Entourage, l’application qui connecte riverains et sans domicile fixes

© Sputnik . Vladimir Fedorenko / Accéder à la base multimédiasans-abri
sans-abri - Sputnik Afrique
S'abonner
Comment faire le premier pas vers un sans-abri? Si l’envie d’aider un SDF que l’on croise régulièrement est présente, cet élan peut se heurter à une appréhension, voire une crainte de la rencontre. L’association Entourage propose avec son application pour smartphone de briser la glace… virtuellement.

Un mendiant - Sputnik Afrique
Un SDF sibérien trouve un logement en 24 heures à l’aide d’une bloggeuse
Comment réussir à recréer du lien social entre riverains et sans domicile fixes? Si la réponse à cette question peut paraître simple, dans les faits, il n'est pas rare qu'une personne qui souhaite venir en aide ne sache pas comment s'y prendre ou éprouve une certaine appréhension à l'idée de faire le premier pas. Pour réussir à connecter ces deux «populations», l'association Entourage a lancé en 2016 une application mobile afin de créer des actions solidaires. Avec cette application, disponible pour les villes de Paris, Lyon, Lille, Grenoble et prochainement Rennes, près de 45.000 personnes ont créé un compte à ce jour et réalisé 3.500 actions de solidarité.

Claire Duizabo, responsable communication de l'association Entourage, explique que l'application souhaite lutter contre l'indifférence. «Les SDF nous disent que le pire quand on est dans la rue, c'est l'isolement, le sentiment de solitude, d'avoir la sensation d'être rejetés, invisibles. Certains nous disent même qu'ils ont l'impression d'être un sac-poubelle sur le trottoir.»

«L'idée est de réconcilier deux populations qui partagent le même trottoir, les mêmes quartiers, mais qui ne se parlent pas […] Très concrètement, l'application permet aux gens de se coordonner, par le biais d'initiatives solidaires» déclare Claire Duizabo.

Sur la plateforme, riverains, sans-abri et associations se retrouvent pour s'entraider. Les riverains peuvent proposer leur service pour «refaire un CV, apporter des produits d'hygiène aux femmes de la rue». De plus, les riverains peuvent communiquer sur les besoins d'une personne en situation de précarité, avec son consentement. Les associations, quant à elles, peuvent «relayer leurs évènements, par exemple, l'armée du Salut fait une distribution de soupe demain soir et a besoin de deux bénévoles en plus en urgence.» Enfin, les sans-abri peuvent également proposer ou demander un service. Par ailleurs, l'application montre sur la carte les points d'eau, hôpitaux et autres structures d'urgences les plus proches.

© Photo capture d`écranapplication Entourage
application Entourage - Sputnik Afrique
application Entourage

20 à 30% des sans-abri disposent d'un smartphone

L'application Entourage, qui avait pour objectif premier de cibler les riverains «qui voulaient agir, mais qui ne savaient pas comment» s'est rendu compte que 10 à 15% des actions sont créées par des SDF. En effet, comme le rappelle, à juste titre, Claire Duizabo «il ne faut pas oublier que ce sont des gens qui avaient des vies avant. On ne naît pas SDF. Ce sont des gens qui avaient des smartphones ou autre chose de ce type. Ce sont des accidents de la vie.»

«Il y a beaucoup plus de smartphones dans la rue que l'on peut imaginer. 20 à 30% des personnes SDF sont équipées d'un smartphone. L'immense majorité dispose de téléphones normaux, mais 20 à 30% ont des téléphones intelligents avec un accès internet. Ils passent majoritairement par des forfaits free à 2 € ou certaines associations prennent en charge une partie du forfait.»

Grâce à cette réalité technologique, «les sans-abri deviennent complètement acteurs. Ils arrêtent de subir l'aide et ils reprennent leur destin en main en dialoguant directement avec les gens» explique Claire Duizabo.

Pourtant, si les applications venant en aide aux personnes précaires sont nécessaires, «We save homeless» a créé la polémique. La raison? Des internautes se sont interrogés sur le caractère dérangeant de la géolocalisation, de la possibilité de ficher les SDF et surtout du non-respect des données personnelles. Selon Claire Duizabo, avec l'application Entourage, de tels problèmes ne sont pas envisageables. D'une part, «nous sommes très vigilants à l'éthique et au respect des données personnelles. On a d'ailleurs travaillé avec un ancien auditeur de la CNIL.» Et d'autre part, «dès le début de l'aventure Entourage, un comité de la rue a intégré la gouvernance de l'association. Ce comité, composé de huit personnes qui ont toutes eu des expériences dans la rue, aide notamment à construire la feuille de route, à mettre en place des actions (atelier de sensibilisation dans les écoles, universités ou les entreprises). Ce comité fait vivre le réseau grâce à ses conseils.»

«Concernant la géolocalisation, la première chose que le comité de la rue nous a dit, c'est que c'était dangereux de dire par exemple qu'une femme SDF se trouve à tel endroit, qu'elle ne le sache pas et qui plus est, sans son consentement.»

À défaut d'un système qui géolocalise les personnes, Entourage a opté pour la localisation d'une zone de 250 m de diamètre, prenant la forme de cercle orangé appelée «zone de chaleur humaine», qui indique où se trouve une action solidaire.

«Le centre de cette zone bouge régulièrement pour que l'on ne puisse pas vraiment savoir où c'est. Tout ce qui est public n'a pas d'adresse. Il faut rejoindre l'action pour accéder à une messagerie privée où les gens peuvent se donner entre eux un endroit précis de rencontre» détaille Claire Duizabo.

© Photo capture d`écranapplication Entourage
application Entourage - Sputnik Afrique
application Entourage

En outre, pour être certaine d'éviter tout problème, l'association a recruté un travailleur social qui s'occupe de la modération de chaque action afin de vérifier que celle-ci est en conformité avec la charte éthique (pas de géolocalisation, pas de données sensibles, pas de données personnelles et respect du consentement.)

Si l'application permet d'aider matériellement un sans-abri, pour Claire Duizabo, ce n'est pas la finalité du projet.

«On ne veut pas être un réseau d'aide matérielle, on n'a pas en fait vocation à être Le bon coin de la solidarité. On veut être un réseau de relation sur le long terme, c'est ça qui a de la valeur. Dans toutes les histoires de réinsertion que l'on a, c'est parce que l'on peut compter sur des gens et que l'on réexiste dans le regard de l'autre.»

Et de conclure,

«Le don matériel, c'est souvent un prétexte pour démarrer une relation […] Maintenant que le premier pas est fait et le contact noué, il faut le maintenir. Le plus important, c'est la régularité du lien, la fidélité dans la relation.»

L'application Entourage est disponible gratuitement sur App Store et Google Play.

 

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала