, le sujet de l'énergie est plus complexe qu'il n'y paraît. On connait bien sûr les risques environnementaux du pétrole, mais les autres énergies, y compris renouvelables, sont-elles véritablement propres? Les formes de pollution qu'elles génèrent, même si elles sont plus indirectes et moins émettrices de carbone, sont bien réelles. Les éoliennes et les barrages, par exemple, déstabilisent certains milieux naturels, tandis que les voitures électriques posent le problème de l'extraction et du recyclage des métaux lourds indispensables à leurs batteries. Sous cet angle, l'aspect le plus important de la transition énergétique serait-il donc la quantité plutôt que la nature de l'énergie consommée? À moins de baisser sensiblement nos consommations, serons-nous réduits à faire des arbitrages entre des formes de pollution? Peut-on comparer les différents types de pollution? Qu'implique une baisse structurelle de la consommation d'énergie?

Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Francis Perrin, spécialiste des questions énergétiques à l'OCP Policy Center et directeur de recherche à l'IRIS, et Philippe Sébille-Lopez, expert en géopolitique de l'énergie et consultant en intelligence économique.

Francis Perrin regrette que le sujet soit souvent abordé de façon simpliste: «On est parfois plus sur des débats de type théologique que véritablement énergétique et économique. Le terme d' "énergies propres" n'est pas du vocabulaire scientifique, on peut mettre un peu ce qu'on veut sous cette appellation. Bien sûr, dans le contexte actuel, quand on parle d'énergies propres, on fait surtout référence à la dimension carbone. C'est parfaitement compréhensible, mais ce n'est pas le seul aspect de la pollution. En termes de bilan carbone, les énergies les plus propres sont l'éolien, l'hydroélectrique… et le nucléaire! Or on connait les autres risques que représente le nucléaire. Quant aux mines de cobalt en Afrique, par exemple, qui servent aux batteries des voitures électriques, on peut aussi dire que ce n'est pas propre, mais en termes de droits de l'homme.»

Selon Philippe Sébille-Lopez, «l'énergie la plus propre, c'est celle qu'on ne consomme pas. Le cœur de la question, c'est la sobriété énergétique, mais on n'en prend pas le chemin pour l'instant, puisque les deux grandes transitions du XXIe siècle, la transition énergétique et la transition informatique, vont nous faire paradoxalement consommer plus d'énergie. Un autre problème qui n'est pas traité sérieusement, c'est celui de la pollution importée, qui n'est pas comptabilisée. On raisonne aujourd'hui en termes d'émissions, c'est-à-dire ce que vous consommez chez vous, et pas ce qui a été émis pour fabriquer les biens que vous importez. C'est pour ça que la Chine est le pollueur numéro un, parce qu'elle est devenue l'atelier du monde. En fait, cette pollution qui figure au bilan chinois permet de réduire la "facture" des émissions des pays qui importent ses biens.»

Pour Jacques Sapir, l'enjeu est donc structurel: «On peut tout à fait trouver des formes plus économes de consommation d'énergie, que ce soit pour notre consommation courante, pour le transport ou pour le chauffage, mais il faut savoir que cela implique une réorganisation extrêmement importante, non pas de nos modes de vie, mais de nos cadres de vie. Les grandes agglomérations qui se développent aujourd'hui sont des pièges à consommation d'énergie. Quant aux transports, on aura beau passer à la voiture électrique, cela polluera toujours plus, proportionnellement, que n'importe quel transport en commun. Tout ceci renvoie le problème à une question politique: sommes-nous prêts à faire un effort collectif pour repenser notre cadre de consommation, ou bien voulons-nous simplement baisser un peu notre consommation en restant dans le même cadre?»

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