Un sommet russo-turc pour déterminer l'avenir de la province syrienne d'Idlib

© Sputnik . Sergei Guneev / Accéder à la base multimédiaLes présidents de la Russie et de la Turquie. Le sommet s'est tenu à Sotchi ce lundi 17 septembre.
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Les présidents de la Russie et de la Turquie se sont rencontrés une nouvelle fois pour évoquer le dossier syrien. Le sommet s'est tenu à Sotchi ce lundi 17 septembre.

Les contacts plus fréquents entre Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan ne sont pas étonnants: les deux dirigeants sont les principaux garants du processus de paix en Syrie. De plus, avec l'élimination des foyers terroristes dans le sud du pays, l'armée syrienne est prête à lancer le nettoyage de la dernière zone de désescalade. L'opération militaire contre l'organisation terroriste au sein de laquelle combattent également des ressortissants de l'espace postsoviétique pourrait se solder par une bien plus grande catastrophe: le gouvernement turc ne veut pas perdre le contrôle de cette province syrienne et cherche à persuader ses partenaires russes de trouver un compromis. Selon Izvestia.

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Pendant la conférence de presse finale, les présidents de la Russie et de la Turquie ont accordé beaucoup d'attention à la coopération économique et culturelle entre les deux pays. Ils ont évoqué les échanges, l'assouplissement du régime de visa, la construction du gazoduc Turkish Stream et bien d'autres dossiers. Mais au centre de leur intervention se trouvait le processus de paix syrien et, avant tout, la recherche d'une solution à la situation autour d'Idlib.

Jusqu'à présent, tout le processus de paix s'est déroulé dans un sens défavorable pour Ankara. Jusqu'en août 2018, l'attention des parties était rivée sur les actions du gouvernement syrien au sud du pays, où, avec l'appui de l'aviation russe, Damas avait réussi à débarrasser sa frontière avec la Jordanie et Israël des terroristes internationaux tout en faisant évacuer les partisans de l'opposition irréconciliable à Idlib.

Avec l'élimination des foyers d'instabilité et le début de la projection des forces syriennes dans le nord de la Syrie vers la zone de responsabilité dite «turque», Ankara est passé à l'offensive pour préserver ses acquis dans la zone de désescalade d'Idlib.

Le refus de l'Iran et de la Russie d'évoquer lors du sommet de Téhéran la possibilité d'instaurer une trêve officielle avec les organisations terroristes a été un signal pour la Turquie que tôt ou tard, l'opération antiterroriste serait dirigée vers Idlib. Dans les conditions de pression diplomatique dans le cadre du processus d'Astana, la Turquie a tenté de retarder les activités militaires intensives contre les terroristes sur sa frontière.

Les craintes de la Turquie sont dues avant tout au fait que l'opération militaire de l'armée syrienne et de l'aviation russe pourrait également toucher les positions de l'opposition modérée, essentiellement pro-turque. Sur 80.000 combattants présents à Idlib, près de 20.000 sont des terroristes du Front al-Nosra, qui est la cible principale de Moscou, de Damas et de Téhéran. Encore 30.000 à 40.000 hommes font partie de divers groupes radicaux que la Turquie tente de persuader de renoncer au soutien des terroristes pour rejoindre les rangs de l'opposition modérée.

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La position internationale de la Turquie est affaiblie par ses relations difficiles avec ses partenaires occidentaux. Ni l'Europe ni les USA, même s'ils appellent à prévenir la violence à Idleb, ne sont prêts à défendre la position turque suggérant de s'entendre avec les terroristes. Le gouvernement turc subit également une pression politique intérieure. La présence dans le pays de plus de 3,5 millions de réfugiés syriens depuis plus de 3 ans contribue à la montée en puissance de sentiments nationalistes et antigouvernementaux, qui se renforcent dans les conditions de crise économique et de hausse conséquente des prix des produits alimentaires et des services.

Une partie des élites dirigeantes pense que l'Iran, qui a perdu ces derniers temps ses positions au sud de la Syrie sous la pression de la Russie et de la communauté internationale, s'efforce de ralentir la coopération russo-turque sur la Syrie. L'exigence de mener l'opération militaire avec les unités les plus opérationnelles de l'armée syrienne avec le soutien des unités chiites pro-iraniennes déployées près d'Idleb contribue à la hausse de la tension entre la Russie et la Turquie, car cela affaiblit les positions de chaque partie. C'est dans ces conditions que Poutine et Erdogan espéraient que la rencontre de lundi à Sotchi éclaircirait leur position sur Idleb et contribuerait à l'élaboration d'un compromis.

Et c'est ce qui s'est passé. Le compromis trouvé par les dirigeants russe et turc à Sotchi inclut plusieurs aspects importants et interconnectés.

Premièrement, il est question de mesures pour séparer l'opposition modérée et les terroristes. Le renforcement des postes d'observation turcs, ainsi que l'augmentation du périmètre de la zone de sécurité devraient, dans l'idéal, pallier la menace d'attentats contre les bases russes et les unités syriennes. Les organisations terroristes, séparées de la masse principale de la population civile et de l'opposition modérée, pourraient à terme être éliminées lors d'une opération menée en coopération étroite entre les autorités turques, syriennes et russes.

Deuxièmement, il est question de la stimulation du processus de paix. Tout le fardeau repose précisément sur les épaules des Turcs qui doivent persuader le plus grand nombre possible de combattants d'entamer les négociations avec le gouvernement syrien. La Turquie a exprimé son attachement aussi bien au mécanisme d'Astana qu'aux négociations politiques intersyriennes.

Il faut dire que pour la Turquie, la question d'Idlib ne se limite pas à la situation uniquement dans la province. Toute action hostile contre l'organisation terroriste à Idleb pourrait provoquer l'activation du réseau de ses partisans et sympathisants en Turquie-même, or ce réseau s'est significativement renforcé ces dernières années. La lutte contre le front al-Nosra doit avoir une couleur idéologique acceptable pour les conditions turques particulières.

Hormis la menace d'attentats en Turquie, Ankara cherche à éviter une évolution défavorable de la situation dans la lutte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qu'il considère comme terroriste. La filiale syrienne de cette organisation collabore étroitement avec les troupes américaines sur la rive gauche de l'Euphrate. La Turquie craint que tôt ou tard, les organisations kurdes syriennes armées soutenues par les USA exigent de Damas leur autonomie, ce qui serait un premier pas vers la séparation des Kurdes syriens. Cela entraînerait inévitablement une hausse du séparatisme dans les provinces orientales de la Turquie, où la situation est déjà tumultueuse.

De ce fait, il faut voir la volonté de la Turquie de rester à Idlib comme une tentative de maintenir un levier de pression sur les autorités syriennes, qui pourraient utiliser le facteur kurde dans la pression sur les Turcs à l'avenir.

La Russie insiste de manière intransigeante sur la nécessité d'éliminer la menace terroriste en Syrie et de faire passer le conflit armé dans le pays à la phase politique. Sachant que les exigences turques peuvent être considérées comme plus ou moins acceptables pour les intérêts russes.

Avant tout, le maintien de la présence militaire turque dans la province renforce le niveau de responsabilité de la Turquie pour les événements à Idlib. Plus le nombre de soldats turcs en Syrie est élevé dans des conditions d'incertitude et d'instabilité militaro-politique, moins la Turquie souhaite prendre de mesures radicales et imprévisibles vis-à-vis du gouvernement syrien.

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De plus, la volonté de la Russie de reporter l'opération militaire annoncée à multiples reprises à la demande de la Turquie ne fait que contribuer au renforcement du mécanisme de coopération bilatérale. Étant donné que la demande d'atermoiement émanait du sommet de l'État, le compromis pourrait apporter de grands bénéfices sur d'autres questions.

Enfin, à long terme, les tentatives de la Turquie d'éroder les organisations terroristes au lieu de les détruire pourraient entraîner la radicalisation de l'opposition modérée.

L'exemple de la politique pro-turque de l'administration syrienne au nord de la Syrie indique que plus il y a de partisans de la charia et d'idées radicales dans les rangs de l'opposition modérée, plus la population locale est déçue par l'idée de la révolution syrienne et par l'utilité de s'opposer au gouvernement syrien en principe.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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