Pour les Occidentaux, le prochain drame d’Idlib n’est pas vraiment humanitaire!

© AFP 2023 Karam Al-Masrisyrische Stadt Idlib (Archivbild)
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Après «le chimique», place à «l’humanitaire». Les Occidentaux exercent à nouveau une forte pression sur Damas pour enrayer, médiatiquement, «l’effroyable crise humanitaire» qui découlerait d’une offensive sur Idlib. En réalité, les Occidentaux veulent-ils éviter la chute des terroristes, la victoire finale d’Assad ou leur défaite complète en Syrie?

Les États-Unis, la France, et leurs partenaires ont dernièrement mis en garde le gouvernement syrien et ses alliés contre le drame humanitaire qui surviendrait s'ils venaient à lancer une offensive sur la région d'Idlib. Depuis quelques jours, les médias occidentaux ne cessent de reprendre leurs déclarations, multiplient les émissions anxiogènes consacrées à Idlib et dénoncent l'action future de Damas, de Moscou et de Téhéran. Dans un but philanthropique? Ou pour cacher une stratégie inavouable? Un petit retour en arrière s'impose.

​Le gouvernorat d'Idlib, situé au nord-ouest de la Syrie et frontalier avec la Turquie, possède une population d'environ deux millions de personnes, alors qu'elle était de 1,3 million en 2010. De nombreuses familles vivent ou sont réfugiées dans cette région qui est l'objet de toutes les attentions depuis plusieurs semaines. Et pour cause: les forces militaires du «régime criminel de Damas», ainsi que leurs alliés russes et iraniens, s'apprêtent à lancer une nouvelle bataille contre ce dernier bastion des djihadistes en Syrie, offensive qui sera terrible pour les populations. Chancelleries et rédactions craignent un nouveau massacre et condamnent déjà leurs auteurs désignés.

Au-delà d'écorner davantage l'image du gouvernement de Bachar el-Assad, des armées de Poutine et du soutien de Rohani, les pays occidentaux cherchent à masquer une réalité bien connue de tous: la Syrie est en guerre. Et cette guerre est terrible, notamment pour les populations civiles: près de 150.000 morts depuis 2011. On compte des centaines, voire des milliers de morts parmi les civils à chaque offensive des forces loyalistes contre les zones tenues par les «rebelles» et autres djihadistes, dans les régions d'Alep, d'Homs, de Douma ou encore de Deraa. Et il en sera de même dans celle d'Idlib. Parce qu'il en est de même à chaque offensive contre une zone urbaine.

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La bataille de Mossoul, en Irak, fournit à ce titre, un bon point de comparaison. En octobre 2016, les Irakiens, soutenus par la coalition internationale sous commandement américain, lancent la reconquête de Mossoul alors contrôlé par l'État islamique. Cette guerre, qui durera près d'un an, se soldera par la perte de milliers de civils: plus 5.800 entre les seuls mois de février à juin 2017, selon Amnesty International. L'association dénoncera aussi dans son rapport, «les violations du droit international humanitaire et des droits humains», commises par la coalition dont la France fait partie. Il est donc malheureusement évident que de nombreux civils périront dans cette offensive d'Idlib. À moins que la pression «humanitaire» ne parvienne à empêcher cette bataille, comme voudrait nous le faire croire nos médias?

Après la victoire à Deraa, Bachar el-Assad avait déclaré le 26 juillet 2018 qu'«Idleb est désormais notre but». Il a donc envoyé le plus gros de son contingent militaire en direction de cette région. Son allié russe, qui rappelons-le possède une base à Lattaquié, situé à 130 km au sud-est d'Idlib, a quant à lui mobilisé de nombreux navires de guerre en Méditerranée et une réelle force de frappe aérienne. Le 29 août dernier, Sergueï Lavrov a déclaré qu'il était «nécessaire de liquider cet abcès».

Si elle n'a pas encore officiellement débuté, l'opération Idlib est déjà lancée depuis quelques jours maintenant. En effet, l'aviation russe bombarde les positions extérieures des «rebelles» qui tiennent la région et les forces terrestres entourent peu à peu le gouvernorat. Cette bataille aura donc bien lieu et ce n'est pas la pression qu'exercent les Occidentaux qui stoppera Damas.

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Si la question humanitaire n'est évidemment pas secondaire, il convient de rappeler que la Syrie d'el-Assad est en guerre contre le terrorisme. À Idlib, on compte aujourd'hui entre 50 et 70.000 soldats «rebelles». Parmi eux figurent 12 à 15.000 terroristes de Daech et environ 25.000 djihadistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), composé par le groupe Front Al-Nosra qui prêta allégeance à Al-Qaïda.

Sous prétexte de ne pas causer crise humanitaire —rappelons que la population d'Idlib est composée pour moitié de réfugiés- l'État syrien devrait-il renoncer à chasser ces terroristes, qui contrôlent, pour le seul groupe HTS, près de 60% du territoire de la région?

Ces djihadistes qui se battent entre eux, parce que certains veulent négocier avec l'assaillant tandis que d'autres préfèrent en découdre. Ces djihadistes qui terrorisent les populations, prenant en otage les civils pour s'en servir comme boucliers humains. Ces «rebelles» qui installent à dessein leurs positions militaires (centres de commandement, batteries d'artillerie, etc.) au cœur des hôpitaux, des écoles et des mosquées, comme ils l'ont fait partout où ils étaient attaqués (Alep, Douma, etc.). Ces terroristes qui font partie de groupes qui ont tué en France, en Europe et aux États-Unis.

À cet égard, les pressions occidentales paraissent assez incompréhensibles. C'est peut-être que ces manœuvres «humanistes» se nourrissent en réalité de certaines arrière-pensées moins avouables.

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Si Daech est l'ennemi assumé de la France et des États-Unis notamment, qu'en est-il de HTS? Les Occidentaux manifestent-ils leur crainte pour éviter des pertes civiles ou des pertes stratégiques? Une question légitime puisque Paris et Washington ont utilisé ces factions terroristes —en leur livrant des armes, du matériel et des financements, au moins de manière indirecte par le truchement de leurs alliés turcs, saoudiens et émiratis- dans le but de nuire à Damas.

Jean-Yves le Drian a déclaré récemment que Bachar el-Assad avait gagné la guerre, mais pas la paix. Par ses mots, le ministre des Affaires étrangères admet l'échec de la stratégie occidentale de «Regime change» en Syrie. Et finalement, ces clameurs «humanitaires» ne sont que le chant du cygne d'un vaincu.

Ne pouvant empêcher Bachar el-Assad de gagner la guerre, les Occidentaux souhaiteraient qu'il perde la paix. Afin de fragiliser le Président syrien, ils braquent leurs objectifs sur les pertes civiles et non sur les victoires de Damas contre les terroristes. En effet, après le Bachar «animal», qui gaze son peuple, Bachar le «tyran» qui s'accroche au pouvoir face à une rébellion modérée, quoi de mieux qu'un Bachar qui tue des milliers d'enfants pour assouvir sa vengeance?

Quoi qu'il en soit, les Occidentaux et leurs alliés du Golfe sont actuellement hors-jeu dans le processus de paix. Celui-ci semble plus se jouer entre la Russie, l'Iran et la Turquie. Et c'est en partie vrai tant Erdogan joue encore un rôle ambigu chez son voisin. S'il a initialement largement contribué à la déstabilisation de la Syrie de Bachar el-Assad, l'évolution sur le terrain, défavorable à Daech et d'autres groupes similaires, l'a conduit à plus de prudence. La Turquie préfère désormais utiliser certaines factions djihadistes affidées contre les Kurdes syriens, comme ce fut le cas à Afrin et dans tout le nord de la Syrie.

Ce changement d'objectif, bien que contraint, a permis ces derniers mois un rapprochement entre Ankara et Damas et pourrait aboutir à une entente ce vendredi à Téhéran. En effet, la Russie, la Turquie et l'Iran, se réunissent ce 7 septembre dans le cadre du processus d'Astana, et ils devraient sceller un accord sur Idlib… sans la présence des Occidentaux.

Ces derniers, par la voix des États-Unis, qui président ce mois-ci le Conseil de Sécurité (CS) de l'ONU, ont opportunément décidé d'une réunion de cette instance, et ce au même moment que la rencontre de Téhéran. On se doute qu'à Washington, si les discussions tourneront également autour d'Idlib, les dissensions seront nombreuses entre membres permanents du CS.

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Dans ces conditions, la paix qui tente de se dessiner avec le processus d'Astana devra-t-elle forcément être avalisée par le Conseil de sécurité? Il est en tout cas à craindre qu'une stabilisation de la Syrie nécessite une forme d'accord avec Washington et ses «satellites».

En effet, si en reprenant Idlib, le Président syrien va renforcer son contrôle sur la Syrie, il ne sera pas encore le maître de tout le territoire national. Au-delà de petit contingent de soldats étrangers ou de forces spéciales occidentales qui appuient telle ou telle faction, l'US Army possède de nombreuses bases militaires sur le territoire kurde, au nord-ouest de la Syrie.

Comment justifier leur présence après la fin de la guerre contre les djihadistes, prétexte officiel de leur présence? En affirmant protéger les Kurdes tout en pompant les ressources naturelles de ces régions? Ou plutôt en considérant que la Syrie ne peut être en paix si Bachar el-Assad reste au pouvoir?

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